Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > Voir aussi > À propos des élections du 10 novembre en Espagne

À propos des élections du 10 novembre en Espagne

dimanche 1er décembre 2019 par Miguel Medina

En Espagne comme chez nous ! (NDLR)
Les résultats des élections du 10 novembre en Espagne ont surpris peu de gens, dont apparemment le premier ministre Sánchez et ses conseillers. L’été dernier ceux-ci avaient misé sur un retour aux urnes dont la suite escomptée serait un renforcement substantiel de la position avantageuse du PSOE, au point de ne plus dépendre des soutiens d’Unidas Podemos (UP : « confluence » Podemos-Izquierda Unida) et des nationalistes catalans pour gouverner en solitaire, appuyé sur une confortable majorité parlementaire de leur parti.

Il n’en fut rien : au lieu d’en gagner le Parti Socialiste a perdu 728.000 voix et 3 sièges du Parlement par rapport aux élections du mois d’avril. À son tour, UP a enregistré une baisse de 636.000 suffrages et 7 sièges entre les deux élections. De la sorte, la distance entre l’addition des deux groupes et la majorité absolue au Parlement s’en est accrue… et le soutien ou du moins l’abstention des nationalistes catalans et basques demeure tout aussi incontournable, sauf recours à quelque variante plus ou moins complète de « grande coalition ».

Pourtant rien n’était plus prévisible que le calendrier et le signe d’une décision judiciaire condamnant à de lourdes peines de privation de liberté les prisonniers politiques catalans, à moins d’un mois de la répétition électorale. La surprise semble aussi peu de mise devant les réactions, tout comme devant les répercussions du jugement sur une atmosphère ambiante déjà pesante (en Catalogne et ailleurs en Espagne).

La poussée de l’extrême droite néo-franquiste qu’incarne Vox s’inscrit en partie dans l’élan d’une surenchère nationaliste espagnole réactionnaire. Par ailleurs, bien d’autres concurrents y ont contribué. D’avril à novembre, Vox a grossi de près d’un million de votes son score électoral et de 24 sièges sa représentation parlementaire, désormais la troisième plus nombreuse aux Cortès.

Ceci dit, il convient de s’arrêter sur une tendance (en Espagne et il semble qu’à l’extérieur aussi) à réduire cette forte visibilisation de l’extrême droite à une sorte d’alignement sur un phénomène général des pays européens et plus largement « occidentaux ». Ce n’est sans doute pas faux.

Sauf que la « créature » n’est pas née d’hier : les suffrages réunis par l’ensemble que forment Vox, Ciudadanos et le Parti Populaire ne dépassent pas ceux que jadis se concentraient sur le seul PP (un peu en deçà du maximum recueilli par ce parti en 2011). Bien sûr, le ton, l’habit, les gestes importent et contribuent à un air du temps très inquiétant, d’autant plus qu’il y a percée de l’extrême droite en certains milieux populaires.

À peine plus de 24 heures après la journée électorale, Sánchez et Iglesias annonçaient leur accord sur un « pacte » de gouvernement PSOE-UP partant d’un « décalogue » d’objectifs programmatiques sommairement formulés (soutien à la croissance et aux PME, une fiscalité « plus juste »…). Les médias ont tout de suite anticipé une vice-présidence « sociale » du futur Conseil des Ministres pour Iglesias et quelques autres postes pour UP avec des attributions dans les domaines du climat, du genre et des politiques contre la précarité de l’emploi. Moyennant pressions et bon conseils des patrons de l’Ibex35 (version ibérique du CAC40) !

Loin d’esquisser la moindre condition ou prévention, les dirigeants du PCE et d’Izquierda Unida ont immédiatement entériné un accord qui oblige très explicitement les représentants d’UP à respecter intégralement « la cohésion, la loyauté et la solidarité » de l’action gouvernementale.

Deux semaines après, une consultation à la « base » d’Izquierda Unida a confirmé le choix de sa direction, soutenu par 88 % des 11 000 adhérents qui s’en sont exprimés… sur un effectif de 37 000 convoqués : cette participation de 31 % des membres recensés en dit long de la situation actuelle d’une formation passablement effacée de l’espace public sous l’ombre de Podemos, tout comme elle avait elle-même approfondi la « submersion » du PCE…

Cause et conséquence de sa détresse, l’évolution de ses résultats dans la succession d’élections réalisées depuis fin 2015 témoigne d’une impasse qui ne finit pas de se creuser : baisse de 2,27 millions de suffrages pour la somme Podemos-Izquierda Unida entre les législatives du 20 décembre 2015 et celle de 28 avril 2019, voisine de 3 millions rapportée au 10 novembre dernier (en à peine quatre ans !).

Difficile de susciter l’enthousiasme dans les rangs d’une gauche que les chefs de file d’IU et du PCE proclament volontiers comme celle qui poursuit la « transformation » de la société en souscrivant au serment de « cohésion, loyauté et solidarité » envers un gouvernement dominé par un parti dont les choix tout au long des dernières quatre décennies se sont, sauf rare exception, étroitement alignés sur les intérêts de l’impérialisme et des grandes corporations espagnoles et multinationales.

Une « gauche » qui jure sa « loyauté » à ceux qui se sont toujours montrés comme les agents les moins critiques du carcan néolibéral imposé par l’UE, ceux-là mêmes qui ̶ tout en avouant leur soumission honteuse aux « pressions » de l’impérialisme américain ̶ persistent à reconnaître un fantoche comme prétendu « président » du Vénézuela, et qui refusent de condamner et n’osent même pas appeler par son nom le coup d’état criminel orchestré par l’impérialisme nord-américain et ses alliés locaux contre le gouvernement légitime d’Evo Moralès en Bolivie… !

Les dirigeants d’Izquierda Unida ont choisi de ne pas s’écarter d’un centimètre sur l’essentiel du scénario dessiné par Iglesias et ses amis de Podemos : pacte de gouvernement avec le PSOE conditionné à la formation d’un gouvernement de coalition. Au lieu d’articuler un véritable pôle d’opposition aux politiques néolibérales, quels que soient leurs agents du moment, au lieu d’œuvrer à l’activation et au renforcement de la mobilisation sociale contre ces politiques, ils s’engagent à rester « loyaux » à ceux qui garderont les rênes de leur application. Le risque que cela implique de contribuer à la fausse image de marque de l’extrême droite comme seule « opposition » ne semble pas mince…

À ce jour les échanges se poursuivent entre les représentants du PSOE et de plusieurs formations en vue d’assurer l’investiture de Sánchez. Les pressions manifestes de porte-paroles signifiés du grand capital pour reconduire la situation vers un accord PSOE-PP, voire un troisième tour électoral, vont bon train.
Des ténors des deux partis les relaient sans mystère. L’issue reste apparemment inconnue. Mais, quoi qu’elle soit, les dirigeants d’UNIDOS PODEMOS ont clairement exprimé leur choix.

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?