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Campagne Internationale en soutien à Assa Traoré et sa famille

lundi 2 décembre 2019 par La vérité pour Adama

Plusieurs personnalités afro-américaines se mobilisent :
- Mumia Abu Jamal, journaliste emprisonné depuis 1982 — il est devenu le symbole de l’opposition à la peine de mort.
- Tunde Adebimpe, musicien et acteur
- Michael Bennett, joueur de football et soutien de Bernie Sanders.
- Angela Davis, essayiste, féministe et ex-candidate à la vice-présidence des États-Unis en tant que membre du Parti communiste.
- Emory Douglas, ministre de la Culture du Black Panther Party de 1967 à 1982
- Patrisse Cullors, cofondatrice du mouvement Black Lives Matter et activiste queer.
- Talib Kweli, rappeur — soutien d’Occupy Wall Street et de BDS, il lutte contre les violences policières et pour les droits des prisonniers.
- Tom Morello, guitariste du groupe Rage Against the Machine et membre du syndicat IWW (Industrial Workers of the World).
- Boots Riley, rappeur, scénariste et cinéaste — il est l’une des figures d’Occupy Oakland.
- Alice Walker, écrivaine, poétesse et féministe.
- Keeanga Yamahtta-Taylor, professeure d’université et auteure de From #BlackLivesMatter to Black Liberation.


En solidarité avec la Campagne internationale pour Assa Traoré et sa famille, qui débutera le 3 décembre prochain, nous avons sollicité plusieurs militantes et militants afro-américains, connus pour leur engagement en faveur de la justice sociale et de la lutte antiraciste. Cette tribune a ainsi vu le jour : un signe de soutien, adressé de l’autre côté de l’Atlantique, au combat judiciaire que mène, avec acharnement, les Traoré et le Comité Adama depuis l’été 2016. La revue Jadaliyya a publié la version anglaise ; nous la diffusons ici en français, en partenariat avec Bastamag.(BALLAST)

l y a trois ans, Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans, a été retrouvé mort dans la cour d’une gendarmerie, à Persan (95), après avoir subi un placage ventral par trois gendarmes qui voulaient effectuer un contrôle d’identité. En dépit des premiers signes manifestes de malaise et des alertes formulées par Adama, quant à sa difficulté à respirer, les gendarmes n’ont rien fait. Lorsque les pompiers ont finalement été appelés, ils l’ont trouvé les mains attachées, tête contre le sol. Puis ont défait ses menottes afin de le mettre en position latérale de sécurité : Adama agonisait déjà. Il a été déclaré mort peu de temps après.

Un procureur a évoqué une « grave infection » et une « asphyxie » ; d’autres « experts » ont fait état de « problèmes cardiaques ». Des médecins ont quant à eux invoqué la drépanocytose [1]. Sa famille, elle, n’a cessé de contester ces résultats, rappelant qu’Adama était un homme athlétique en bonne santé. Plusieurs expertises et contre-expertises ont d’ailleurs démenti les déclarations officielles.

Le Comité Adama a vu le jour en 2016. Ce collectif, fondé par la famille et les proches du défunt, milite pour que « l’affaire » ne soit ni rejetée, ni oubliée. Pour que soient mises en lumière les fautes graves des gendarmes ainsi que les dysfonctionnements de la Justice. À ce jour, aucun des gendarmes n’a été entendu devant une cour de justice — plusieurs membres de la famille d’Adama se trouvent pourtant en prison à l’heure qu’il est.

Et voici qu’en octobre 2019, ces mêmes gendarmes portent plainte contre Assa Traoré, la sœur d’Adama, devenue, depuis, l’une des figures de la lutte contre les violences policières en France. Elle encourt une amende de 45 000 € et une peine de prison avec sursis, ceci pour avoir révélé publiquement les noms des responsables de la mort de son frère et organisé un évènement familial en sa mémoire, le 28 avril 2018, à Beaumont-sur-Oise.

Nous condamnons cette parodie de justice et exigeons que les représailles institutionnelles qui frappent la famille Traoré cessent sur-le-champ. Toute la lumière doit être faite sur ce drame : ainsi, seulement, justice sera rendue.

Extrait d’une rencontre que nous avions organisée, en 2018, entre Assa Traoré et Angela Davis

« Angela Davis  : Des luttes radicales émergent, en particulier contre les violences d’État, et la question de la violence se voit posée à ceux qui résistent. Dans cette vidéo qui date d’un demi-siècle, je réagissais à la question de ce journaliste qui voulait que ce soit moi qui parle de l’usage de la violence — sans avoir considéré que c’est l’État et ses représentants qui ont le monopole de la violence. C’est toujours d’actualité. La violence policière – ces attaques contre les communautés noires et arabes dont vous faites l’expérience ici, en France — s’exerce sans relâche depuis le colonialisme. Notre analyse de la violence est devenue hautement plus complexe et difficile. C’est pourquoi j’apprécie vraiment ce que les jeunes font aujourd’hui dans les campagnes contre les violences policières, ou contre le complexe industrialo-carcéral. Pendant des décennies et des décennies, nous n’avons cessé de demander que des individus responsables de violences policières (ou de la violence des agents de sécurité, comme ce fut cas avec Trayvon Martin2 et George Zimmerman, qui l’a tué, soient poursuivis. Le mouvement récent reconnaît que ce ne sont pas seulement les individus qui devraient être poursuivis en justice, car on pourrait poursuivre chaque agent un par un : la violence continuera à faire partie intégrante de la structure du système policier. Ce que j’estime vraiment nécessaire, c’est l’analyse structurelle, le fait d’envisager les personnes dans un contexte plus large. On doit, plutôt, envisager la démilitarisation de la police. Aux États-Unis, nous militons pour l’abolition du maintien de l’ordre public tel que nous l’avons connu jusqu’à présent ; cela, bien sûr, en nous fondant sur le modèle utilisé pour exiger l’abolition de l’emprisonnement comme modèle punitif dominant. Ce dont il s’agit, c’est de l’abolition de la police en tant que mode de sécurité. C’est en cela que je pense que l’analyse structurelle peut déboucher sur une voie bien plus radicale que de continuer à réclamer la poursuite d’individus, encore et encore. Car la violence reste toujours intégrée dans la structure policière ; l’abolition du maintien de l’ordre et l’abolition de l’emprisonnement sont des demandes radicales, car elles impliquent que nous réfléchissions à toute une gamme de nouvelles connexions, en sachant que l’éducation, la santé, l’habitat et le travail sont autant de questions qui pourront être réglées si on essaie d’éradiquer de nos sociétés la violence structurelle inhérente à la police et aux prisons. Et ceci est une approche féministe, qui plus est.

Assa Traoré : Dès qu’on me parle de violence, je dis que la première des violences est celle que mon frère a subie. Il a subi un placage ventral — cette technique d’immobilisation est interdite dans plusieurs États aux États-Unis ainsi que dans des pays européens frontaliers, mais elle continue d’être pratiquée en France. C’est cette violence qu’il faut dénoncer. Mon frère leur a dit qu’il n’arrivait plus à respirer et ils ont continué à le compresser, sans l’emmener à l’hôpital. On va le laisser mort comme un chien sans lui apporter aucun soin. Ces gendarmes sont des militaires, ils sont censés sauver toutes les personnes humaines ; ce jour-là, ils auront pourtant un droit de mort. La violence appelle la violence. Ce sont eux qui appellent donc à la violence. À leurs yeux, la justice n’était pas un de nos droits. Mais nous leur disons qu’on ne le quémande pas, qu’il nous est dû. On subit des violences et de la répression : mes cinq frères sont actuellement en prison. Mais pourquoi les gendarmes ne sont-ils toujours pas mis en examen ? Notre système est celui d’une justice à deux vitesses. Les frères Traoré sont condamnés sur-le-champ, mais les gendarmes, après deux ans, sont toujours en liberté : ils n’ont ni été inquiétés, ni mis en examen, ni condamnés. Il faut des personnes pour remplir les prisons ; il faut des coupables idéaux : ceux qui n’ont pas la bonne couleur ou la bonne religion. Quand on met des sous dans le système répressif mais qu’on n’en met pas dans les soins ou dans l’éducation, ça justifie le fait de remplir ces prisons. Aux États-Unis, on parle de système "racial", en France, on parle uniquement de "social" : on masque. D’ailleurs, ce système social n’est pas le même partout, que ce soit dans nos quartiers ou dans les villes très pauvres de France. On met des quartiers en souffrance quand on ne leur donne pas de moyens, une souffrance ciblée. Maintenant, quand on organise un évènement sportif avec des enfants en hommage à Adama, le système nous envoie l’armée : des militaires, les armes à la main. »


[1Une maladie génétique de l’hémoglobine qui toucherait en particulier les personnes issues du continent africain.

   

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