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Confinement, état des lieux et perspectives.

vendredi 8 mai 2020 par Badia Benjelloun et Bruno Drweski (ANC)

Un spectre hante la France et le monde, celui de la grève générale et de l’autogestion en cours d’installation. Dans les hôpitaux, dans les usines, dans les entrepôts, dans les quartiers et sur tous les fronts de la lutte contre la pandémie.
Cette situation inédite de collapsus économique qui a mis à l’arrêt l’activité pour près de 3 milliards d’humains va entraîner une récession mondiale avec son lot de chômage, de misère et de guerres plus ou moins froides entre puissances rivales.
Elle nécessite la prise en mains par les travailleurs de leur destin et de celui de l’humanité.
Elle impose que ce qui doit être produit, comment et où le faire relèvent d’une décision collective qui abolira le régime de la propriété privée des moyens de production et d’échange.
C’est maintenant.
Sans ce sursaut impérieux, nous assisterons au perfectionnement d’une société de l’exploitation basée sur de plus en plus de surveillance et de contrôle et où s’abolissent tous les droits, ceux acquis par les travailleurs contre les détenteurs du capital et ceux d’expression démocratique.

Chômage partiel

12,1 millions [1]perçoivent de l’État 70% de leur salaire brut soit 84% du net au titre du dispositif du chômage partiel déployé au début du confinement instauré fin mars. Les personnes rémunérées au SMIC sont indemnisées à 100%.

Cette aide est consentie à 700 000 entreprises confrontées à une forte baisse ou à un arrêt total de leur activité. Elle est accordée également à celles qui ne peuvent mettre en place des mesures de sécurité sanitaires pour leurs employés. Il s’agit d’éviter les licenciements et d’amortir le choc du confinement.

Le chômage partiel peut prendre la forme d’un arrêt total de l’activité des salariés, il est dit arrêt partiel total. Ou encore il peut correspondre à une réduction du temps de travail hebdomadaire habituel. Nombre d’entreprises sont opaques sur la mise en place du dispositif, faisant travailler à plein temps les chômeurs partiels et à temps réduit ceux censés être en partiel total. Les charges ne sont pas payées par l’État, creusant ou créant d’autant les déficits de la Sécurité sociale.

Mais que deviennent les travailleurs du secteur informel ou avec des contrats incomplets ? Les chômeurs longue durée ? Ce sont ces catégories sociales qui sont le plus touchées par le COVID-19, ce sont elles qui en meurent le plus avec les travailleurs les moins bien payés des secteurs indispensables et avec les personnes âgées dans les EHPAD.

Le coût projeté au 13 avril était d’environ 20 milliards d’euros, un doublement par rapport aux prévisions faites un mois plus tôt. 3 semaines plus tard, il a sans doute été revu à la hausse. Un salarié du privé sur deux voit son salaire réglé par l’État.

L’État a fait plus que cela pour aider les entreprises.
Des prêts garantis par l’État à près de 90% pour soutenir leur trésorerie. Des prêts ‘rebond’ à taux zéro sont mobilisables depuis le 15 avril pour la reprise des activités allant de 10 000 à 300 000 euros. Les échéances des charges sont rééchelonnées automatiquement parfois sur demande auprès des organismes, sans frais. Des aides juridiques et des médiateurs assistent les entreprises en cas de conflit avec un client, un fournisseur ou un établissement financier.
Malgré cela, plus de 450 000 emplois ont été détruits au premier trimestre.

Il est à l’heure actuelle difficile de chiffrer les aides consenties au privé. 7 milliards d’euros ont été accordés à Air France et 5 milliards à Renault. Les garanties par l’État de prêts par les institutions bancaires qui sont donc des engagements financiers sont octroyées de façon préférentielle aux entreprises de plus de 5 000 salariés ou réalisant un chiffre d’affaire de plus d’un milliard et demi d’euros. Ce poste correspond à 300 milliards d’euros.

État d’urgence sanitaire

L’exécutif a choisi de gouverner par ordonnances sans perte de temps, s’épargnant le passage par un parlement qui n’est de toute façon plus qu’une chambre d’enregistrement où se font interpeler les ministres sans rien changer aux projets. Ces lois ne doivent pas durer plus de trois mois mais le passé récent enseigne qu’une fois adoptée, une loi reste effective.

L’employeur pourra imposer ou modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés et des jours de réduction du temps de travail. Dans les entreprises œuvrant dans des secteurs stratégiques comme la sécurité de la nation ou dans des domaines nécessaires à la continuité de la vie sociale et économique, la durée du temps de travail hebdomadaire pourra s’allonger jusqu’à 48 heures. Cette limite haute est imposée par la législation européenne.

Il s’en est fallu de peu, la vigilance de rares hauts magistrats, pour que ne soit appliquée une ordonnance promulguée le 25 mars qui aurait fait prolonger automatiquement les détentions provisoires de 2, 3 à 6 mois selon la peine encourue.

Répression policière et judiciaire.

Depuis 2007 avec le gouvernement Sarközy et dans les suites des émeutes des banlieues de 2005, le maintien de l’ordre a été confondu avec une quasi-militarisation des forces de police auxquelles ont été confiées des armes comme les LBD et des grenades de désencerclement susceptibles d’infliger des blessures graves, voire de tuer.

C’est au cours des manifestations contre la loi Travail dite d’El Khomri que se multiplient les répressions judiciaires contre les manifestants et les syndicalistes. Tirs tendus de grenades, matraquages, usage de LBD font plus de mille blessés. L’État restreint le droit de manifester, en particulier en instituant des barrages. L’état d’urgence proclamé après les attentats de novembre 2015 a été instrumentalisé pour criminaliser le mouvement social.

Toutes les techniques de maintien de l’ordre appliquées depuis 50 ans aux banlieues ont été étendues aux protestations des Gilets Jaunes. Près de 4 000 blessés, 9 000 gardes à vue en quelques mois, plus d’un millier de personnes condamnées à des peines de prison fermes, sans parler des amendes importantes et de l’inscription sur leur casier judiciaire.
Rien de tel n’avait été vu depuis la guerre d’Algérie.

L’état d’urgence sanitaire poursuit cette dérive autoritaire. Un million de contraventions assorties d’amendes lourdes ont été dressées, principalement dans les quartiers où résident les populations précaires et vulnérables. Au fil des années, l’État français a intégré de façon permanente une gestion de crise qui aurait dû être provisoire.

Société de surveillance

A côté de ces violences visibles, des techniques de contrôle vont s’imposer dans le paysage quotidien. En plein confinement, le ministère de l’Intérieur passe commande de mini-drones de surveillance. En lieu et place des masques et des tests pour protéger de la maladie, le gouvernement envoie des hélicoptères surprendre d’éventuels promeneurs sur les plages. Des camions de CRS patrouillent, sillonnant ou stationnant dans des quartiers auxquels sont appliquées des mesures de confinement discriminatoires avec restrictions des horaires d’ouverture des commerces.

Le projet d’une application StopCovid à installer sur des téléphones portables est en cours de développement. Elle permettrait de détecter les personnes contacts d’un patient infecté afin de limiter l’expansion de l’épidémie. Un tel dispositif engendrera une intrusion manifeste dans la vie privée. Devant les difficultés techniques actuellement rencontrées pour sa mise au point, c’est au médecin traitant que sera demandé de fournir les personnes contacts de ses patients atteints, au mépris du respect du secret médical.

Le confinement a donné lieu par ailleurs au développement des téléconsultations en médecine. Cette pratique implique le recours à des plateformes numériques développées par des firmes privées qui sont susceptibles de collectionner les données personnelles sur les patients pour un usage détourné, commercial ou autre.

Le camp des travailleurs : Face à toutes ces offensives, le camp des travailleurs n’est pas resté inerte.

Des meetings sont organisés sur internet. Les rencontres syndicales et interprofessionnelles se tiennent au téléphone ou par internet.

Les travailleurs dont l’activité a été jugée indispensable s’organisent sur leurs lieux de travail indépendamment souvent de leur encadrement parti se confiner dans des résidences secondaires. Ils gèrent alors leur activité sur un mode de fait autogestionnaire. Cela concerne les usines, les centres d’approvisionnements et les hôpitaux en particulier.

Ils recourent souvent à leur droit de retrait quand les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas assurées. C’est le cas des postiers dans de nombreux départements qui subissent l’injonction de distribuer des colis non indispensables sans masques ni gels hydro-alcooliques. Ils ont créé des coordinations interdépartementales par endroits. Les travailleurs chez Amazon ont enregistré une victoire qui fera jurisprudence. Le non respect de la sécurité sanitaire a abouti au jugement par une cour de justice à la fermeture temporaire de ce géant de la grande distribution.

Les enseignants et les travailleurs dans l’Éducation nationale s’apprêtent largement à refuser de retourner faire les classes en raison de l’impossibilité du respect de la distanciation sociale. Le syndicat SUD a d’ores et déjà déposé un avis de grève courant du 11 mai au 1er septembre. Une circulaire relative à la réouverture des écoles demande aux enseignants de traquer des paroles ou attitudes « antirépublicaines » ou « anti-laïques » des enfants, de les dénoncer et de convoquer leurs parents.

Les travailleurs de la RATP devront faire respecter les règles de distanciation entre les voyageurs et assurer le transport de 70% des 12 millions d’usagers habituels, pari impossible à tenir. L’UNSA ferroviaire et la CGT cheminots invoqueront le droit de retrait si les conditions sanitaires pour assurer 50% du trafic usuel ne sont pas observées.

De leur côté, les médecins enfreignent les recommandations et les limitations de leurs prescriptions en traitant leurs patients selon les données de la science et en leur âme et conscience. Ils exercent ainsi une sorte de désobéissance civile. Ils n’obtempèrent pas aux injonctions de pratiquer l’euthanasie de fait de patients qui ne seraient pas admis en réanimation et à achever par un sédatif puissant.

Ils ont signé des tribunes et élevé des plaintes contre des membres du gouvernement pour mise en danger de la vie d’autrui. Dans les hôpitaux, médecins, personnel infirmier et de ménage ont serré les rangs dans un collectivisme de fait ne tenant pas compte des injonctions du ministère et des administrations. Cette forme d’autogestion de fait et d’activisme social s’est aussi parfois étendue aux malades en état de quitter l’hôpital mais pour lesquels les services médicaux et sociaux habituels ne fonctionnaient plus dans les faits.

Le gouvernement prévoit de faire adopter une loi d’amnistie préventive pour les hauts fonctionnaires, des élus et des membres du gouvernement qui ne pourront désormais plus être attaqués pour leurs manquements et leurs mensonges.

Au total, les Français qui n’étaient pas encore sortis d’une longue lutte ayant commencé avec les Gilets jaunes et ayant ensuite visé la contre-réforme des retraites ont été confrontés à une épidémie mal évaluée par un gouvernement plus soucieux des élections municipales et des profits des capitalistes que de tenir compte des avertissements qui lui parvenaient des autorités chinoises et de son ambassadeur à Pékin.

Ce gouvernement, faute d’une prévention avec des moyens modernes, a imposé un confinement archaïque pour éviter que 5% de la population, proportion de formes graves prévisibles de la maladie, ne vienne engorger un système hospitalier rétréci par des cures d’austérité, suppressions de personnels et de 10 000 lits en moins de vingt ans.

Aucune réquisition de moyens publics ou privés n’a été prononcée pour fabriquer des masques respiratoires filtrants efficaces et des tests performants et généralisables. Le gouvernement a ignoré la proposition des vétérinaires de mettre leurs laboratoires au service de la lutte contre le covid19.
Le pouvoir n’a pas non plus daigné prendre le contrôle des cliniques privées fermées comme il n’a pas répondu aux demandes de rouvrir les usines fermées où l’on pouvait produire des masques.

Sa réponse à la crise sanitaire s’est articulée autour d’une politique de répression héritée de ses prédécesseurs qu’il a enrichie, et d’une attribution très large de cadeaux aux capitalistes.

L’épidémie l’a obligé à outrepasser les règles décrétées au niveau européen du déficit budgétaire à 3% qui ont été à l’origine du démantèlement tragique du service public et de privatisations. Ce dépassement lui a permis de payer les salaires de plus de 12 millions de travailleurs du privé et d’accorder prêts et subventions faramineux aux plus grosses entreprises capitalisées en bourse.

De fait, il y a eu nationalisation de ces entreprises. Mais pas dans un but de servir la nation mais de préserver sur le plus long terme le système existant. Cette circonstance a prouvé que ces mesures budgétaires peuvent être prises, qu’elles sont jugées efficaces et que les règles européennes du 3 % ou de la supériorité décrétée innée du secteur privé ne sont que des dogmes sans justification autre que de favoriser une couche de la population au dépens des autres. Il faut en prendre acte et exiger que leur contrôle revienne aux travailleurs qui les font vivre puisque cela s’est avéré plus efficace tant en terme économique que social.

Le débours de la BCE pour financer les mesures de soutien des entreprises des pays latins dont la France fait partie a produit un raidissement des capitalistes allemands qui jugent que cette intervention excède ses attributs. De telles tensions mettent à mal publiquement l’unité de façade entre l’Allemagne, grande bénéficiaire de l’Union européenne qui lui crée un marché intérieur pour ses exportations et les autres pays qui accusent mécaniquement des déficits commerciaux et souffrent d’une monnaie unique qui les défavorisent.

Ce collapsus économique généré par le confinement devrait dissoudre les liens artificiels d’une union économique construite pour assurer la domination d’un État sur un autre et d’une classe sur les autres.

Nationaliser les entreprises financées par l’État. Autogestion par leurs travailleurs.

La situation présente a démontré l’engagement, l’inventivité et le sens de la collectivité des travailleurs de toutes fonctions luttant sur le front de la pandémie et de très nombreux bénévoles qui ont mis sur pieds des réseaux d’entraide de quartiers ou à l’échelle nationale.
On a vu des organisations jusque là décriées « communautaristes » s’atteler à l’entraide et l’auto-organisation en faveur de l’ensemble de leurs concitoyens, en particulier des plus faibles et des plus âgés, sans distinction de religion ou d’appartenance ethnique, créant ainsi des liens de voisinage dans une société jusque là largement atomisée suite aux politiques néolibérales.

La communauté nationale devra leur en être redevable car tous ces bénévoles de toutes origines et appartenances ont brillamment passé leur certificat de civisme à l’heure où beaucoup de cercles d’agitateurs médiatiques démontraient leur impuissance ou qu’ils couraient se réfugier dans leurs villas de campagne lointaines d’où ils tentaient encore de haranguer le public par « téléconférences ».

L’activisme des travailleurs et militants de quartiers concerne tout particulièrement les travailleurs du secteur santé qui avaient alerté par des manifestations et des grèves depuis un an sur l’état de délabrement du système de santé suite aux politiques néolibérales menées depuis des années.

Il est clair que ces secteurs ont démontré leurs capacités à gérer face à l’inefficacité des pouvoirs ou de nombreux entrepreneurs privés, et il devient donc logique que ce soit à eux que revienne désormais de plein droit la gestion de leurs entreprises.

Fin de l’appartenance à l’Union européenne.

L’absence de réactions de l’UE au début de la crise et, plus encore, l’absence manifeste de solidarité des États prétendant faire partie de la « même communauté de destin » envers l’Italie et les États les plus atteints par l’épidémie a démontré que le concept de « communauté de valeurs européenne » était vide de sens.

Il en va plus encore de même pour le concept de « communauté atlantique » puisqu’on a vu des importateurs des USA ou d’Israël kidnapper les stocks de médicaments ou de masques sur les tarmacs des aéroports au point où, par exemple, l’armée chinoise s’est vue forcée d’escorter les camions transportant vers les aéroports ces produits « sensibles » afin d’éviter que des entrepreneurs locaux véreux et de mèche avec les importateurs occidentaux sans scrupules ne s’emparent de la cargaison.

Ce sont donc des États plus lointains mais plus conscients de leurs responsabilités internationales et du fait que les épidémies peuvent revenir sur leur propre territoire comme la Chine, Cuba, le Venezuela, la Russie qui ont joué un rôle clef dans les politiques d’aide aux plus démunis face à l’épidémie, en Europe et ailleurs.


[1entre deux à trois millions ont produit un arrêt maladie pour garde d’enfants ou pour vulnérabilité particulière. La vulnérabilité concerne les femmes enceintes à leur 3ème trimestre de grossesse, les personnes relevant d’une ALD, affection longue durée reconnue par la Sécurité sociale, celles de plus de 70 ans ou présentant une obésité ou une immunodépression.

   

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