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Poutine et la guerre patriotique ou la réécriture de l’histoire par l’Obs

dimanche 10 mai 2020 par Philippe Arnaud

Ces dates sont celles du n°2896 de L’Obs, qui, des pages 55 à 58, présente un article de François Reynaert intitulé : Poutine et la "guerre patriotique".

1. François Reynaert écrit :
"Faute de pouvoir assurer à son pays un avenir, le président russe est obsédé par l’idée de forcer sa cohésion autour d’un passé mythifié, chantant la gloire d’un peuple grandiose, éternellement uni pour défaire les envahisseurs. Toute l’histoire russe depuis Ivan le Terrible a droit à cette relecture. La Seconde Guerre mondiale, appelée ici la "Grande Guerre patriotique", y tient une place de choix : ne montre-t-elle pas l’héroïsme dont a été capable le peuple russe pour assurer, seul contre des forces déchaînées, la victoire finale sur le nazisme ?

Malheur à qui oserait remettre en question cette façon de voir. On l’a constaté encore à la fin de l’année dernière. Le 19 septembre, à l’occasion des 80 ans du début de la guerre, le Parlement européen - sur initiative des pays de l’Est - a osé voter une résolution plaçant sur le même plan nazisme et totalitarisme communiste et rendant le pacte germano-soviétique d’août 1939 responsable du déclenchement du conflit".

Remarque 1.
Le renvoi, dos à dos, du "communisme" et du nazisme, est un des poncifs de la droite (et de la social-démocratie). Ce poncif permet, habilement, de déconsidérer le "communisme" (et même, au-delà, tout ce qui, trop proche du socialisme, sent le fagot...). Cela permet opportunément de faire oublier qu’avant guerre, ou pendant la guerre, ces pays avaient des régimes d’extrême-droite anticommunistes, voire antisoviétiques, et, bien entendu, antisémites :

- Par exemple en Pologne, avec le général Pilsudski, dictateur de 1926 à 1935, puis son successeur Skladkowski, jusqu’à la guerre. Ou en Lituanie, gouvernée par le dictateur Smetona, de 1926 à 1940. Ou en Lettonie, dictature de 1934 à 1940, sous le président Ulmanis. Ou en Hongrie, dirigée par le germanophile régent Horthy jusqu’en 1944. Et qui, à la fin de la guerre, fut remplacé par le gouvernement ouvertement fasciste des Croix fléchées. Ou en Slovaquie, avec le gouvernement autoritaire de Mgr Jozef Tiso, puis fasciste des Gardes Hlinka. Ou en Roumanie, gouvernée par le gouverneur Ion Antonescu de 1940 à 1944. Ou en Croatie, dirigée par le dictateur Ante Pavelic de 1941 à 1944.

- Ces pays fournirent également des troupes auxiliaires de la Wehrmacht, qui participèrent à l’opération Barbarossa et à la guerre contre l’URSS (les plus nombreux, en dehors des Italiens, étant les Roumains et les Hongrois). Mais ils fournirent aussi des SS, en particulier lettons et hongrois (qui, avec les Croix fléchées, comme le rappelle le film Music Box, de Costa-Gavras, exercèrent des violences contre les juifs et les populations civiles).

2. François Reynaert écrit :
"Le 23 août 1939, à la stupeur du monde entier, Molotov et Ribbentrop, ministres des Affaires étrangères respectifs de Staline et de Hitler signent un accord de non-agression entre leurs deux pays. [...] Pour Poutine,l’alliance fatale entre Staline, son grand homme, et le diable nazi est la grande souillure sur le chromo patriotique qu’il affectionne. [...]. La comparaison entre les accords de Munich et le pacte germano-soviétique est spécieuse. Du côté occidental, personne ne cherche à escamoter Munich, jugé de façon unanime comme une lâcheté coupable. Staline a voulu le pacte de 1939 pour participer au festin [c’est-à-dire à l’annexion des pays Baltes, de l’est de la Pologne et de la Bessarabie roumaine]."

Remarque 2.
Les lâchetés de la France et de l’Angleterre ne se limitèrent pas aux accords de Munich. En février 1936, lors de la remilitarisation de la Rhénanie, la France ne bougea pas le petit doigt [et le général Gamelin freina même des quatre fers]. Moins de cinq mois plus tard, la France du Front Populaire ne vint pas au secours de l’Espagne républicaine du Frente Popular (donc d’un gouvernement frère) et laissa Hitler et Mussolini aider Franco et ses compères Mola, Sanjurjo et Queipo de Llano écraser la République, alors que les troupes françaises pouvaient aisément franchir la frontière au pays Basque ou en Catalogne.

Par ailleurs, toujours dans ces années - notamment de 1934 à 1936 - les Français et les Anglais repoussèrent (par anticommunisme, par russophobie, par espoir cynique de voir Allemands et Soviétiques s’entredéchirer) toutes les propositions d’alliance militaire avancées par Staline pour renouveler l’alliance de 1914. Toutes les discussions militaires franco-soviétiques furent sabotées par les généraux français et par Édouard Daladier, d’abord comme ministre de la Défense, puis comme président du Conseil.

Remarque 2 bis.
Les dirigeants polonais enfin, étaient viscéralement aussi anti-russes qu’anti-communistes. Et ils refusèrent de laisser l’Armée rouge traverser leur territoire pour aller secourir la Tchécoslovaquie. Et ni l’Angleterre ni la France n’entreprirent quoi que ce fût pour les faire changer d’avis. Et après les accords de Munich (ce que tout le monde ignore), les Polonais, à côté des Allemands, dévorèrent un lambeau de la Tchécoslovaquie, dans la région de Teschen (comme des carnassiers de petite taille se disputent les bas morceaux qu’a laissés le lion). La Hongrie fit d’ailleurs de même pour le sud de la Slovaquie.

3. François Reynaert écrit, de Staline :
"L’échec lamentable de sa tentative d’envahir la Finlande (nov-1939 - mars 1940), dont il pensait ne faire qu’une bouchée, a montré sa faiblesse."

Remarque 3.
D’abord, il ne s’agissait pas, pour Staline, d’envahir toute la Finlande, mais de se créer une zone-tampon d’une partie de la Finlande pour protéger Leningrad, trop proche de la frontière. Et les Soviétiques commencèrent par entamer des négociations, en espérant que les Finlandais leur céderaient des territoires sans effusion de sang. Ensuite, ce ne fut pas un échec puisque, à l’issue de la guerre d’hiver, la Finlande dut céder à l’URSS les territoires que cette dernière réclamait.

Et, militairement, ce fut doublement profitable à l’URSS puisque, après les premières déconvenues du début de la guerre, l’URSS réorganisa son commandement, sa stratégie et sa tactique et parvint à enfoncer le front finlandais. Enfin, ce fut aussi profitable à l’URSS parce que cela donna à Hitler une idée erronée de l’Armée rouge, en la lui faisant paraître plus fragile qu’elle ne l’était en réalité, ce qui explique en partie l’opération Barbarossa de juin 1941.

4. François Reynaert écrit :
"Reste une autre différence de taille entre les deux puissances qui se partagent le monde après 1945. Les Américains, à l’ouest, permettent le retour des démocraties. Les Soviétiques, dans leur zone d’influence, imposent des dictatures qu’ils contrôlent. Pour les Baltes, les Polonais, les Tchèques, l’Occupation n’a pas duré quatre ans, mais, sous deux maîtres différents, cinquante. Ils ne l’ont pas oublié".

Remarque 4.
Lorsque F.R. écrit que "les Américains, à l’ouest, permettent le retour des démocraties", il "oublie" l’Espagne, dont le dictateur Franco fut bien aidé à prendre le pouvoir par ses compères Hitler et Mussolini. Franco, qui envoya la légion Azul se battre aux côtés de la Wehrmacht contre l’Armée rouge.
Il oublie tous les anciens nazis ou collaborateurs exfiltrés ou réfugiés en Espagne après la guerre : Otto Skorzeny, qui fit évader Mussolini du Gran Sasso, Léon Degrelle, collaborateur belge, et chef SS, Abel Bonnard, académicien, ministre de Laval, collaborateur notoire.
Il oublie tous les nazis et leurs complices européens, qui transitèrent par l’Espagne en route vers l’Amérique latine.
F.R. "oublie" aussi, au Portugal, le dictateur Salazar et son successeur Caetano, qui durèrent jusqu’en 1974.
Il "oublie" la Grèce où, de 1946 à 1949, les Américains, au cours d’une atroce guerre civile, qui fit 200 000 morts, aidèrent l’armée royale à écraser les maquisards communistes, qui avaient pourtant fourni l’essentiel des résistants contre les Allemands.
Dans leur basse besogne de répression des communistes, les Américains furent aidés... par les anciens collaborateurs grecs des Allemands ! Comme si les grandes grèves de 1947, en France, avaient été écrasées, pour partie, par d’anciens de la Milice amnistiés...

Et, bien entendu, F.R. "oublie" toutes les dictatures soutenues par les Américains dans le monde : en Amérique latine, dans le monde musulman, en Afrique sub-saharienne et en Asie.

Je vous saurais gré de vos remarques, rectifications, compléments et critiques.

   

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