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Black lives matter… what about the others ?

samedi 13 juin 2020 par Descartes

Les vies noires comptent… et les autres ?
Avouez que c’est étrange. L’ensemble de la planète est prise dans une pandémie, les mesures pour la combattre risquent de provoquer une crise économique de proportions historiques… et la gauche française se mobilise contre le racisme. Et même pas contre le racisme autochtone : elle se mobilise contre un racisme étranger, dont l’histoire n’a rien a voir avec notre histoire. Des millions de travailleurs risquent de perdre leur emploi, des secteurs entiers de notre industrie risquent de disparaître ou de passer sous contrôle étranger. Mais la priorité pour les défenseurs du prolétariat est de déboulonner des statues et de changer les noms des rues pour rendre justice à des faits qui ont cinq siècles.

Ce choix ne doit rien au hasard. Il nous dit beaucoup sur l’état d’impuissance intellectuelle et politique de l’ensemble de la gauche, de son incapacité de créer un récit qui lui soit propre : La gauche française, qui en d’autres temps a porté à la face du monde des idées novatrices d’égalité, d’universalité, de laïcité, en est réduite à copier ses slogans, ses mots d’ordre, ses symboles. Et il ne s’agit même pas d’une copie intelligente : on transpose chez nous une histoire sociale qui n’est pas la nôtre.

Car n’en déplaise à certains, l’histoire de France n’est pas marquée par la ségrégation ethnique. Il y a bien entendu chez nous des racistes, mais il n’y a pas une inscription du racisme dans le droit, comme, comme c’est le cas aux États-Unis.
Il n’y a jamais eu de bus ou d’écoles réservées aux noirs – ou à n’importe quelle autre ethnie, d’ailleurs, pas plus que des places réservées dans telle ou telle institution sur des critères ethniques. La « race » n’a pas chez nous de définition juridique, et le terme ne figure dans notre droit que lorsqu’il s’agit d’interdire toute distinction fondée sur elle.

Pour quiconque a un minimum de culture historique, il est évident qu’on ne peut pas traiter la « question raciale » de la même façon dans un pays qui a pratiqué en droit comme en fait la ségrégation raciale jusqu’aux années 1965 et qui continue aujourd’hui encore à considérer la distinction fondée sur la race légale, et dans un pays ou cette distinction est interdite depuis des siècles et ou dans ces mêmes années 1960 un noir occupait la deuxième magistrature de l’État.
Mais la culture historique semble avoir déserté la gauche, qui copie servilement slogans et symboles sans même s’interroger sur leur signification.

Prenons par exemple ce slogan si révélateur : « Black lives matter » que l’on voit fleurir dans les manifestations. La traduction exacte en Français est « les vies noires comptent » [1]. On notera que « noir » est utilisé ici comme attribut. La couleur de peau détermine donc la vie : il y a des « vies noires », donc logiquement des « vies blanches », des « vies jaunes » et des « vies rouges ».

Dites-moi quelle est votre couleur de peau, et je vous dirai quelle est votre « vie ». Vie qui étant déterminée par la couleur de peau ne peut qu’être commune à tous les membres de la même ethnie. On est donc très loin de l’universalisme des lumières qui postule l’égal statut de TOUTE vie humaine, ou même de la tradition chrétienne qui postule l’identité ontologique de tous les hommes.

L’homme noir, qu’il soit riche ou pauvre, puissant ou misérable, ne peut mener qu’une « vie noire ». On notera ici un point fondamental : la catégorisation en « races » permet d’effacer la question de classe. Le milliardaire noir et le prolétaire noir ont tous deux des « vies noires ».

Mais la formule en question va bien plus loin que ça. Un universaliste déclarerait que « TOUTE vie compte », parce que l’égal statut de toute vie humaine interdit catégoriquement de faire une distinction entre catégories de « vies » à l’heure d’estimer leur valeur. Mais on n’est plus dans l’universalisme : déclarer que « les vies noires comptent » suggère que d’autres vies pourraient ne pas compter, ou à minima compter un peu plus ou un peu moins que les autres.

C’est là le plus effrayant : ceux qui reprennent aujourd’hui ce slogan rejettent implicitement la doctrine universaliste qui est au cœur de la tradition politique française au moins depuis la Révolution française – et certains diront même bien avant [2], et qui rattache le statut juridique et social à l’individu, et non pas au groupe, à la « communauté ».

Et comme parmi ceux qui épousent le mouvement sans trop se poser de questions se trouvent les dirigeants et les militants des principaux partis politiques et organisations dits « de gauche », on a du souci à se faire. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau : la « ligue de défense noire africaine » qu’on a vu à l’initiative des manifestations du 7 juin où l’on pouvait trouver pas mal de militants de la « gauche radicale » était déjà soutenue par l’UNEF lorsqu’elle a empêché la représentation de la pièce « Les suppliantes » d’Eschyle à la Sorbonne au prétexte que la mise en scène était « raciste ».

Comment on en est arrivé là ?
Comment la gauche, qui s’est construite en France autour de la tradition universaliste, en est arrivé à coucher avec les tenants du communautarisme – et ce qui est pire, du communautarisme ethnique ?
Comment une gauche traditionnellement méfiante envers les dérives étatsuniennes en arrive à épouser les thèses d’un post-modernisme délirant venu d’outre-Atlantique ?

La réponse à cette question est pour moi évidente : la gauche dans ses différentes composantes est stérile. Elle n’a aucune volonté de remettre en cause les fondements du système – parce que ce système sert les intérêts des classes intermédiaires qui constituent l’essentiel de ses troupes – et donc aucun intérêt à penser de manière réaliste sa transformation. La gauche française, il faut en être conscient, sort de trente ans d’abandons et de défaites idéologiques. Trente ans pendant lesquels elle a eu de nombreuses opportunités d’exercer le pouvoir, et à chaque fois elle s’est coulée dans le moule libéral et abandonné les couches populaires en rase campagne.

Les combats « sociétaux » faciles, lourds en symboles et légers en substance lui donnent l’opportunité de se refaire une virginité symbolique, d’évacuer sa culpabilité, de se convaincre qu’elle n’a pas tout à fait trahi sa vocation originale. Ces combats sont devenus le substitut des véritables combats qu’il faudrait mener pour changer non pas le décor, mais la substance du système.

La substitution de la lutte des classes par la lutte des races ou la lutte des sexes a un énorme avantage pour le bloc dominant : elle permet de faire oublier le rapport structurant de nos sociétés, c’est-à-dire, le rapport d’exploitation. Pendant qu’on déboulonne les statues des négriers morts depuis longtemps, on laisse intactes celles des grands patrons qui sont vivants aujourd’hui.

En France, l’expérience de SOS-Racisme dans les années 1980 montre combien en France le racisme est un tigre en papier que la une gauche sans idées – ou plutôt qui a trahi ses idées – utilise pour mobiliser ses troupes. Car il est absurde de parler de « racisme systémique » en France. Le racisme est systémique aux États-Unis parce que la société étatsunienne s’est construite au partir du XVIIème siècle sur une économie de plantation, dont l’esclavage était le véritable moteur économique, au point que l’affranchissement des esclaves a provoqué une guerre civile qui marque encore l’inconscient politique étatsunien.

Il fallait donc une théorie politique qui légitime l’asservissement d’une partie de la population, et les théories racistes étaient une option attractive. En France, l’esclavage a joué un rôle économique marginal pour ne pas dire négligeable. Les secteurs dominants n’ont vu donc aucun intérêt à développer des théories politiques ou la race joue un rôle important. Et c’est d’ailleurs pourquoi il est difficile de trouver cette notion dans notre droit, alors qu’elle est omniprésente outre-Atlantique.

On voit bien d’ailleurs le problème de nos antiracistes autochtones : ils sont obligés d’aller chercher le « racisme systémique » ailleurs, chez les américains, ou l’inventer de toutes pièces comme on l’a vu dans l’épisode des « Suppliantes » d’Eschyle dont la représentation a été empêchée par des groupuscules « racialistes » avec l’appui des organisations de gauche.

Car ce que cette gauche ne semble pas réaliser, c’est qu’en accréditant l’idée d’un « racisme systémique » elle entre dans le jeu de groupuscules comme « ligue de défense noire africaine », le « conseil représentatif des institutions noires » et autres « indigènes de la république » qui font leur beurre de la fragmentation de la société.

Déjà à la fin 2019 quelques représentants de cette gauche dite « radicale » s’étaient trouvés signer un appel à manifester contre « l’islamophobie » dans lequel ils se trouvaient en compagnie de gens bien peu recommandables, ou à empêcher une représentation théâtrale au prétexte que les masques portés par les acteurs ne leur convenaient pas.

Aujourd’hui, les mêmes mettent le genou à terre en compagnie du CRAN ou des « indigènes ».
Misère…


Voir en ligne : https://descartes-blog.fr/2020/06/1...


Nous vous proposons cet article afin d’élargir notre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici.


[1Et non pas « les vies DES noirs comptent », comme on traduit parfois. En effet, pour donner le sens génitif il faudrait en anglais utiliser le cas possessif : « Blacks’s lives matters » ou dans la forme plus courante « Blacks lives matter ».

[2Ainsi par exemple le « Code noir » promulgué par Louis XIV en 1685 ne fait, contrairement au nom qu’on lui a accolé bien des années après, aucune référence à une quelconque couleur de peau ni dans son titre (« Ordonnance royale de mars 1685 touchant la police des îles de l’Amérique française ») ni dans le texte, qui ne connaît que le terme « esclave » sans référence ethnique. On notera d’ailleurs que l’auteur du texte ne fait pas le lien entre la condition d’esclave et une quelconque considération raciale : « Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres ; voulons que le mérite d’une liberté acquise produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle cause à nos autres sujets ». L’esclave affranchi était donc un sujet du roi comme un autre, indépendamment de son origine. Rappelons que lorsque les États-Unis affranchissent les esclaves en 1865, ils ne leur accordent pas le même statut qu’aux citoyens d’autres races. La ségrégation raciale ne sera abolie qu’un siècle plus tard, en 1964.

   

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