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Interview de Jean-Pierre Page sur le centenaire de la naissance de Lenine

mercredi 29 avril 2020 par Jean-Pierre Page /Agence d’information russe "Krasnaya vena"

“Selon vous, le nom de Lénine sera-t-il progressivement oublié au fil du XXIe siècle, ou au contraire, il gagnera en popularité à mesure que l’Humanité entrera dans une impasse civilisationnelle ?”
Ce qui est frappant chez Lénine c’est son extrême lucidité et la pertinence d’une réflexion qui met toujours l’accent sur les enjeux de classe, la critique de l’opportunisme et donc les défis que le mouvement ouvrier révolutionnaire doit confronter. Il le fait à partir d’une analyse rigoureuse du développement du capitalisme à son stade impérialiste. Cette manière d’appréhender la réalité et les contradictions qui en découlent sont à mes yeux un guide permanent pour l’action.

Remarquable chez Lénine comme chez Marx ou Engels sont leur capacité à anticiper, à fixer des objectifs, à donner confiance à partir d’une vision cohérente entre l’économique, le social, le politique et toujours dans une perspective internationaliste. Ils le font à partir d’une impressionnante culture philosophique et encyclopédique qui les font figurer au Panthéon de l’intelligence de l’humanité.

Comme d’autres avant eux ils ont l’objectif de voir les hommes s’émanciper de leurs chaines d’exploitation, d’aliénation, qu’ils se dépassent et agissent pour une société ou les rapports sociaux seront fondés sur le principe communiste “de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins”, c’est à dire une société socialiste fraternelle. La pensée politique et philosophique de Lénine est depuis plus d’un siècle et pour des centaines de millions d’hommes et de femmes dans le monde, un outil d’analyse pour l’action et pour la transformation du réel.

Elle a été à l’origine de transformation radicale de sociétés et d’états, d’un rapport des forces entre capital et travail. En ce sens la pensée de Lénine est universelle, elle est toute sauf un dogme et a depuis longtemps passé avec succès l’épreuve de l’histoire.

Je ferai 3 remarques :

1-Pour Lénine il s’agit fondamentalement d’adresser les causes et non comme l’on fait et le font certains les conséquences. L’expérience montre que ceux qui font le choix de s’en tenir aux seuls effets conduisent toute action à l’impuissance et finalement à renoncer à toute idée de rupture avec le système dominant.
Pour Lénine il faut donc et en tout premier lieu procéder à une évaluation correcte de l’impérialisme au plan économique, sociale et politique. Faire un état des lieux avec des arguments convaincants, des exemples précis, des faits indiscutables. C’est ce qu’il a entrepris dans toute son œuvre et c’est ce qui lui a permis de conduire un combat révolutionnaire efficace en Russie comme à l’échelle mondiale.

Conséquence directe d’octobre 1017, je pense à ce que fût la première conférence des peuples d’Orient que l’on appelle aussi la conférence de Bakou en 1920. Elle souleva et apporta dès cette époque des réponses d’une grande portée à des enjeux comme la décolonisation, la question nationale ou l’émancipation des femmes.

Par conséquent, oui, les analyses de Lénine sont d’une très grande modernité et un outil incomparable pour donner à l’action des masses une orientation de classe. Elles s’attaquent vraiment et non en apparence à la mainmise du capital sur toutes les activités humaines.

Lénine dit justement dans son œovre maitresse de 1916 “l’impérialisme stade suprême du capitalisme” : “L’impérialisme est le prélude de la révolution sociale du prolétariat » Depuis, la révolution d’octobre 1917 cette vision s’est confirmé, à l’échelle mondiale par un développement sans précédent des luttes de classes faits de victoires et de défaites, d’avancées et de reculs Je crois que la vision prémonitoire de Lénine, nous permet de comprendre par exemple ce que nous vivons aujourd’hui.

Ainsi la crise sanitaire actuelle est de ce point de vue un excellent révélateur. Car elle n’est pas que sanitaire, elle est en fait le reflet, le révélateur de la logique même du capitalisme. En fait, cette situation était prévisible et annoncée depuis longtemps y compris par des économistes libéraux. La récession, la dépression, l’éclatement des bulles financières n’avaient pas attendu le coronavirus. Ce que nous vivons met à nu non seulement la faillite et l’incapacité du capitalisme à répondre aux enjeux fondamentaux et donc aux besoins des peuples dans tous les domaines.

Mais, par dessus tout elle met en évidence la nature même de ce système oppresseur et criminel qui dans l’histoire a montrer que pour assurer sa survie est capable de recourir aux guerres. Ce que Marx appelait « les eaux glacées du calcul égoïste ». Inéluctablement, il engendre cette tendance à la stagnation et à la putréfaction, au parasitisme. C’est ce que nous vivons actuellement. Lénine en avait clairement analysé cette évolution prévisible.
Les faits lui donnent raison.

Quand il disait : “le monopole du capital financier c’est trois à cinq grosses banques, dans n’importe lequel des pays capitalistes les plus avancés. Elles ont réalisé l’"union personnelle" du capital industriel et du capital bancaire, et concentré entre leurs mains des milliards et des milliards représentant la plus grande partie des capitaux et des revenus en argent de tout le pays ». Il s’agit bien de cette oligarchie financière qui enveloppe d’un réseau serré de rapports de dépendance toutes les institutions économiques, politiques et culturelles sans exception de la société bourgeoise d’aujourd’hui.

La dépression et la récession économique historique à laquelle on assiste ne sont pas comme on cherche à nous le faire croire un mauvais moment à passer, une chose allant de soi, avant une pause ou avant une nouvelle conjoncture favorable. Cette crise menace l’humanité toute entière, et elle fait en fait l’objet de choix politiques délibérés et réfléchis.

Pourquoi ?

Mais parce que le capitalisme s’est transformé pour l’immense majorité de la population du globe en un système universel d’oppression et d’asphyxie de toutes les activités humaines du social comme de l’économique, des relations internationales comme de la coopération, de l’environnement comme de la culture.

Après la disparition de l’URSS provoquée par une clique corrompue cela s’est développé à l’échelle planétaire sous la direction du suzerain américain avec une poignée de pays vassaux dits "avancés" et pour le bénéfice exclusif de cette oligarchie mondialiste. Le monde n’a jamais connu autant de milliardaires. Les inégalités se sont accrues considérablement entre les états et entre les peuples et au sein même de ces derniers.
Nous savons qu’avec la pandémie que nous vivons actuellement ces inégalités vont s’aggraver plus encore ! Pour le système il ne saurait y avoir d’autre issue que l’intensification sans précèdent de l’exploitation forcenée des hommes et des ressources, jusqu’à leur complet épuisement.

Autre exemple, les structures régionales et continentales qui ont été mis en place sont l’expression d’un impérialisme géo-économique, elles font la preuve comme on le voit en Europe de leur totale incapacité à faire face aux défis. En fait, elles n’existent pas pour ça. Leur finalité est tout autre. Si, elles font le choix de la fuite en avant financière c’est pour sauver le système dont l’Euro.

On fait pleuvoir les milliards par pour la santé des peuples mais pour la santé du Capital.

Le partage du "butin" se fait donc entre deux ou trois rapaces de puissance mondiale, armés de pied en cap conduit par les États Unis. Elles entraînent toute la terre dans leur guerre pour s’accaparer les richesses du travail par le pillage et en se débarrassant de tout ce qu’il juge inutile et obsolète y compris des êtres humains comme les nazis l’on fait en leur temps, en recourant à l’eugénisme.

Pour ce faire, ils veulent masquer leurs décisions à travers un contrôle sans précèdent des esprits, des idées. Ils veulent asservir chaque individu par une répression sans précédents des libertés.

On assiste en fait, à une forme de fascisation qu’ils veulent mener toujours plus loin.

2- Cette situation est à hauts risques pour le devenir même de l’humanité. Mais, elle peut être également une période propice à faire monter des exigences fortes de changements radicaux comme le démontre le rapport annuel 2020 du laboratoire de recherches Edelman qui montre que 74% de la population mondiale considère les capitalisme comme un système injuste et qu’il faut en changer.

Cela implique par conséquent une clarification sur les analyses et les comportements politiques vis-à-vis de ceux qui se réclament du réformisme, de l’opportunisme qu’il soit politique ou syndical. Lénine les avait stigmatisé en son temps à travers la faillite de la deuxième internationale. Il est un fait qu’aujourd’hui les masques tombent. On a l’habitude de dire que dans une barricade il n’y a que deux cotés, or tout le monde est au pied du mur et en devoir de choisir son camp.

Les opportunistes quelque soit leur appellation politique qu’ils soient sociaux démocrates, pseudo écologistes mais vrais politiciens, chantres de la société civile et des ONG, révisionnistes de toutes formes, syndicalistes, ne pourront résister longtemps à cette exigence de clarification. Car en effet pour eux il faut aménager le système et rien d’autre, faire par exemple un capitalisme vert a visage humain. C’est d’ailleurs ce qu’un groupe de grandes sociétés multinationales comme l’Oréal, Coca Cola, Microsoft, et d’autres préconisent pour l’Europe aux cotés des dirigeants écologistes, de parlementaires sociaux démocrates et de droite.

Ils sont rejoints par des syndicalistes totalement inféodés au système capitaliste. Ces derniers représentent cette aristocratie ouvrière obséquieuse qui s’est prostituée pour le compte des classes dirigeantes. Lénine disait en son temps :” ils sont le fruit inévitable de l’idéologie des petits bourgeois”.

A l’intérieur du mouvement ouvrier, les opportunistes momentanément vainqueurs dans la plupart des pays comme on le voit en Europe, inscrivent leur action précisément dans la continuité du système capitaliste. Lénine faisait remarquer ” Dans la guerre civile entre prolétariat et bourgeoisie, un nombre appréciable d’entre eux se range inévitablement aux cotés de la bourgeoisie, aux côtés des "Versaillais" contre les "Communards”.

C’est ce que nous vivons aujourd’hui et sur ce plan cela rend prémonitoire et irréfutables les arguments de Lénine. Cette clarification politique est donc nécessaire pour contribuer à faire reculer les fausses solutions, les illusions, les bonnes intentions la main sur le cœur qui visent à entretenir le découragement dans les masses, la fatalité et le renoncement au combat.
Non, le capitalisme n’est pas un horizon indépassable, il faut donc le démontrer !

Par conséquent, pour les peuples et les travailleurs il n’y a pas d’autres solutions que de rompre définitivement avec de telles orientations et avec ces groupes opportunistes qui coopèrent avec la bourgeoisie. C’est là une condition incontournable si l’on veut un véritable changement de société en rupture avec la dictature totalitaire du Capital.

3-Il est intéressant de noter que dans cette période marquée par la perspective d’un possible recul de civilisation, de nombreux analystes craignent des résistances, et une évolution d’une ampleur sans précédent de l’état d’esprit général des peuples. En ce sens nous pouvons parler d’enjeux révolutionnaires. Nous ne sommes donc pas les seuls à souligner cette évidence. Même, si c’est pour des raisons diamétralement opposées aux porte-paroles du Capital.

Ces derniers, évoquent de manière de plus en plus systématique des risques de soulèvements populaires, de révolutions. Non sans appréhensions, c’est ce que la multinationale de la communication qui appartient au milliardaire US Bloomberg vient de faire remarquer. Il est un fait, que de l’expérience concrète de cette situation inédite, les masses peuvent en tirer des leçons.

Toutefois, comme la montré Lénine la condition pour cela est l’existence d’une force politique et sociale organisée du prolétariat capable de jouer son rôle d’avant garde. Son absence serait un handicap majeur si l’on renonçait à s’en donner les moyens ou à la renforcer là ou elle existe.

Lénine avait l’habitude de dire qu’il faut avant, pendant et après la révolution que les travailleurs expérimentent, qu’ils prennent des initiatives et en ce sens. Ils doivent se fixer l’objectif d’imposer concrètement et par l’exemple l’exercice d’un véritable pouvoir de décision, le leur, et sur tous les sujets, depuis les lieux de travail jusque dans la cité comme au plus haut niveau de l’état. De tels objectifs ne sauraient être remis à demain.

Cette question se pose dès à présent. Il y a des combats et des initiatives à prendre pour imposer par la lutte et les mobilisations d’autres règles plutôt que de créer des illusions en cherchant à accompagner les fausses solutions qui cherchent à s’adapter aux politiques du capital.
Ce qu’il faut c’est rompre avec la logique et la nature de celui-ci. La période présente peut être faite d’opportunités pour des avancées révolutionnaires si les peuples et les travailleurs passent à l’acte sans attendre, en prenant les initiatives nécessaires en assumant leurs responsabilités avec l’objectif majeur de mettre un terme définitif au capitalisme.

En ce sens, oui, l’on peut dire qu’après Marx, Lénine avait raison de mettre en évidence l’urgence révolutionnaire de l’époque dans laquelle il se trouvait. Il savait anticiper avec un esprit créatif, un sens de l’initiative politique inné et une intelligence remarquable. Sa pensée et sa vision doivent inspirer nos combats présents et futurs car nous vivons le temps des révolutions, tel doit être notre conviction et notre ordre du jour !

Dans le poème de 1924, “ Hier, à 6h50 minutes est mort le camarade Lénine” le grand poète révolutionnaire Vladimir Maïakovski lance :

« En rangs, prolétaires, pour le dernier corps à corps !
Esclaves, redressez vos genoux pliés !
Armée des prolétaires, dans l’ordre, avance !
Vive la révolution, joyeuse et rapide !
Ceci est la seule et unique grande guerre,
de toutes celles que l’histoire ait connues ».

Jean-Pierre Page
17 avril 2020

   

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