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D’autres raz de marée sont à prevoir. Tout est à refaire.

jeudi 26 mars 2020 par Nicolas Mathieu (écrivain)

Au mois d’octobre, j’avais publié sur cette page un texte assez long où je détaillais le piètre état dans lequel se trouve le système de santé français, en province notamment.

Aujourd’hui, le Grand-Est est aux premières loges de la pandémie. Les services hospitaliers, en Alsace surtout, tirent déjà la langue et on sent chez les médecins, les soignants, monter la conscience de l’inéluctabilité d’une catastrophe.

Mon père se trouve chez lui ; il souffre de diabète et de la maladie d’Alzheimer. Ma mère qui a connu plusieurs cancers pâtit de capacités respiratoires diminuées, ses poumons étant endommagés par les rayons qui l’ont guéri. Je suis confiné, demain mon fils me rejoindra. Il fait très beau ce 16 mars 2020 et sous le ciel impeccable, nous pressentons tous le déluge microscopique qui vient. Chacun est à son domicile, dans l’attente de cette vague dont on ne sait pas qui elle emportera.

Aujourd’hui, nous vivons un moment historique, cruel comme une rafle, qui laissera des plaies, et modifie de fait notre appréhension du monde. L’heure n’est pas à la désignation des responsables, ni à la colère. Quelques imbéciles s’embrassent encore en pleine rue, croyant que leur bêtise est du courage, qu’une accolade est un maquis, mais on peut être certain que très vite, nous ferons corps, nous tiendrons bon, surmonterons le cours habituel de nos paresses et de nos dissensions pour faire face.

Nous sommes un peuple ancien, ni meilleur ni pire qu’un autre, qui se sait une histoire partagée et éprouve aujourd’hui avec une évidence renouvelée la communauté de destin qui le traverse.

Pour cette fois, il est en partie trop tard. Dans six mois, des statistiques nous renseignerons avec leur froide précision sur ce qui aura été vécu. Les autorités, actuellement médusées, auront alors tout compris. Rien ne se prévoit mieux que le passé. On tirera les leçons de nos maux, relativisant les pertes et les coûts.
À défaut d’être tous morts, nous auront tous été frappés. Le retour à la normale se fera dans un soupir, quelques têtes tomberont, nous serons les vétérans de cette guerre. La vie reprendra alors telle quelle. Et c’est encore le plus triste.

Car rien ne serait pire qu’un retour à la normale.

Nous faisons aujourd’hui l’expérience à moindres frais de nos fragilités. Si demain, nous revenons à notre aveugle train-train, primat du marché, sentiment de présent perpétuel, environnementalisme de façade, grand remplacement de la raison par les affects, assassinat permanent de la langue, la prochaine crise nous trouvera aussi sots, aussi démunis.

Je rêve que ce virus soit le point de butée où trébuche notre civilisation du déni permanent ; qu’enfin nous regardions les choses en face et constations notre échec.

Ce monde que nous avons fabriqué, dans ses détails comme dans son déploiement, n’est pas viable. D’autres raz de marée sont à prévoir. Tout est à refaire.


Nicolas Mathieu, né le 2 juin 1978[réf. nécessaire] à Épinal dans les Vosges, est un écrivain français. Son roman Leurs enfants après eux, publié en 2018, est récompensé par le prix Goncourt la même année. Son œuvre aborde les conséquences de la désindustrialisation sur la classe ouvrière française.

   

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