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Remettre en chantier la question de la propriété.

mercredi 21 août 2019 par Pierre Lenormand (ANC)

Durant deux siècles, la question de la propriété a agité, voire dominé le débat politique. Toute une école de pensée, issue des lumières, en faisait la source de toutes les inégalités. Le dernier quart du XXème siècle a été au contraire marqué par une sorte d’effacement. Ainsi dans les années 80 est développée l’idée que la question principale ne serait pas la propriété des biens et des entreprises mais leur gestion. Et la socialisation des grands moyens de production et d’échange a disparu des objectifs de la plupart des formations politiques où elle avait pourtant longtemps occupé une position centrale.

C’est pourtant durant cette période d’effacement que s’est achevée la mise en place d’un capitalisme monopoliste mondialisé, où d’immenses firmes, groupes et conglomérats multinationaux règnent sur l’ensemble de l’économie et détiennent par divers relais la réalité du pouvoir politique.

Vers l’extension indéfinie de l’univers de la marchandise

L’empire de la propriété privée s’est étendu au travers de multiples processus de privatisation, auxquels plus rien ne semble devoir désormais échapper : des pans entiers de services publics (transports, santé, éducation) sont passés entre les mains d’investisseurs à la recherche de profits. Les états européens ont abandonné aux banques l’émission des monnaies, une organisation mondiale de la propriété intellectuelle a été créée, semences et patrimoines génétiques peuvent être privativement appropriés.

Mais avec le tout numérique notre siècle est en voie de devenir celui de la privatisation universelle générale. Les nouvelles technologies de l’information et internet ont, dans une première période mis à la disposition de tout internaute des moyens de connaissance entièrement nouveaux. Mais depuis l’aube de ce siècle, des capitaux privés ont peu à peu pris en otage ces nouvelles technologies, en en multipliant à l’infini les applications marchandes, à l’origine de fortunes colossales. Prélevant à chaque opération son pourcentage, le commerce en ligne initié par le géant Amazon s’est imposé, avec tous ses effets pervers.

Il s’étend désormais à la location d’un logement, même modeste, via AirBnb et ses copies, ou d’une voiture via Uber et ses imitateurs, sous économie rentière reposant non pas sur les revenus du travail, mais sur les gains liés à la propriété, aussi minime soit-elle, faisant de chacun de nous un vendeur ou un loueur potentiel. En proposant d’innombrables produits et services pour satisfaire nos désirs supposés, « l’économie de plateforme » dite abusivement « collaborative » voire « de partage » repose sur la multiplication exponentielle d’échanges entre utilisateurs et met, au détriment de tous les autres, le droit de propriété au centre de l’économie et de notre quotidien.

Nouvelle économie digitale et nouveau projet politique

Portée par l’irrésistible ascension de l’usage du smartphone, c’est enfin la captation et le contrôle par des firmes aux pouvoirs exorbitants de « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ». De l’état civil au métier, de la santé aux habitudes de consommation, des goûts et préférences de chacun d’entre nous, la multiplication des applications et des objets connectés leur ouvre un champ infini. Dans le cadre du « big data », ces données sont traitées comme de véritables marchandises, destinées à nourrir, via la publicité et le marketing, la recherche incessante de nouveaux profits.

En accordant une valeur, voire un prix à ces données immatérielles, les géants du numérique ont créé de nouveaux marchés faisant de chaque internaute un propriétaire, conscient ou non, consentant ou non : au nom de la modernité de cette nouvelle économie, où chacun serait l’égal de tous, on a pu idéaliser ce hold-up marchand sur la personne, l’intimité, la dignité, par lequel s’achève la marchandisation du monde.

Pourtant non périssables et reproductibles à l’infini, les connaissances, les savoirs peuvent aussi de leur côté faire l’objet d’une appropriation privée, du simple fait de l’intermédiation d’un serveur ou d’une plate-forme, exigeant un paiement au titre du service rendu : ils deviennent à leur tour de ce fait des biens immatériels…

La captation à des fins privées et de profit des techniques de l’information et de la communication a par ailleurs favorisé les progrès de l’idéologie libertarienne : expression extrême du néo-libéralisme, elle repose sur la double exigence de la liberté économique et de la liberté individuelle, dont la propriété privée serait le garant. De telles idées sont avancées dès le XIXème siècle, elles ont cheminé longuement, de manière discrète, pour s’affirmer par exemple sous Giscard avec son mot d’ordre « tous propriétaires ! »

En inspirant les néo-conservateurs états-uniens l’idéologie libertarienne a pris véritablement corps : à l’origine des prêts hypothécaires qui ont conduit à la crise des sub-primes, elle imprègne pourtant l’action de la Banque mondiale (1) et nombre de célébrités s’en réclament (2). Sous différentes appellations et variantes (minarchistes, objectivistes, anarcho-capitalistes) des partis libertariens se sont créés, qui connaissent une expansion modeste mais mondiale. Cette conjonction entre thèses libertariennes et tout numérique, résumée par Eric Sadin (3) dans la formule du « techno-libertarisme » promeut une ’nouvelle économie’ exaltant la start-up et l’auto-entreprenariat, la fin de l’impôt, de la cotisation et de toute protection sociale, le rejet de l’état et des corps intermédaires, des syndicats et des associations.

Au nom d’une liberté de propriété sans limite, elle entend achever le démantèlement de tous les collectifs, de tous les conquis sociaux du salariat par la concurrence de tous contre tous. On est là devant un vrai projet politique où chaque individu isolé et livré à un marché tout puissant en viendrait, ruse suprême, à s’en satisfaire ou, mieux encore, à le désirer.

S’attaquer dès maintenant à la dictature de la propriété privée.

Jusqu’à une période récente, des principes relativement simples, des normes, des seuils ont pu être établis pour distinguer la propriété lucrative, celle des grands moyens de production et d’échanges, de la propriété personnelle des artisans, petits commerçants et simples citoyens.

La question de la limite perdure, mais peut aujourd’hui se poser en termes nouveaux. Vient ensuite la question des formes juridiques à adopter en lieu et place de la « propriété absolue » de type romain, telle que définie par notre Code Civil. L’arsenal des solutions historiquement expérimentées est vaste : simple droit d’usage, propriété commune, propriété collective, propriété publique - dont la propriété d’état, si répandue et si contestée - nue propriété et usufruit, appropriation sociale, inappropriabilité...

Riche des enseignements de l’histoire, le mouvement social est confronté aujourd’hui à plusieurs cas de figure (4), qui sont autant d’enjeux pour la transformation du monde dans la perspective d’un avenir commun. Il me parait souhaitable de les aborder sans rien exclure, sans se fixer de limite a priori, mais d’envisager tous les possibles, en tenant compte, loin des solutions toutes faites ou de recettes simplistes, de la diversité des situations concrètes.

   

Messages

  • 1. Remettre en chantier la question de la propriété.
    21 août 2019, 18:04 - par RICHARD PALAO


    Si on Lit le programme de LFI et du PCF il n est plus question de procéder a de vraies nationalisations c est a dire a l appropriation sociale et collective de tous les moyens de production et de la finance autant dire que ces programmes sont des châteaux de sable et si ils étaient mis en place egratigneraient a peine le capitalisme et lui laisserait donc les mains libres pour torpiller toute tentative dr changement

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