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Les Etats Unis à feu et à sang, réflexions sur la mort de George Floyd

mardi 2 juin 2020 par ingirumimus

Depuis quelques années on perçoit des changements très importants aux Etats-Unis. Si d’un côté c’est un pays où s’affichent des inégalités et des violences comme dans aucun autre pays développé, il y a manifestement une montée de la guerre de classes. On l’a vu avec le succès relatif de Sanders dans ses deux campagnes électorales. Trump a été très mal élu, il avait près de trois millions de voix de moins que sa concurrente. Et depuis il a attisé le feu, entrainant avec lui l’Amérique dans une guerre civile larvée.

Le meurtre de noirs par la police ne date évidemment pas de la présidence de Trump. C’est juste la marque d’un pays profondément inégalitaire et violent. Seule la France a aujourd’hui une police aussi violente.
C’est qu’en réalité depuis un siècle et demi, les États-Unis sont travaillés paradoxalement par l’idée de socialisme. Marx voulait vers la fin de sa vie s’installer à New-York comme journaliste, parce qu’il pensait que c’était là que le socialisme avait un avenir.

Minneapolis barrière de blancs entre les flics et les manifestants noirs.

On sait que la police américaine est avec la police française la plus violente des pays développés, mais en réalité c’est parce que le système capitaliste a besoin de cette violence pour se maintenir. C’est seulement par la violence que le pays a brisé les velléités d’une évolution sociale plus rapide. Dans un article fort intéressant, le New York Times a commencé de tenter de donner des explications à une telle colère qui secoue l’Amérique et la rend ingouvernable malgré les rodomontades de Trump [1].

Au-delà de la discrimination des Noirs, il y a l’explosion des inégalités sociales, la montée brutale du chômage, et la gestion catastrophique de la pandémie par Trump. En effet, la manière dont ont dégénéré les manifestations pour George Floyd, cette volonté de mettre le feu, ne peuvent s’expliquer que par un niveau de frustration extrêmement élevé qui gagne aussi la partie blanche de l’Amérique comme le montre les films et les photos qui parviennent jusqu’à nous.

Les manifestations sont nombreuses et dans tout le pays. Dans le Michigan on a vu un shérif qui non seulement apportait son soutien aux manifestants, mais qui organisait lui-même la marche de protestation [2] ! Des scènes comme celle-ci ce sont répétées de partout.

Policiers sympathisants avec les manifestants

C’est totalement inédit, c’est comme si en France une partie de la police mettait le bouclier à terre et participait au défilé des Gilets jaunes. Mais notre police est mieux dressée ! Certes on ne peut pourtant pas en déduire que la police étatsunienne a basculé du côté de la révolte, elle reste globalement très répressive, mais cette évolution notable traduit forcément un changement plus profond dans la société.

Des maires comme Jacob Frey à Minneapolis ou John Cooper à Nashville ont encourager leurs administrés à rejoindre les manifestations. Les journalistes retiennent un peu trop souvent les émeutes, les pillages, le feu, et beaucoup moins la quantité et la diversité de ceux qui protestent.
Quand on regarde les photos publiées par CNN [3], c’est très frappant, il y a beaucoup de jeunes très jeunes et beaucoup de blancs qui accompagnent le peuple des ghettos. C’est l’Amérique anti-Trump qui se rassemble au-delà des différences raciales.

Beaucoup considèrent cependant des deux côtés de l’Atlantique que les incendies et les pillages nuisent à l’approfondissement de la mobilisation. C’est très difficile à dire. D’un côté évidemment le feu et la lutte contre la Garde nationale font peur, mais on a vu des jeunes s’endurcir rapidement. D’un autre, il est clair que sans cette mise à feu de la société ce mouvement qui va bien au-delà d’une demande de justice pour George Floyd n’aurait pas le même impact à l’échelle du monde.

En quelques jours seulement, on est passé à l’hypothèse d’une guerre civile.

Cette idée n’est pourtant pas neuve, on la trouve chez Robin Wright comme consécutive de l’élection du milliardaire Trump à la présidence des États-Unis [4]. Cette tendance est ancienne, elle prend parfois l’accent du racisme ordinaire comme avec les événements de Charlottesville en 2017[5]. Mais elle s’inscrit aussi dans un abaissement constant du travail et des travailleurs dans la société.

Le problème est que les Américains, souvent décrits comme des grands naïfs, n’ont plus confiance dans leurs institutions, et encore moins dans la présidence, et les sondages montrent jour après jour qu’ils aspirent à autre chosé qu’à un enrichissement aussi illusoire que débile. Comme ailleurs ils sont préoccupés par la dégradation générale de la vie à la surface de la planète. Ils voient bien que le président est un milliardaire qui divise volontairement et qui favorise les menées de l’extrême-droite.

Mais celle-ci est ultra-minoritaire dans le pays, si elle a un grand pouvoir de nuisance, elle n’entraîne pas l’adhésion d’une fraction significative du pays. Mais elle sert de repoussoir et conforte la gauche qui se situe à la gauche du parti démocrate qui se trouve ainsi justifiée. Le fait que Trump ait décidé de faire des Antifa un groupe terroriste renforce de fait son isolement.

Kansas City : Des policiers rejoignent les manifestants.

L’isolement de Trump a été d’autant plus visible qu’il a dû se résoudre à se cacher dans son bunker de la maison blanche [5]. Même si on sait que l’homme n’est pas très courageux, c’est plutôt une grande gueule, il faut croire que les services de sécurité commencent à comprendre l’ampleur de la révolte pour être conduits à de telles extrémités. Cet épisode semi-cocasse renforce la comparaison avec Macron, l’autre président-fou, quand celui-ci avait failli être exfiltré en hélicoptère de l’Élysée quand les Gilets jaunes s’en approchaient [6].

Il est très probable que cet état de guerre civile, voulu et encourage par Trump, change la perception que les Américains ont d’eux-mêmes et de leur président, dans un sens très négatif. Après cet épisode et les violences qui ont suivi, Trump pourra très difficilement apparaître comme un rassembleur. Sans doute le sait-il, et sans doute n’est-il pas près à endosser ce costume, il est plus probable qu’il se laisse aller à sa pente naturelle et tente de jouer sur la peur des violences pour aller dans un sens plus autoritaire que d’ordinaire, mais sans être sûr que cette orientation le mène au succès.

À Salt Lake City, les manifestants marchent contre la police

Mais au-delà des échéances électorales qui vont arriver très vite, il y a maintenant une manière de penser aux États-Unis qui a changé durablement. La fébrilité que l’on perçoit, tant dans les manifestations que dans les articles de journaux, montre un peuple globalement peu sûr de lui et très en colère contre ses élites. Ce sont des centaines de milliers d’Américains qui sont descendus dans la rue, bien sûr contre le racisme à l’ancienne des conservateurs, mais plus généralement contre ce mode de vie sans joie et sans plaisir qui détruit la nature mais aussi l’âme.

Dans ce moment très particulier, on voit clairement à quoi corresponde le racisme aux États-Unis, c’est le complément de la domination du capital sur le travail. Mais du travail il n’y en a plus, et toutes les frustrations ressortent, la police qui se range toujours du côté du capital devient la figure de cette domination. C’est pourquoi même si une partie de celle-ci prend ses distances avec la tendance générale comme on l’a vu, est prise à partie systématiquement. On ne sait pas ce qu’il va advenir de cette situation inédite, mais la violence latente nous fait anticiper une bifurcation radicale du modèle social et économique dominant aux États Unis.

Plus rien ne fonctionne, et la société demande à être remise dans la sens de la marche. L’issue est soit une dictature accrue – avec Trump il faut s’y attendre – soit un modèle nouveau de type New DeaL même si on peut le souhaiter, il semble que la marche vers une révolution socialiste ne soit pas pour demain. Mais on sait que les jeunes générations ne craignent plus de s’identifier au « socialisme ». Cette idée progresse aux États-Unis depuis la crise de 2008 où on a vu que le capitalisme ne garantissait plus la propriété de son propre toit, tandis que la crise du COVID-19 a montré que le système de santé américain était du niveau d’un pays sous-développé, tandis que les pays asiatiques faisaient la démonstration de leur savoir-faire en la matière pour protéger leurs populations.

Au moment où on parle de la montée en puissance de la Chine, les États-Unis semblent avoir perdu leur leadership dans tous les domaines. Reste que cet épisode va reposer la question de la violence en politique, exactement comme pour les Gilets jaunes. En effet l’inertie des sociétés dites modernes peut-elle être combattue autrement que par la violence ?

Les Gilets jaune ont montré que non, qu’il fallait pour que ça bouge un peu se montrer violent et déterminé, c’est ce que font les protestataires étatsuniens. La question ne doit pas être posée d’un point de vue moral, doit on brûler des magasins, mais d’un point de vue tactique, que faire pour que les choses changent.

Il y a depuis le meurtre de George Floyd une dizaine de morts.

Il va sans doute y en avoir encore dans les jours à venir malgré le couvre-feu. The New York Times dans son édition du 30 mai 2020 parle d’effondrement des États-Unis, avançant que cet effondrement n’en est qu’au début, et il relie directement les violences urbaines liées au meurtre de George Floyd à la dépression économique que traverse le pays. Comme on le voit on est loin des slogans trumpistes Make America great again.

Vendredi dernier, à Lexington, une marche a été organisée contre les violences policières

Mais il y a peut-être pire, c’est que les manifestations américaines donnent des idées au monde entier. Des milliers de personnes ont défilé en Angleterre, en Irlande, en Nouvelle- Zélande, et j’en passe, mais pas en France où la dictature interdit de manifester.

De nombreuses pancartes dans les manifestations allaient bien au-delà de la lutte contre le racisme, mais s’attaquaient au « système », c’est-à-dire au capitalisme qui de plus en plus souvent est identifié comme le mal.

De partout dans le monde il y a une envie d’en découdre qui annonce des temps difficiles mais qui se marie très bien avec l’effondrement de l’économie à l’échelle planétaire.

Austin le 1er juin 2020


Voir en ligne : n-girum-imus.blogg.org/les-etats-un...

   

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