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Faute de protection, des soignants souffrent, contaminent et succombent

dimanche 3 mai 2020 par Caroline Coq-Chodorge, Pascale Pascariello, Antton Rouget et Matthieu Suc

Des milliers de professionnels de santé et de pompiers sont aujourd’hui contaminés. Certains souffrent et meurent. D’autres continuent à travailler, et propagent ainsi le virus. L’AP-HP envisage pourtant de systématiser ce fonctionnement, selon une note interne obtenue par Mediapart.

Leur situation n’est jamais évoquée dans les statistiques diffusées chaque soir par le directeur général de la santé Jérôme Salomon. Pourtant, pas assez protégés, les soignants tombent malades, contaminent leurs propres patients, leurs proches, et meurent de l’épidémie.

Le phénomène, d’une ampleur inédite, suscite l’inquiétude et l’exaspération de soignants, qui ne devraient pas être rassurés par une note interne de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) que Mediapart s’est procurée : le navire amiral des hôpitaux français prévoit de continuer à faire travailler, dans la perspective du déconfinement, les soignants testés positifs au Covid peu symptomatiques et non immunisés.

Initialement rédigée le 11 avril, la note a été mise à jour le 13 avril, après l’annonce par Emmanuel Macron de la date du 11 mai pour le déconfinement. Sur six pages, Martin Hirsch, son directeur adjoint François Crémieux, son directeur médical de crise, le professeur Bruno Riou, et son directeur de la stratégie de transformation de l’AP-HP, Frédéric Batteux, listent les risques auxquels l’AP-HP doit faire face, les solutions envisagées et la préparation du déconfinement.

« Les soignants étant exposés, il est indispensable de les considérer comme prioritaires pour les tests », indique le patron de l’AP-HP dans le document. Avant d’expliquer qu’une partie du personnel, même s’il est testé positif, devra en réalité continuer à travailler : « Induire une politique large d’éviction (des PCR + [testés positifs] pas ou peu symptomatiques ou des non immunisés) rendrait impossible la continuité du système des soins ».

La direction de l’AP-HP organise ainsi la mise en danger des soignants mais sait que « cela sera un point très délicat à discuter et à faire accepter avant de commencer le dépistage à large échelle dans ces populations ». D’autant que le personnel est déjà exposé aux risques de « l’épuisement, du burn-out et du stress post-traumatique », exacerbés par « les premiers décès qui surviennent parmi les soignants » et par « l’extrême frustration de devoir toujours rationner les équipements de protections et certains médicaments ».

« L’exposition au risque est réelle et se traduit maintenant par des décès » , reconnaît Martin Hirsch, en estimant qu’« il faut vite pouvoir leur dire [aux soignants] que leur situation est bien prise en compte », pour« éviter toute démobilisation alors que la crise sanitaire va se prolonger ».

Interrogée sur cette nouvelle doctrine, l’AP-HP minimise en parlant d’une « réflexion générale », et indique que la « politique appliquée » est celle d’un dépistage massif pour la sécurité du personnel. Mais ce nouvel hiatus illustre, si c’était nécessaire, l’absolue confusion qui règne : personne ne teste de la même façon, personne n’applique les mêmes précautions, personne ne fait remonter les infos à l’identique, et, dans ce contexte, il est impossible d’obtenir des statistiques nationales fiables.

À l’AP-HP, sur 100 000 personnels, 4 275 ont présenté des tests positifs au Covid-19. « 7 sont en réanimation et 3 sont décédés », précise Olivier Youinou, co-secrétaire du syndicat SUD Santé. L’AP-HP se félicite de son côté, le 23 avril, que « le nombre de personnels atteints par le virus continue à diminuer ». Le 20 avril, 35 soignants ont été testés positifs, alors qu’ils étaient 200 en moyenne chaque jour deux semaines plus tôt. Selon nos calculs, au 14 avril, près d’un quart des tests positifs pratiqués dans les hôpitaux de Paris concernaient des soignants.

Les autres établissements ne sont pas en reste : selon un document interne de l’Agence régionale de santé Île-de-France que nous avons pu consulter, le nombre de cas dans les établissements sociaux et médico-sociaux s’élève, au vendredi 24 avril, à 14 797 (225 nouveaux cas en 24 heures), dont 8 942 pour les seuls Ehpad de la région.

Les mêmes chiffres, impressionnants, témoignent de la déflagration de l’épidémie dans les hôpitaux de l’est du pays. Depuis le 1er mars, 571 agents de l’hôpital de Mulhouse ont été placés en arrêt de travail pour « Covid avéré ou suspecté ». Soit près de 10 % du personnel. « 26 professionnels ont été hospitalisés. » À ce jour, il y en a encore « 17 », selon la direction. « Aux urgences, environ 20 % du service a été contaminé », témoigne une infirmière de cet hôpital, qui dit avoir « baigné dans le virus pendant des semaines ».

À Strasbourg, 570 professionnels des hôpitaux universitaires ont été dépistés Covid positifs au jeudi 23 avril, dont « 235 » sont revenus au travail, indique l’établissement. Aux hôpitaux civils de Colmar, on comptabilise « 358 résultats Covid-19 positifs » depuis la mise en place d’un centre de prélèvements pour les soignants. Un médecin est hospitalisé.


Extrait de la note de l’AP-HP du 13 avril. © Document Mediapart

L’hôpital est-il aujourd’hui un cluster, c’est-à-dire un lieu ou l’épidémie circule encore activement ?

En réponse à nos questions, l’AP-HP affirme que « la grande majorité des cas de Covid-19 est d’acquisition communautaire et non hospitalière dans [ses] hôpitaux ». Cette thèse est de plus en plus contestée. Le dernier soignant décédé, le médecin urgentiste de Lons-le-Saunier Éric Loupiac, 60 ans, mort du Covid-19 jeudi 23 avril, avait été contaminé le 6 mars, « au contact d’un des premiers patients atteints du Covid-19 qui s’est présenté dans [leur] service d’urgences », explique un de ses collègues, infirmier. « Il a été contaminé au début de l’épidémie, quand on nous disait que les masques n’étaient pas si importants », s’agace le médecin urgentiste Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui décrit Éric Loupiac comme « un homme de 60 ans en bonne santé, sportif, qui ne présentait pas de facteur de risques ».

Le professeur Éric Caumes, chef de service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière, rappelle que « l’hôpital est un important foyer potentiel de contamination dans tous les pays du monde » . « En France, ajoute-t-il, des soignants continuent à travailler alors qu’ils sont positifs, d’autres ne se font pas dépister malgré l’existence de symptômes évocateurs ».

Autrement dit : rien n’est fait pour bloquer la circulation du virus à l’hôpital

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