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Macron et sa tribune en campagne pour les Européennes

mercredi 6 mars 2019 par ingirumimus

Macron présente souvent cette image hallucinée où il transforme ses propres mains en serres, comme s’il voulait attraper quelque chose qui lui échappe. Le revoilà donc encore en campagne. Après la longue campagne pour le Grand débat et contre les gilets jaunes, le voici qu’il tente d’exister au niveau européen, alors même que Sylvie Kaufman, journaliste très européiste du Monde, est obligée de constater que les ambitions de Macron affichées en 2017 au moment de son élection sont très loin et que son personnage a fini d’intéresser à l’étranger, entre autre chose parce que s’il n’arrive pas à gérer la France, on voit mal comment ses idées pourraient être bonnes à l’échelle du continent [1].

Les réactions des européistes montrent que la Tribune que Macron a envoyée à 28 journaux européens est en train de faire un flop. Donc Macron écrit, du moins fait il semblant.

Déjà en janvier 2019 il avait écrit aux Français pour leur dire combien il avait été un gros nul et qu’il n’allait plus les injurier. Et puis cette lettre n’a jamais été expédiée, à croire qu’elle s’adressait plus aux éditorialistes qu’aux Français eux-mêmes. Là c’est un peu la même chose. Cette missive de 1595 mots est sensée parler de la renaissance de l’Europe. Déjà la titre est une défaite en soi : car si l’Europe doit renaître, c’est qu’elle est morte et bien morte. Il se positionne ainsi dans le rôle d’un croque-mort ou plutôt d’un embaumeur de cadavre.

Mais pourquoi est-elle morte, Macron n’est pas capable de nous le dire, aussi il détourne le problème en deux temps : d’abord en disant que tout de même l’Europe a apporté beaucoup, ensuite qu’en ayant le courage de la réforme, elle apportera encore bien plus à l’avenir. Bien entendu, on ne lui contestera pas l’idée d’être européiste, fédéraliste, et même pour la disparition des nations, mais par contre, on lui reprochera d’être incohérent dans le choix de ses arguments et surtout de mentir en permanence.

Mais ça il ne peut pas faire autrement, ne connaissant rien sur rien, et encore moins sur le reste, il est bien obligé de nous asséner des contre-vérités.

L’Europe c’est la paix


Cette missive hallucinée n’a rien pour séduire, et d’ailleurs elle ne contient rien du tout, à part des contradictions qui sont en général la marque des billets de propagande. Mais parler pour ne rien dire est, il faut bien le reconnaître, la seule chose que Macron ait su faire dans sa vie. Il reprend donc le blabla habituel sur le thème de «  l’Europe c’est la paix ». Ça ne mange pas de pain. Il ne risque pas de détailler cette vieille fable à la Jean Monnet car il risquerait de devoir s’expliquer sur le point suivant : si l’Europe ne s’était pas faite, avec qui y aurait-il eu une guerre ? Avec l’Allemagne qui n’avait plus d’armée ? Avec l’Angleterre, avec l’Italie ? On ne voit pas très bien qui aurait pu braver l’interdiction des Américains de se lancer dans une entreprise militaire aussi douteuse.

Peut-être avec les Russes ? Mais l’Europe n’ayant jamais eu d’armée, ce n’est sûrement pas cela qui risquait d’effrayer les « communistes ». En vérité c’est même le contraire que nous devons considérer : l’Europe a poussé pour que l’Ukraine la rejoigne, et c’est sans doute cela qui a abouti au conflit larvé avec la Russie et donc indirectement à l’annexion de la Crimée. Mais évidemment Macron, dans son numéro de bonimenteur, va oublier d’expliquer en quoi l’Europe est porteuse de tensions belliqueuses.

Prenons seulement trois exemples : le premier est celui du Brexit. Macron nous explique que les Britanniques se sont trompés et donc qu’une Europe améliorée la ramènera dans notre giron. Mais évidemment il ne dit rien des difficultés du Brexit qui tiennent d’abord au fait que les négociations menées par la Commission européennes ont été menées pour punir les Britanniques, et non pour acter la sortie de ce pays : c’est d’ailleurs ce que reprochent les parlementaires britanniques à May, le fait d’avoir été bien trop conciliante avec Barnier et son équipe.

Macron ment d’ailleurs dans sa tribune à ce sujet : « Le piège n’est pas l’appartenance à l’Union européenne ; ce sont le mensonge et l’irresponsabilité qui peuvent la détruire. Qui a dit aux Britanniques la vérité sur leur avenir après le Brexit ? Qui leur a parlé de perdre l’accès au marché européen ? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande en revenant à la frontière du passé ? » Il y a de nombreux pays les États-Unis, la Chine, le Japon et j’en passe, qui ne sont pas dans l’Union européenne, mais qui ont accès à son marché. Il ne précise pas d’ailleurs pourquoi en sortant de l’UE cela entraînerait nécessairement la guerre avec l’Irlande. Il y a eu des avancées sur le statut de l’Irlande. D’ailleurs Macron ne sait pas trop de quelle Irlande il parle, de l’Irlande du Nord, ou de l’Irlande en général ?

On aurait pu aussi parler des relations tendues au sein de l’Union européenne entre la Hongrie et la Pologne, et en général le groupe de Visegrad, avec le reste de l’Europe. C’est tellement la paix et l’amitié entre les peuples que le parlement européen veut exclure du PPE les Hongrois. Le dernier exemple, ce sont les relations diplomatiques entre la France et l’Italie. Certes il a trouvé dans ce pays des journalistes amis pour l’interviewer sur la RAI, et dire que tout cela c’était juste un triste malentendu, les Italiens n’ont pas été dupes, ils ont compris que Macron tentait seulement de combattre la coalition Di Maio-Salvini qui présente exactement l’inverse de ce qu’il est [2].

Mais en Italie les européistes à la Renzi – qui se trouve sur la même ligne politique que lui – n’ont plus le vent en poupe. Ils ne sont plus pris au sérieux. Le niveau du PD en Italie est à peu près celui de LREM en France, peut-être un peu moins même. Sans l’Europe serions-nous fâchés avec les Italiens ?


Macron aime à fustiger les nationalismes, ça lui permet de dire qu’il est ouvert et progressiste. Mais sait-il de quoi il parle ? On peut en douter. En effet, les partis nationalistes en Italie, en France, en Hongrie, de partout en Europe sont en progrès constant. La bonne question serait de se demander si ce retour à la nation n’est pas le résultat du fonctionnement même de l’Europe.

Si cette construction compliquée et peu démocratique avait donné satisfaction en matière de croissance, d’emploi et de protection de l’environnement, elle ne serait pas remise en question. Au contraire, on l’applaudirait et on en redemanderait. Mais il s’en tient à l’idée simpliste que l’Europe a été un très grand succès et pour faire pièce aux nationalismes qui selon lui divisent l’Europe, il n’envisage rien de moins que de les remplacer par un autre nationalisme, un nationalisme européen :

« Fondée sur la réconciliation interne, l’Union européenne a oublié de regarder les réalités du monde. Or aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si elle n’a pas des limites qu’elle protège. La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen : tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). »

Je ne suis pas très sûr que Macron sache précisément ce qu’est une nation : c’est une culture commune, une communauté de destin, une langue et un passé commun, mais aussi un destin [3].

Rien de tout cela existe en Europe. Certes le communautarisme, le développement de l’hétérogénéité ethnique tend à détruire à la fois la langue et la nation, mais pour l’instant rien ne la remplace. On passe donc à l’idée selon laquelle la taille serait un atout décisif pour assurer la paix et la prospérité. Pour cela Macron relance l’idée selon laquelle nous avons trois ennemis : la Russie et la Chine, comme au bon vieux temps de la Guerre froide, mais aussi les États-Unis avec qui pourtant l’Union européenne est incapable de négocier quoi que ce soit. C’est du niveau intellectuel de la campagne publicitaire des eurolapins.

Cette idée de désigner 3 puissants ennemis pour justifier la construction de cette Europe, est d’ailleurs en contradiction avec le logiciel bruxellois qui suppose qu’un monde ouvert et sans frontières, fussent-elles européennes, est la meilleure forme de gouvernement possible puisque le marché assure tout aussi bien l’optimum économique et l’optimum politique. C’est en tous les cas ce que garantissent les traités.

Macron nous dit à ce propos qu’il est sans tabou à ce sujet, et prêt à modifier les traités ! Prendrait-il des leçons chez Mélenchon, chez ATTAC, défendrait-il une autre Europe, une Europe sociale ? Et si oui, avec qui ? L’idée de remettre en question les traités au cœur même de l’Europe n’est déjà pas très sérieuse quand elle vient de Mélenchon, mais quand elle arrive du côté de Macron, c’est carrément risible. D’autant qu’après avoir défini les États-Unis comme un ennemi potentiel de l’Europe il propose de développer une défense européenne – aussi floue dans ses buts que dans sa nécessité – dans le cadre de l’OTAN.

L’État et le marché

« L’Europe n’est pas une puissance de second rang. L’Europe entière est une avant‑garde : elle a toujours su définir les normes du progrès. Pour cela, elle doit porter un projet de convergence plus que de concurrence : l’Europe, où a été créée la sécurité sociale, doit instaurer pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement. » nous dit-il.

Certes, mais l’Europe est désunie. Dans la même phrase il réussit à dire tout et son contraire. L’Europe selon le nouveau Macron c’est plus de convergence et moins de concurrence. Seuls des imbéciles souscriront à ce genre de tour de passe-passe. D’abord parce que l’idéal de la concurrence est inscrit dans les traités comme fondateur et indépassable, la convergence non. Mais si on se souvient bien de la rhétorique antérieure de Macron, c’est la concurrence et la compétitivité qui devait amener la convergence. Or, nous le savons, de convergence il n’y en a pas eu, il n’y a eu que de la divergence [4].

Certes on peut toujours dire que cette divergence vient d’abord de l’euro, mais Macron ne propose pas de faire disparaitre la monnaie unique, ce qui serait pourtant d’un bon effet pour ranimer la convergence entre les nations, il propose toujours plus de fuite en avant. Mais d’ailleurs que propose-t-il donc concrètement pour sortir d’une crise dans laquelle l’Europe s’enlise depuis au moins 2008 ?

Rien de sérieux, la fumeuse idée d’une banque pour financer la transition écologique, rebaptisée Banque européenne du climat. Voilà cet individu dont le bilan en matière écologique est tellement nul que le très conciliant Nicolas Hulot a dû démissionner, qui nous explique qu’il veut se fixer comme objectif pour l’Europe un taux de carbone 0, et un taux de pesticide divisé par 2 pour 2050. C’est dérisoire, sachant qu’il n’a même pas osé imposer à l’Europe l’éradication rapide du glyphosate, alors qu’il était dans la position de le faire avec un peu de détermination.

C’est bien l’idée d’un banquier que de faire semblant de croire que le règlement des problèmes politiques est seulement une question de financement.

Pour le reste la contradiction est flagrante : Macron nous parle de la protection sociale et de la défense des libertés, mais il oublie de dire que s’il est si peu populaire – le dernier sondage le donne à 28% d’opinions favorables [5] – c’est parce que les Français lui reprochent d’abord d’avoir travaillé à détruire les libertés – il a été condamné par le Conseil de l’Europe par trois fois pour une usage excessif de la violence envers les manifestants – et aussi de mettre en péril le modèle social.

Et en effet l’inconséquent Macron ne peut pas à la fois faire la promotion d’une déréglementation tout azimut des marchés, privatiser à mort ce qu’il reste à privatiser, tout en réclamant un État fédéral européen puissant qui protégerait les Européens.

Comment ce qu’il défait en France pourrait-il être remplacé par l’Union européenne ? Sans doute est-ce dans cette anomalie l’indifférence que cette tribune a suscitée.


Cette analyse rapide de la tribune signée par Macron, mais qui aurait pu être écrite par Bruno Roger-Petit tellement elle est creuse, montre qu’il n’est pas très sérieux. Certes il ne peut pas proposer autre chose qu’une vision enchantée et utopique de l’Union européenne, étant donné que les résultats de celle-ci sont très mauvais, et prouve qu’elle a été un mauvais choix sur lequel nous devons revenir.

Mais le caractère lénifiant de cette tribune explique aussi pourquoi elle a été reçue plus que fraîchement dans toute l’Europe. Les élections européennes à défaut de changer quelque chose dans la configuration politique actuelle vont permettre peut-être de lever le voile sur l’imposture européenne, mais aussi sur celles qui suivent : une autre Europe, l’Europe des Gens, l’Europe Sociale !


Voir en ligne : http://in-girum-imus.blogg.org/macr...


Nous vous proposons cet article afin d’élargir notre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici.

   

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