Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > Repères et Analyses > 1960 : Les Indépendances africaines. Des mémoires plurielles

1960 : Les Indépendances africaines. Des mémoires plurielles

dimanche 19 janvier 2020 par Francis Arzalier (ANC)

De janvier à aout 1960, quatorze territoires de l’Afrique subsaharienne française (AOF, AEF) sont devenus des États indépendants. Ils venaient s’ajouter aux deux anciens protectorats français du Maghreb, indépendants en 1956 (Maroc et Tunisie), à la colonie de Guinée qui avait seule en Afrique Noire rejeté la férule française par référendum en 1958. Le Cameroun, le Sénégal, le Togo, Madagascar, Benin, Niger, Burkina Faso (dit alors Haute-Volta ), Côte d’Ivoire, Tchad, Centrafrique, Congo ( Brazzaville ), Gabon, Mali, Mauritanie.

Cet événement fondamental ne manquera pas d’être abondamment raconté et commémoré 60 ans plus tard, de Paris à Dakar où Bamako, à juste titre. Encore faut-il que cette mémoire des Indépendances africaines ne soit pas la redite d’une version falsifiée de l’événement, héritée du passé colonial de la France.

Une version domine encore : "De Gaulle, président français en 1960, a octroyé leur indépendance aux Africains, comme il l’avait promis dès 1944 par son discours de Brazzaville."

Une contre-vérité historique totale, popularisée par les Gaullistes de la 5ème République. En fait, si le Général chef de la Résistance française affirma à Brazzaville sa gratitude aux Africains pour avoir contribué à la lutte contre les occupants allemands, il y affirma aussi la pérennité de "l’Empire français".

Certes, les guerres coloniales d’après-guerre, en Indochine, puis en Algérie, ont été décidées, organisées, par les politiciens démocrates-chrétiens (MRP) et Socialistes, mais les Gaullistes du RPF en rajoutaient, les accusant de n’être pas assez répressifs. Et surtout, c’est grâce à l’insurrection des ultra-colonialistes, militaires et civils à Alger en 1958 que De Gaulle a pris le pouvoir et pu créer la 5ème République.

La réalité historique est la suivante :

La défaite du Nazisme en 1945 a permis un nouveau rapport de forces dans le monde, et la croissance forte de luttes anticoloniales en Asie et Afrique : ainsi, dès 1946, fut fondé à Bamako le Rassemblement Démocratique Africain, très lié longtemps au PCF. De nombreuses luttes populaires en découlèrent, politiques et syndicales, animées par des militants comme le marxiste malien Modibo Keïta, ou le Guinéen Sekou Touré, formé par la CGT.

Malgré la répression, (massacre d’insurgés à Madagascar en 1947, emprisonnement de militants un peu partout), les opinions africaines soutenaient massivement les militants anticoloniaux en 1960, alors que la Guerre de libération se poursuivait en Algérie depuis 6 ans.

De Gaulle a compris avant d’autres que ce mouvement était irréversible : il décidera donc de négocier l’indépendance algérienne en 1962, en y incluant ce qui lui paraissait essentiel : l’exploitation du pétrole saharien et la possibilité d’essais nucléaires français dans le désert. Il s’est résolu aux mêmes compromis en Afrique Noire, acceptant des indépendances devenues inéluctables, mais en mettant en place des dirigeants "amis de la France", liés à Paris par des accords corsetant l’économie et la politique des nouveaux États, comme Houphouet Boigny à Abidjan, Senghor à Dakar, etc.

Entre 1960 et aujourd’hui, les troupes françaises sont intervenues dans le cadre des "accords inégaux de 1960" des dizaines de fois en Afrique, au service de dirigeants "amis" : en Côte d’ivoire, au Tchad récemment, au Mali encore aujourd’hui. Leur présence actuelle au Sahel, sous prétexte d’y éradiquer le "djihadisme", ayant eu pour conséquence première d’y nourrir la croissance exponentielle des groupes intégristes ou délinquants.

Une nouvelle phase "néo-coloniale" de l’histoire africaine était inscrite dans les accords des Indépendances de 1960. Elle s’est traduite par le délitement progressif (et délibéré) des États nationaux par ce qu’il faut bien nommer l’Impérialisme occidental, qui leur a imposé un endettement massif et des " Plans d’Ajustement Structurels " qui se résumaient à la destruction des entreprises publiques au profit du Capital privé, à l’austérité des services publics de santé et d’éducation.

En tuant ainsi les embryons de développement industriel et agricole étatique, ces pas ont répandu de Dakar à Bamako l’économie informelle, et le désir d’émigration, comme seul espoir de vie meilleure pour une jeunesse réduite au chômage et à la pauvreté.

Tel est l’héritage contradictoire des Indépendances de 1960.
La mémoire ne peut échapper à l’idéologie, mais elle doit s’en tenir aux faits et leurs contradictions pour prétendre au titre d’Histoire.

Francis Arzalier, historien, responsable de la revue Aujourd’hui l’Afrique de 1997 à 2018.
Article paru dans l’Humanité du 17 janvier dernier.


Témoignage du guinéen Mahmoud Bath

décédé en 2018 (revue Aujourd’hui l’Afrique, septembre 2010 ).

" J’obtins mon baccalauréat en juin 1960, année au cours de laquelle nombre de colonies françaises devinrent des États indépendants... j’ai vécu toute l’effervescence de liberté-libération, qui, de septembre 1958 à Décembre 1960, a déferlé sur les capitales africaines, enthousiasme et mobilise les populations...Toutes les couches sociales saluaient l’événement. Pour les élèves et les étudiants, pour les ouvriers et travailleurs des villes, pour les paysans, artisans, éleveurs des zones rurales, un monde nouveau commençait. Chacun était prêt à s’impliquer, à redoubler d’ardeur...Les nouveaux dirigeants assuraient la population de leur détermination à œuvrer pour le bien-être de tous. C’étaient des agents du pouvoir colonial à divers niveaux : commis des services administratifs et techniques, instituteurs, agents de santé...Sauf exception, ces dirigeants n’étaient ni des hommes de savoir, ni des hommes de culture...Dans une très large mesure, ce sont les "conseillers" désignés auprès d’eux par l’ancien pouvoir colonial qui vont en fait diriger les nouveaux États...S’agissant (des dirigeants) inspirés de l’idéologie marxiste, l’Occident mit en œuvre tous les moyens à sa disposition pour les faire échouer."

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?