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Catastrophes « naturelles » : quelles solidarités ?

jeudi 8 octobre 2020 par Joelle Palmieri

Les catastrophes « naturelles » survenues le 3 octobre 2020 dans les vallées de la Vésubie, de la Tinée, de l’Esteron ou de la Roya en France convoquent « spontanément » la « solidarité » avec les populations touchées. Des collectivités territoriales en appellent même au don individuel. Mais à qui est vraiment destiné cet élan de solidarité et que vise-t-il ?

Tout d’abord, la question se pose, dans cette région particulièrement marquée par le développement immobilier et par les migrations, de la potentielle responsabilité des habitants, indifférents, contradicteurs ou en accord avec les décideurs politiques. Parmi eux, qui veut davantage construire [1], qui redoute la prolifération des habitations dans les zones à risque, qui ferme les yeux sur le détournement des fonds publics, qui dénonce la corruption héritée de longue date par la mainmise de la mafia et de l’extrême-droite sur le territoire, qui entend contrôler les pauvres, qui lutte contre la précarité, qui souhaite plus de répression à l’égard des migrants, qui s’inquiète de leur sort ?
Les réponses à ces interrogations entretiennent des débats locaux de longue date.

Ensuite, concernant les seules catastrophes naturelles, plusieurs études [2], notamment l’une d’entre elles commanditée par la Métropole Nice Côte d’Azur et datant d’un peu moins de deux ans, mettent en garde contre les « risques de crues » et de « laves torrentielles menaçant les infrastructures routières » et donnent la priorité à la protection des personnes [3].

L’affirmation d’un fief de droite aux rivalités partisanes et aux adoubements endogènes – Christian Estrosi, Eric Ciotti (natif de Saint-Martin-Vésubie), Charles-Ange Ginesy… –, hérité de vingt-quatre ans de règne de Jacques Médecin et d’un siècle de dynastie de sa famille [4], conforte les dénis : les politiques démographiques, étroitement liées au choix d’un développement forcené du tourisme et de l’urbanisme, visent un renforcement de l’hégémonie politique de droite, y compris extrême [5], et des profits financiers à court terme.

En conséquence, la lutte contre le changement climatique passe par des « adaptations » économiques rentables et par la ségrégation sociale (race, classe).

Enfin, si on ajoute à ces constats le rôle prépondérant des hommes dans la gestion et l’acquisition de biens fonciers, et les inégalités de genre en matière de propriété et de patrimoine [6], on comprend que la notion de « solidarité » rabâchée par le gouvernement, les acteurs politiques locaux et les médias français demande à être éclairée.

En premier lieu le terme est galvaudé.

Avec la sémantique administrative ultralibérale, des sigles incluant le mot sont banalisés : Pacte civil de solidarité (PACS), Revenu de solidarité active (le RSA), Impôt de solidarité sur la fortune, journée de la Solidarité (lundi de Pentecôte), Fonds de solidarité pour le logement (FSL)…

Ensuite, un glissement de longue date s’est opéré. La « solidarité » traduit une morale paternaliste, largement adoptée notamment par les colonisateurs pour désigner les populations subalternes, qui consiste à « plaindre », « protéger », « aider », « soutenir », « assister » les « pauvres victimes ». L’usage de cette terminologie a pour vocation d’infantiliser les personnes visées, de réduire leurs marges d’action, et de situer ses protagonistes en « pères » ayant autorité à diriger en tout désintérêt.

L’occasion nous est donnée au lendemain de ces catastrophes de défendre une solidarité humaniste : écouter les principaux concernés, en tant que véritables experts de la crise, personnes agissantes et non subissantes, sujets et non objets, notamment des effets du changement climatique et de leur négligence par les élus locaux, partager leurs appréciations de la situation, entre eux et avec les autres.

Au final, exhorter une solidarité horizontale, réciproque, redevable, engageant l’ensemble des protagonistes (responsables politiques et populations), qui dépasse le zèle humanitaire ou libéral.


Voir en ligne : https://joellepalmieri.org/2020/10/...


[1Le conseil municipal entraîné par le maire de Saint-Martin-Vésubie (Henri Giuge, proche de Eric Ciotti) a manifesté en février 2019 son désaccord avec le Plan local d’urbanisme métropolitain (PLUM), mettant en avant « l’impossibilité de lancer de nouvelles constructions », puis s’est rétracté en avril sous pression du préfet.

[2Reghezza-Zitt Magali, Sanseverino-Godfrin Valérie, « Aménagement durable des territoires soumis à de fortes contraintes : enjeux et perspectives à travers l’examen des outils juridiques. L’exemple de la basse vallée du Var (06) », Annales de géographie, 2012/3 (n° 685), p. 242-265,https://www.cairn-int.info/revue-annales-de-geographie-2012-3-page-242.htm

[3« Étude des milieux aquatiques et du risque d’inondation dans la vallée de la Vésubie – Rapport de phase 3 : Recueil d’orientations, Métropole Nice Côte d’Azur, février 2019, http://doc-oai.eaurmc.fr/cindocoai/download/9355/7/VESUBIE-3_Recueil%20orientations.pdf_1551Ko ; « PLUm approuvé le 25.10.2019 », Métropole Nice Côte d’Azur, http://www.nicecotedazur.org/habitat-urbanisme/plu-métropolitain/plum-approuvé-le-25-10-2019

[4Christophe Bellon, « Entre tradition politique localiste et carrière nationale, l’exemple du baron Flaminius Raiberti », Recherches régionales Alpes-Maritimes et contrées limitrophes, no 177,‎ 2005 ; Alain Ruggiero, Nouvelle histoire de Nice, Éditions Privat, coll. « Histoire des villes », 2006, 383 p., p. 220 ; Michel Franca et Jean Grozier, Nice, la baie des requins, Éditions Alain Moreau, 1981, 208 p.

[5Martinetti Joseph, « Un département bleu… Azur, entre conservatisme et localisme », Hérodote, 2004/2 (N°113), p. 68-93, https://www.cairn-int.info/revue-herodote-2004-2-page-68.htm

[6Ogg Jim, Bonvalet Catherine, Gallou Rémi, « Patrimoine immobilier et retraite : regard sur les couples », Retraite et société, 2012/1 (n° 62), p. 59-78, https://www.cairn-int.info/revue-retraite-et-societe1-2012-1-page-59.htm

   

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