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Humaniser la nature, naturaliser l’homme...

mardi 22 janvier 2019 par Pierre Lenormand (ANC)

L’environnement est une question globale qui doit d’autant plus nous réunir que les vrais et graves problèmes aujourd’hui posés ont leur origine dans le mode de production capitaliste : prédations et pollutions affectent la nature (l’atmosphère, les eaux, les ressources minérales, les sols, la faune et la flore) comme elles affectent les hommes livrés à la tyrannie de la loi du profit, de la productivité maximum et des inégalités croissantes.

Problème ancien, dont Marx avait eu la claire intuition en écrivant dans Le Capital (livre premier, tome II des éditions sociales, p. 182) : « la production capitaliste ne développe (…) la production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur ».

La défense de « la terre-mère » - en Amérique du sud notamment - vient de nos jours éclairer à nouveau la nécessité de revoir la manière dont notre nourriture, qu’elle soit d’origine végétale ou animale, est produite dans le cadre des systèmes techniques et sociaux productivistes aujourd’hui dominants.

L’impact des actions humaines sur la planète définirait désormais notre époque comme une nouvelle ère géologique, l’anthropocène , que certains auteurs préfèrent désigner comme ‘capitalocène’.

L’accumulation d’observations, d’analyses et d’interprétations souvent contradictoires nous impose de préciser notre position sur la crise environnementale, dimension désormais incontournable de la crise globale du capitalisme, en évitant divers écueils :

- Nombre de nos contemporains, aveuglés par un anti-écologisme primaire, s’enferment dans la sous-estimation, voire le déni des problèmes d’environnement, pouvant aller jusqu’à prétendre qu’il serait inévitable, voire de bonne politique de détruire la nature, et qu’il est donc urgent de ne rien changer et de continuer le « business » comme d’habitude.

- D’autres sont à l’inverse enfermés dans une conception fondamentaliste d’une nature idéalisée, débouchant sur des propositions maximalistes conduisant à des injonctions simplistes voire sectaires (détruire les barrages au nom de la ‘continuité hydrologique des cours d’eau’, ‘manger moins de viande pour sauver les forêts) ou sur des approches très partielles et partiales de la crise environnementale, ainsi que sa réduction - si fréquente - à l’urgence climatique au détriment de toutes les autres (Voir en annexe une note plus détaillée sur la question du réchauffement climatique).

- Les médias se font aussi le relais d’un écologisme de l’inquiétude de plus en plus invasif : aux images fabriquées de toutes pièces (l’œuf cuisant sur une planète entourée de flammes, ou l’ours blanc sur son résidu de banquise) se sont ajoutés de multiples films, séries et publications diverses mettant en scène divers scénarios ‘apocalyptiques’ de fin du monde. Le genre - ancien - est devenu un business florissant qui contribue à entretenir dans les têtes un catastrophisme à base d’ angoisses au quotidien (sanitaires, alimentaires, climatiques, mais aussi sécuritaires) qui ont toujours préparé et servi les régimes autoritaires.
S’inspirant de la ‘pédagogie de la peur’ du philosophe allemand Hans Jonas, tout un courant de collapsologues théorise cette écologie de l’inquiétude, qui va du « catastrophisme éclairé » à « l’effondrement » annoncé voire appelé de leurs vœux.

En quoi une telle approche peut-elle favoriser les nécessaires mobilisations populaires [1] ?

Au cœur de la nébuleuse verte (mais loin de la discipline scientifique qu’est l’écologie, qui étudie les écosystèmes) les différents courants de l’écologie politique « insistent sur la prise en compte des enjeux écologiques dans l’action politique ». Ils font de la responsabilité des hommes dans la dégradation de notre environnement naturel le cœur, à vrai dire exorbitant, de toutes les politiques à promouvoir.

Pour ‘sauver la planète’ - qui pourtant n’a pas attendu les hommes pour connaître périodes fastes et cataclysmes - l’écologisme politique prononce un certain nombre d’interdits, qui vont du rejet de principe du nucléaire au refus de la chimie, voire de l’industrie, jusqu’à la dénonciation de l’idée même de progrès pour mieux imposer le mot d’ordre de « décroissance ».

Ils revendiquent une approche « écocentrée » des problèmes, qu’ils opposent à l’ « anthropocentrisme » hérité de Descartes et des Lumières. Leur « refus de faire confiance aux hommes et au temps » [2] les conduit à une approche passéiste des équilibres - rêvés souvent - perdus. Au nom d’un homme abstrait, ils ignorent les enseignements de l’histoire, et font preuve d’une grande indifférence à la lutte des classes, qui ne serait pas le sujet. Ils ne reconnaissent généralement pas la nécessité de donner à l’humanité la maîtrise d’un environnement nécessaire à un développement enfin dégagé des contraintes du capitalisme qui suppose un véritable changement révolutionnaire.

C’est dans ce sens pourtant qu’au sein-même de cette nébuleuse verte se sont démarqués des courants marqués par le marxisme comme l’écosocialisme [3] dont le franco-brésilien Michael Löwy est l’un des théoriciens en France. Aux États Unis, John Bellamy Foster développe l’idée qu’ « il ne peut pas y avoir une révolution écologique sans une révolution socialiste et pas de véritable révolution socialiste qui ne soit aussi écologique ».

Et dès 1844, Marx avait écrit : « la société est l’achèvement de l’unité essentielle entre l’homme et la nature (…) le naturalisme accompli de l’homme et l’humanisme accompli de la nature »  [4].

Comme y appelle notre manifeste, ne faut-il pas dès maintenant, dans la perspective d’inventer un socialisme du XXIème siècle, réfléchir à des objectifs et à des formes de production et d’échange débarrassés de l ‘exploitation mais aussi respectueux des ressources naturelles et des écosystèmes ?

Dans ce but, loin de tout rejet à priori de la science, comment tirer tout le parti possible des découvertes scientifiques et des nouvelles technologies, sans pour autant tomber dans le culte d’innovations techniques confondues avec le progrès, nouveau scientisme que la fuite en avant dans le numérique et l’intelligence artificielle nous prépare, vers une nouvelle époque de domination des hommes par des robots et machines ‘intelligentes’ au service des firmes et des capitaux qui les contrôlent ?

Au centre de notre réflexion, nous posons la question d’une nouvelle définition du travail concret, libéré du marché de l’emploi et pour une société « où les producteurs associés règlent rationnellement leurs échanges avec la nature, qu’ils la contrôlent ensemble au lieu d’être dominés par sa puissance aveugle, et qu’ils accomplissent ces échanges en dépendant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine » [5]


À propos du réchauffement climatique

Le réchauffement climatique d’un peu plus d’un degré observé depuis le « petit âge glaciaire » (centré sur le règne de louis XIV) a dès le début du siècle dernier fait l’objet de débats scientifiques entre tenants des origines naturelles (cycles astronomiques) et tenants des causes humaines (émissions de gaz à effet de serre).

La thèse de l’origine anthropique du réchauffement climatique a été développée de manière très argumentée par une institution créée à cet effet, le GIEC (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat).

Cette thèse est devenue dominante, et s’oppose désormais à tout débat avec les scientifiques qui soulignent les insuffisances et les incertitudes des modèles et des prédictions alarmantes de ses experts. Refusant de céder à une pression médiatique constante en leur faveur, de nombreux chercheurs de par le monde, et de nombreux citoyens, souhaiteraient y voir plus clair, en entendant les différents points de vue dans des débats publics, sérieux, argument contre argument.

Depuis la COP 21, de tels débats sont devenus impossibles, et pour mieux invalider les points de vue critiques, on a même appelé à la rescousse la théorie de la ‘dissonance cognitive’, qui voudrait que les humains repoussent a priori toute vérité qui dérangerait leur confort quotidien ou intellectuel. Il n’est pas bon de laisser s’installer des doutes ou des contestations sur un sujet qui intéresse le monde entier.

Il serait sain que, sans préjuger de ses résultats, le débat scientifique reprenne à la lumière des dernières connaissances, permettant d’établir la part des causes humaines et naturelles dans l’évolution des températures actuelles et à venir, susceptibles d’associer correctement mesures d’atténuation d’une part, et mesures d’adaptation d’autre part.

Par delà ce débat scientifique, d’autres aspects de la ‘politique climatique mondiale’ soulèvent de sérieuses critiques : ainsi la volonté affichée depuis des décennies, tout particulièrement depuis la COP de Paris, de lutter contre le réchauffement en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (principalement du CO2 provenant des combustibles fossiles) n’est suivie d’aucun effet significatif.

La gestion libérale et technocratique de ces émissions, (recours systématique au ’signal prix’ via la fiscalité indirecte et mise en place d’un ‘marché du carbone’) se révèle totalement inefficace. En faisant fi des principes démocratiques et de justice les plus élémentaires et en refusant toute forme de planification, le capitalisme mondialisé est incapable de réduire les émissions de GES qui continuent à croître, au mépris de la préservation des combustibles fossiles pour les générations futures…

Et la prétention à « sauver le climat » paraît dans ces conditions fort imprudente, voire hors de portée. Dans ces conditions, on ne peut que s’interroger sur le bien-fondé de la pétition très médiatisée ‘l’affaire du siècle’ mettant en accusation l’état français pour son inaction en matière climatique, sachant que l’origine nucléaire de la production électrique nationale classe notre pays parmi les moins émetteurs de GES.

Ne nous trompons pas de cible, c’est bien la question de la sortie du capitalisme qu’il faut poser.


[1Cet écologisme médiatique propose en ce début d’année 2019 diverses campagnes invitant chacun d’entre nous à des comportements vertueux : Janvier sec (sans alcool) et lundis verts (végétariens). Par delà leur caractère un brin puritain et très culpabilisateur, ces campagnes relèvent de l’écologisme de marché qui attend du simple changement de comportement des consommateurs les solutions à la crise écologique, dédouanant du même coup la puissance publique de ses responsabilités.

[2Stéphane François : L’écologie : un refus des lumières ? (2011) à lire sur www. gaucherepublicaine.org/respublica/l’ecologie-un-refus-des-lumières/2630

[3Karl Marx, manuscrits de 1844, p. 89, rappelé par Franck Fischbach, « L’activité humaine. Vie naturelle et historique chez Marx », revue ‘Kairos’, n° 23, « Penser la vie » (Université de Toulouse le Mirail, 2004).

[4L’idée d’écosocialisme a notamment été reprise par Mélenchon. Diverses autres formulations entendent souligner la nécessité d’allier combat écologique et combat social, de l’écologie de progrès à l’écologie populaire (invoquée par Sarkozy et Macron, mais récemment revendiquée par les gilets jaunes et des élus de la France Insoumise). Par delà les termes, c’est bien entendu le contenu qui compte… Plus près de nous l’éco-communisme, chez Georges Gastaud répond à l’écomunisme chez André Prone. Ce dernier a été à l’origine d’un ouvrage qui vient de paraître ‘L’autre voie pour l’humanité’, dans lequel « 100 intellectuels s’engagent pour un post-capitalisme » au travers de textes courts de trois à quatre pages qui éclairent notamment les débats sur ce thème (Delga, 2018, 391 pages).

[5Karl Marx, le Capital, livre III, volume 3 des Éditions Sociales (1975) p. 198-199

   

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