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N°12 " Plus aucun soldat Français en Afrique"

vendredi 30 octobre 2020

La préparation a été relativement longue, compte tenu des restrictions diverses imposées par le Pouvoir d’État sous le couvert de la situation d’épidémie. Mais les contacts pris avec des militants anti-impérialistes de diverses organisations ont permis d’associer à l’initiative des participants très divers.

La première expression publique sur ce thème a eu lieu durant la Fête populaire organisée par l’ANC à GEMENOS, le 12 septembre 2020, dans les locaux de l’entreprise SCOP/TI (Fralib).
Avec la participation de centaines de personnes, malgré les précautions d’ordre sanitaire.
Lors du meeting pour le retrait des soldats français d’Afrique, se sont exprimés des militants divers, dont Pierre Lenormand, Charles Hoareau et Badia Benjelloun, pour l’ANC et le Collectif Polex, et des représentants des organisations africaines de la diaspora et du M5RFP (Mali) qui se sont engagés à participer dès lors à nos initiatives.

La deuxième initiative publique sur ce thème a eu lieu en Ile de France, à Saint Denis ( 93 ) le 10 octobre 2020. Nous publions ci-dessous l’essentiel des interventions, pour servir à la poursuite de cette action en d’autres lieux.

IMPÉRIALISME : PLUS AUCUN SOLDAT FRANÇAIS EN AFRIQUE

Francis Arzalier, Ramata Coulibaly, Bruno Drweski,
Badia Benjeloun, Nils Anderson, Caroline Andréani,
Pierre-Olivier Poyard, Roland Diagne, Saïd Bouamama.

Avec des militants africains du M5 RFP (Mali), La Plateforme Panafricaine, Ferñent/L’Étincelle du Sénégal, l’ACCA, l’AFASPA, le Mouvement de la Paix, l’ARAC, le Rassemblement Communiste.

Sahel, Mali, les mensonges d’une guerre perdue !

Depuis 7 ans, l’armée française fait la guerre au Sahel, dans les savanes et le désert des anciennes colonies françaises, le Mali et les pays voisins, Burkina, Niger. Le Corps expéditionnaire français, Opération Serval en 2013, se nomme aujourd’hui Barkhane, dépasse 5000 hommes, avec un armement et des moyens de surveillance aérienne croissants.

La version officielle de cette présence armée claironnée par le Président Macron, qui aime se présenter en chef de guerre est la suivante :
Depuis 2013, les gentils soldats français défendent au Sahel les intérêts des Peuples africains menacés par de méchants fanatiques religieux armés, Islamistes, Intégristes, Djihadistes, à la demande des dirigeants de ces pays alliés de la France, qui est d’ailleurs elle-même menacée par les attentats de ces criminels intégristes.

Le problème est que ces justifications sont des mensonges hypocrites.

1/ Le premier mensonge porte d’abord sur les buts et les résultats de cette longue guerre, dont les médias français aux ordres n’informent guère l’opinion.
Rappelons en premier que l’intervention militaire de l’armée française a commencé en fait en 2011 quand le Président Sarkozy a détruit grâce aux bombardements des Rafale l’État national libyen dirigé par Khadafy, et livré ainsi ce malheureux pays aux bandes armées régionalistes et intégristes, qui, depuis, se le disputent dans un chaos sanglant. Et l’invasion de la Libye a entraîné la déstabilisation de tous ses voisins sahéliens : les premiers groupes armés au Nord du Mali, d’ailleurs soutenus par la France, furent après 2011 des touaregs anciennement au service de Khadafy reconvertis en indépendantistes sous le nom de MNLA !

Puis ces bandes armées, notamment revendiquant leur intégrisme, ont grossi au point de dominer le Nord-Mali, et de menacer en 2013 de descendre sur Bamako, ce qui a justifié l’intervention française sous le nom d’OPEX Serval. Depuis, de Serval en Barkhane, les milliers de soldats français, aidés de drones américains et de troupes africaines gérées par l’ONU (Minusma), ne sont pas parvenues à éradiquer les groupes djihadistes, pourtant limités à quelques milliers de clandestins.

Mieux, malgré de réguliers communiqués de victoire de Barkhane, l’insécurité s’est aggravée partout au Sahel, où des milliers de familles paysannes ont dû fuir leurs villages, et s’agglomèrent en réfugiés à Bamako ou ailleurs.

Le 6 mai 2020, sous le titre " Barkhane menacée d’enlisement au Mali", Le Monde révélait un éloquent bilan officiel, c’est à dire inférieur à la réalité : 380 tués en 2014, 1754 en 2018.

Même dégradation au Burkina Faso voisin : - le 2 juin 2020, la reporter Sophie Douce du Monde-Afrique raconte : "Au Burkina Faso, des villages aux mains des djihadistes...les habitants vivent dans la terreur."
- le 3 juillet 2020, le même Monde Afrique titre : " Au moins 50 morts dans une série d’assauts terroristes au Burkina...les violences se sont aggravées en 2019, avec une hausse de 174/100 du nombre d’incidents et près de 1300 civils tués ".
- le 27 juin 2020, le quotidien algérien El Watan retrace le constat fait par la haute Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU Mireille Bachelet : 580 personnes tuées dans la seule région de Mopti au Mali, qu’elle qualifie "d’épicentre des violences", depuis janvier 2020 !

Toujours selon la même source, ces violences sont de natures diverses : 83 cas de heurts intercommunautaires depuis le début de l’année, entre milices Dogons et milices Peuls, sur fond de recrudescence de groupes armés djihadistes et d’exécutions sommaires de villageois.
Et le 9 aout, 9 " humanitaires" sont enlevés au Niger, par "un groupe djihadiste qui a réussi à se régénérer au Sahel" selon Le Monde"....

Un échec total donc, des objectifs affichés par Macron et ses porte-paroles, une flambée des haines éthnicistes et du fanatisme religieux dans trois pays, Mali, Burkina et Niger, qui étaient il y a 10 ans des Nations célébrées par tous ceux qui les connaissaient pour leur paix civile et leur tolérance religieuse !

2/ Une deuxième contre-vérité des officiels français porte sur l’origine de cet éthniciste meurtrier qui a fait un retour en force au Sahel ces derniers temps. Ayons le courage de dire que l’attitude des autorités françaises en est la cause principale.
Cela débuta en 2013 par le soutien du Quai d’Orsay aux séparatistes Touaregs, qui n’étaient guère représentatifs des nomades sahariens, mais dont le rêve absurde d’indépendance du Nord-Mali sous le nom d’Azawad plaisait bien à l’Élysée aux nostalgiques de l’ère coloniale.
Cette dangereuse collusion persiste 7 ans plus tard comme le met en lumière une enquête de Pierre Alonso pour Libération du 22 mai 2020.
" Mali, les alliés spéciaux de l’armée française : pour faire face à l’EL au côté de la force Barkhane, des unités antiterroristes maliennes ont commencè à voir le jour en juillet 2019". Des " soldats d’élite anti-terroristes "financés, entraînés par des Français, et recrutés par des éléments issus de divers groupes armés, dans le cadre de l’accord d’Alger parrainé par la France. Notamment des combattants issus de la " Coordination des mouvements de l’Azawad".
Le journaliste n’a pas tort de craindre que " leur déploiement ...ravive les tensions entre groupes armés locaux ". Cette complaisance pour certains groupes éthnicistes ou séparatistes est d’autant plus dangereuse qu’elle conforte les rumeurs malsaines qui font de tous les Peuls des proches des djihadistes.

3/ Un autre mensonge des officiels français est de présenter les groupes clandestins qu’ils pourchassent dans le désert comme motivés exclusivement par le fanatisme religieux, l’intégrisme islamiste. Alors que tous les observateurs sérieux et les populations locales savent bien que ces bandes armées pratiquent plus souvent les trafics de drogue, d’armes, de migrants que la lecture du Coran.
Et qu’étant donné les fonds délictueux dont elles disposent, il leur est facile de recruter en leur assurant un salaire et une arme parmi les jeunes miséreux au chômage.
Les causes de ces "rébellions" sont locales, et plus à rechercher dans le sous-développement des pays du Sahel, et la dissolution des États nationaux dans le gouffre de la corruption et de la soumission aux affairistes occidentaux.

4/ Enfin, la rengaine macronienne selon laquelle l’armée française n’intervient au Sahel qu’à la demande des dirigeants élus est une fiction.
Car la plupart des dirigeants ne sont "élus" que grâce au soutien financier des États impérialistes d’Occident, notamment de la France. L’exemple le plus parfait de ces caricatures de démocratie fut le Mali, dont le Président IBK et ses partisans ont en 2020 falsifie sans vergogne les élections législatives. Ces dirigeants corrompus qui ne représentent qu’eux-mêmes dirigent des États sans autorité, incapables d’assurer la sécurité quotidienne des citoyens.

À Bamako, et dans les autres villes du Mali, c’est un véritable soulèvement populaire qui s’est propagé début juillet 2020, exigeant la démission d’IBK. Il n’avait été stoppé que par la répression armée des soldats et policiers dévoués au régime : Le 10 juillet, ce sont les FORSAT, ces groupes d’élite antiterroristes recrutés aprés "l’accord d’Alger" pour seconder l’armée française dans la chasse aux clandestins djihadistes, qui ont tiré à balles réelles sur les manifestants, tuant au moins 20 personnes. Ce qui implique la responsabilité des donneurs d’ordre maliens, mais aussi des Français qui les entraînent.

Et il a fallu que l’armée bascule du côté des opposants pour que IBK démissionne enfin, et dissolve l’Assemblée mal élue, ouvrant la perspective d’une transition démocratique, malgré les menaces inacceptables de boycott annoncées par la France et ses alliés occidentaux et africains

Décidément, il est plus que temps que la France sorte de cette guerre qui nourrit au sahel les maux que nos dirigeants prétendent combattre.

Les dividendes des actionnaires de Orano (ex Areva), Total, et autres multinationales, ne justifient pas les milliers de morts du sahel !
C’est ce qui a amené l’ANC et le collectif Polex à initier, malgré les restrictions d’ordre sanitaire, une campagne pour exiger des autorités françaises le retrait des soldats de notre pays du continent africain.

Francis Arzalier (ANC)

Intervention de Ramata COULIBALY, coordinatrice nationale du M5RFP pour la France

Je suis très émue de votre invitation et je vous en remercie au nom du M5RFP et de la plateforme panafricaine.

Le M5RFP est un mouvement populaire qui a vu le jour en juin dernier, mouvement rassemblant les diverses forces vives du pays (partis, associations, société civile…) pour dire STOP ! ça suffit !

Au Mali on a d’un côté une population qui est dans le désespoir total car elle ne peut pas envoyer les enfants à l’école, elle ne peut pas se nourrir ni se soigner correctement, les routes sont dans un état lamentable et de l’autre côté c’est la gabegie et le clientélisme promus par la famille du président et ses proches.
I
l y a aussi la question de la sécurité. Au départ en 2013, quand IBK est venu au pouvoir, la question de l’insécurité était posée seulement à Kidal, maintenant elle est posée dans tout le Nord et même le centre.
Il y a un mouvement séparatiste créé de toutes pièces au Nord parce que la région est riche. Ceux qu’on appelle des djihadistes sont des groupes terroristes qui font du trafic de drogue et du trafic d’armes. Tout cela a été transformé en guerres ethniques alors que les peuples ont toujours vécu en paix entre eux.

Le Mali était paisible.

5% de la population du Nord a pris des armes soi-disant pour « s’émanciper ». Quand on veut s’émanciper on ne retourne pas les armes contre la population.

Au départ du mouvement M5RFP nous voulions seulement alerter le président, nous pensions qu’il allait comprendre et changer sa politique mais il n’a rien voulu savoir et le mouvement s’est durci. Les manifestations ont demandé le départ du président. Le mouvement s’est amplifié jusqu’à ce le président soit déposé par l’armée. Nous sommes maintenant dans la transition avec un gouvernement de transition.

C’est un souffle non seulement pour le Mali mais pour toute l’Afrique, pour les peuples opprimés. C’est pour cela que nous avons en France interpellé le ministère des affaires étrangères et les députés car c’est un mouvement qui intéresse tout le monde bien au-delà de notre pays.

C’est la lutte de tous les peuples car ils ont droit à la vie.

Entre la France et le Mali il y a une histoire commune. Nous sommes des peuples frères. On vit la même chose. Quand des gilets jaunes manifestent, quand il y a des gens qui manifestent contre le chômage c’est la même lutte que nous. Il n’y a pas de sentiment anti-français mais ce qui est en cause c’est la politique menée par la France.
C’est cela qui doit changer. C’est la politique française qui doit dégager. C’est ce que dit la jeunesse d’aujourd’hui. Nous voulons un partenariat gagnant.

Au départ quand il y a eu l’opération SERVAL on a applaudi. Moi j’ai applaudi, je suis de Gao, parce mon village dans le Nord a été décimé. J’ai cru à la générosité mais cette générosité s’est transformée avec l’opération BERKANE.

Comment 5000 militaires, une armée équipée de drones et de matériel sophistiqué, ne peuvent-ils pas voir des groupes de 50 motos armées qui sèment la terreur dans les villages ?

Ça sème le trouble dans la tête des populations maliennes. D’autant qu’il n’y a pas que la France mais aussi l’Allemagne, les États-Unis.
Le citoyen lambda se pose la question : comment se fait-il que toute la communauté internationale est venue chez nous pour soi-disant nous aider alors qu’en fait la situation ne cesse de se dégrader.

Et ça continue aujourd’hui avec l’opération TAKUBA.

Les gens qui mènent ces attaques ne sont pas des jihadistes mais des terroristes. Ils ne cherchent pas à développer la religion. Nous avons notre religion paisible.
Bien sûr on peut poser la question de l’armée malienne, mais elle a été décimée et elle est en reconstruction et n’a pas beaucoup de moyens.

C’est bien la politique de la France qui est mise en cause.

Le Mali est le premier producteur mondial de coton, le 3ème d’or et aujourd’hui sa population est dans la misère. Le Mali fut le grenier de l’Afrique de l’Ouest.
Pourquoi l’Afrique qui est riche reste pauvre ?
Parce qu’elle est pillée.

On est meurtris parce que l’on voit notre jeunesse qui traverse le désert et parfois meurt sur le sable ou dans la mer alors qu’elle pourrait vivre bien sans être obligée de quitter sa famille et son pays.

Nous comptons sur les peuples généreux pour aider le Mali à s’en sortir. Nous ne voulons pas vivre à genoux et nous sommes debout, nous sommes debout grâce à notre mobilisation et grâce à la solidarité internationale.
Ramata Coulibaly (M5MFP France)

Contradictions inter-impérialistes ou Contradictions intra-impérialistes France-UE-USA ?

Philip Butler, un spécialiste de la politique russe, faisait il y a peu une description assez réaliste de l’état des rapports internationaux où de plus en plus de gouvernements considèrent qu’ils se trouvent face aux puissances occidentales dans la position d’un homme sain d’esprit se retrouvant devant un patient en état sénilité avancée, ce qui rend désormais tout dialogue rationnel impossible .
On constate bien sûr cette attitude de retrait face aux provocations dans les cas cubain, vénézuélien, chinois, russe, iranien, syrien mais c’est aussi le cas dans une certaine mesure avec des pays comme le Pakistan ou la Corée du sud, et un nombre grandissant d’Africains mettent en doute non seulement le discours du président Trump ou de ses concurrents néoconservateurs, mais aussi le discours des dirigeants occidentaux qui ne parviennent pas à se prononcer de façon indépendante tout en prétendant continuer à jouer le rôle de puissances tutrices de leurs anciennes colonies.
Cette méfiance permet de poser plusieurs questions : Quels sont les objectifs réels des élites mondialisées liées au bloc euro-atlantique et ses associés ? En quoi les tiraillements visibles auxquels nous assistons entre les différentes factions de l’establishment US et ses excroissances dans les pays associés ou soumis témoignent ils de la prolongation des habituelles contradictions inter-impérialistes que l’on a connues dans le passé ? Et en quoi témoignent ils de l’émergence possible d’un nouveau type de contradictions au sein de ce qui était jusqu’à la fin du monde bipolaire le bloc impérialiste unifié ?
L’Afrique et son voisinage immédiat, l’Asie occidentale, constituent la zone clé d’affrontement des contradictions mondiales entre les puissances occidentales en crise et les puissances émergentes autour de l’axe Chine-Russie-Eurasie.
Alors dans le grand jeu qui se déroule entre la France et son « étranger proche » méditerranéo-africain, Paris garde son gouvernail orienté vers l’Atlantique nord mais ne devrait-elle pas envisager de changer de cap vers un nouveau monde où elle se rapprocherait sous une forme dégagée des dominations du passé avec des pays avec lesquels elle a des liens anciens ?

Une économie mondialisée et financiarisée tournant en cercle vicieux
Les pays vassaux les plus soumis se retrouvent souvent tiraillés entre leurs liens de dépendance privilégiés et leur intérêt à trouver des protecteurs ou des partenaires plus fiables et plus viables mais en Occident, tout semble orienté, via l’OTAN, vers des dépenses militaires exigées d’alliés vassalisés dans la perspective de prolonger l’existence d’une économie de prédation.
De telles politiques sont caractéristiques d’empires déclinant. La France avec ses vassaux post-coloniaux est désormais réduite à une situation de dépendance vis à vis du « gendarme mondial » d’outre-Atlantique, et Macron semble contre toute raison vouloir, après chaque rodomondate, à se raccrocher au final aux USA, cette fois ci sans doute dans l’espoir que l’arrivée de Biden à la Maison Blanche pourrait restaurer la stabilité d’antan, alors qu’un retour à cette situation est peu probable car cela ne dépend plus des choix qui seront faits aux États-Unis mais du rythme de leur déclin semble-t-il désormais irréversible.
Les capitalistes semblent donc ne plus pouvoir progresser en s’appuyant sur la puissance de leurs États et de leurs armées. On doit analyser dans ce contexte les contradictions grandissantes entre la France toujours présente en Afrique, les États-Unis et leurs troupes des quelques milliers de soldats sous les ordres de l’AFRICOM, le commandement militaire américain pour l’Afrique basé en Europe.
Sans oublier l’Allemagne dont on néglige trop souvent le rôle. Ses fondations qui préparent le terrain intellectuel en direction de ladite « société civile », tandis que les services secrets du BND essaient de tailler des croupières aux entreprises basées en France au profit des entreprises allemandes alors que, simultanément, les Allemands se présentent là où la présence nord-américaine serait trop coûteuse ou trop impopulaire, ce qui explique pourquoi les contradictions qui existent entre les USA et l’Allemagne restent souvent peu visibles face à la Chine et à la Russie, ce qui confirme qu’un basculement est en train de s’opérer en Afrique-Asie occidentale.
L’Afrique, terrain d’affrontements et de projets : le rôle des puissances contre-hégémoniques
Si certains analystes considèrent que la Chine et la Russie sont de nouvelles puissances impérialistes concurrentes des vieilles puissances impérialistes, force est de reconnaître que leurs méthodes d’intervention, les secteurs dans lesquels elles investissent et les possibilités encore limitées qu’ont ces deux pays rendent leur pénétration des pays africains de nature très différente.

Si la présence chinoise est visible déjà depuis longtemps en Afrique, le retour de la Russie est plus récent et semble ne s’être opéré que depuis que ce pays s’est senti menacé par les puissances occidentales dans son « étranger proche ». Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré dernièrement le Secrétaire exécutif de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), Workneh Gebeyehu, en prolongement du sommet Russie-Afrique qui s’était tenu en octobre 2019 à Sotchi. Ils ont parlé de la nécessité de développer une coopération dans les domaines de la lutte contre le covid-19, dans le domaine de la santé et de l’humanitaire, dans le domaine agricole et phytosanitaire et dans le domaine de l’éducation.

Domaines qui ne sont jamais privilégiés par des puissances impérialistes traditionnelles. Cette politique se développe dans la foulée des politiques chinoises d’investissements en principe « gagnant-gagnant ».
La Russie introduit en Afrique des méthodes de contre-insurrection expérimentée avec succès en Syrie et les Africains ont devant eux de nombreux choix qui leur permettent de sortir du traditionnel tête-à-tête avec leur ancienne puissance coloniale, ou éventuellement son protecteur d’outre-Atlantique.
La France de Macron tente de jouer le grand écart. En Afrique occidentale et équatoriale, la France reste incontournable mais, comme en Syrie, elle tend à chasser en meute avec ses complices et concurrents européens, le Royaume-Uni et l’Allemagne, sous la supervision des États-Unis. La tonalité des discours occidentaux a tendance à montrer que ces derniers sont sur la défensive et que leur cohésion est de moins en moins évidente, tandis que les dirigeants russes et chinois sont de moins en moins intimidés par les critiques occidentales, Lavrov ayant déclaré récemment « Il est temps de cesser d’appliquer les mesures occidentales à nos actions et d’arrêter d’essayer d’être aimé par l’Occident à tout prix ».
La pandémie du covid-19 a démontré les faiblesses des politiques occidentales. Les tensions internationales actuelles pourraient mener vers la guerre mondiale mais on voit émerger des puissances semblant en état de prévoir les chocs et de proposer des politiques de développement à long terme, alors que la vassalisation de pays comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni semblent à ce point profondes qu’ils ne sont pas en état de sortir des ornières dans lesquelles ils ont été placés depuis 1945.
Panique à Paris et en Europe : les USA prévoiraient de se désengager d’Afrique ! Quel l’intérêt de la présence US en Afrique pour la France ?
« Beaucoup d’aide (militaire) occidentale arrive dans cette région, de la part des Français et des Européens avec le soutien des États-Unis », avait expliqué le 10 mars dernier le chef de l’Africom, le général Stephen Townsend, avant de la juger toutefois « insuffisante et mal coordonnée » . En lisant entre les lignes ce type de déclarations, on se demande si les États-Unis ne se servent pas contre les puissances européennes des soit- disant djihadistes recrutés souvent à partir de bandits de grands chemins pour mieux les effrayer, les domestiquer, les utiliser et les amener à financer des opérations militaires des États-Unis pour le plus grand profit de leur complexe militaro-industriel.
Mais on doit du coup poser la question pourquoi ces États devraient continuer dans la voie d’une telle coopération, puisqu’elle coûte cher et n’a qu’une efficacité douteuse dans la lutte contre le terrorisme ? Et aujourd’hui on apprend que, sous la pression des USA, des centaines de membres d’Al Qaida arrêtés au Mali ont été libérés .
Pourquoi les Européens ne se dégagent ils pas des bras du pompier-pyromane alors qu’il existe maintenant une alternative en Eurasie. Les autorités françaises semblent incapables de se dégager des circuits de la françafrique qui grèvent et le développement de l’Afrique et la renaissance d’une dynamique en France ?
Le général Townsend a déclaré « Je pense que l’Europe peut et doit en faire davantage avant que les États-Unis en fassent davantage dans cette partie du monde » mais que « Coordonner ces efforts pourrait en fait être suffisant ». Qu’entendent les USA par « coordonner » ? Se soumettre ? Financer ? Cela porte-t-il sur le seul volet militaire ou s’agit-il d’une politique d’exploitation des ressources africaines ?
Selon un récent rapport rédigé par le Bureau de l’Inspecteur général du Pentagone, « la menace terroriste en Afrique persiste et en certains endroits, elle s’accroît ...Les problèmes issus de l’Afrique de l’Ouest se manifesteront en Europe avant de se manifester en Amérique ». Le commandement américain indique que les activités extrémistes violentes en Afrique de l’Ouest auraient augmenté de 250 % depuis 2018. L’Africom dit avoir récemment été amené à devoir modifier sa stratégie en se fixant désormais l’objectif de « contenir » les extrémistes et non plus de les « affaiblir ».
On doit du coup poser la question sur ces puissances et hyperpuissance qui ne sont pas en état d’affaiblir des groupes armés composés de vanupieds ? A la mi-janvier 2020, le général Milley déclarait « La question sur laquelle nous travaillons avec les Français, c’est le niveau de soutien que nous leur apportons. Est-ce trop ? Est-ce trop peu ? Est-ce que c’est ce qu’il faut ? » alors que, pour les États-Unis, « sur le plan du contre-terrorisme, je veux m’assurer que nous répondions en priorité aux menaces contre notre territoire national » .
Le défi pour les USA en Afrique vise d’abord la Chine et la Russie et ils donnent l’impression de vouloir se faire prier par la France. La menace « djihadiste » est-elle du coup vue aux USA comme un vrai danger ou comme un moyen de pression sur leurs « alliés » ?
Le flou persiste sur la stratégie américaine
La sous-secrétaire à la Défense en charge de l’Europe et l’Afrique au Pentagone, Kathryn Wheelbarger, constate que « Les Français soulignent l’importance du soutien américain à leurs opérations » car « Il y a simplement certaines capacités qu’ils n’ont pas. ». Du coup, « Ce que nous avons essayé de faire, c’est de les encourager à accélérer leurs processus de décision quant à l’acquisition de ces capacités, pour qu’ils ne dépendent plus du soutien des États-Unis ».
Paris est donc réduite à une position de demandeuse dans son pré-carré post-colonial. Elie Tenenbaum, chercheur à l’IFRI constate que « La France et les États-Unis sont de moins en moins alignés » car Washington est moins préoccupée par la menace terroriste que par la présence de la Chine et de la Russie sur le continent africain .
La France se retrouve dans une position plus faible qu’elle ne l’a jamais été depuis 1945. Quand quatre soldats américains ont été tués à Tongo Tongo, au Niger, en octobre 2017, la coûteuse opération menée par les USA en liaison avec les forces nigériennes n’a pas été communiquée aux Français, ce qui démontre que Washington ne reconnaît plus l’ex pré-carré français qu’elle lui reconnaissait pendant la guerre froide d’où l’exigence de Washington pour que les Français, voire les Européens si Paris s’en révèle incapable, participent au financement de leurs opérations militaires.
Quand un général US déclare que « Les Européens sont mal coordonnés au Sahel », cela veut-il dire que les États-Unis veulent « remettre de l’ordre » dans cette partie du monde en prenant plus d’importance au dépens de la France ou qu’ils veulent qu’on les prie de rester en en payant le prix, ou encore qu’ils préparent leur sortie, alors que leur pays n’a plus les moyens d’être en position de force, à la fois en Afrique, en Asie occidentale et dans ce qu’ils appellent la zone « Indo-Pacifique » ?
USA et France ont ils les mêmes intérêts stratégiques en Afrique ?
La logique du « leadership from behind » qui avait laissé à la France l’apparence de son ancienne puissance pendant la guerre froide s’est effritée. Les deux pays ont à partir de 2011 participé ensemble à la désorganisation de la zone arabe, de la Libye à la Syrie, et la France, « cerise sur le gâteau », a même rejoint en 2014 les efforts des USA dans un Irak qu’elle avait refusé d’envahir en 2003. Tout cela est trop coûteux pour les États-Unis alors que les résultats, en terme de parts de marché de ces interventions se font attendre.
Avec une puissance nord-américaine en perte de vitesse et une France essouflée, les Européens peuvent-ils compenser ? Alors que la France n’aurait plus les capacités suffisantes en matière de renseignement, de renseignement électromagnétique, de surveillance, de reconnaissance, de transport stratégique et de ravitaillement en vol. Mais quand on observe l’état de déliquescence de l’armée des USA, on se dit que cette dernière tient au final car elle peut encore s’appuyer sur la puissance magique du dollar.

L’Afrique recèle un potentiel de ressources extraordinaires avec une population jeune, inventive, courageuse et pleine de projets, ce qui, à terme, devrait permettre à ce continent de sortir de la pauvreté. Jusqu’à présent son développement restait grevé par le maintien de structures néocoloniales qui l’entretenait dans un cycle de dépendance et de tête-à-tête avec l’ancienne puissance coloniale.

La Seconde Guerre mondiale et l’instauration d’un ordre bipolaire a considérablement affaibli ces puissances, ce qui donna aux Africains des marges de manœuvres qui disparurent dans les années 1990 poussant ce continent vers une régression.
Aujourd’hui, des pays périphériques par rapport à l’ordre capitaliste post-colonial ont émergé, ce qui menace les positions des puissances impérialistes traditionnelles et ouvre des possibilités de choisir des partenaires moins gloutons.
Mais le conservatisme des élites possédantes d’Europe occidentale les empêche de se dégager du carcan qui pèse sur eux, si bien que les États-Unis restent en état de dicter leurs règles en profitant de la peur de déstabilisation qui taraude les Européens.
Dans ce contexte, la France perd constamment ses positions tout en continuant à vouloir rattacher les restes de sa puissance à la puissance nord-américaine en chute.
L’Afrique francophone a encore à payer un tribut à son ancienne puissance coloniale, ce que symbolise le Franc CFA mais elle n’a plus les moyens de sa puissance au moment où les États-Unis, essouflés, doivent faire financer par d’autres leurs ingérences.
Cette situation de double occupation pour les Africains provoque des résistances grandissantes qui peuvent s’appuyer sur le jeu existant entre les puissances ascendantes ou descendantes.

Bruno Drwesky (ANC)

Pour mettre fin aux politiques interventionnistes, il faut dénoncer le Livre blanc de la défense et de la sécurité.

Le propos est d’aborder la présence militaire de la France en Afrique à la lecture du Livre blanc de la défense et de la sécurité. Le Livre blanc a pour objectif de définir la doctrine de la France dans le domaine militaire et stratégique, il est le cadre de sa politique atlantiste et néocoloniale.

Le premier Livre blanc en 1972, de Gaulle président, était centré sur la dissuasion nucléaire. Dans celui de 1994, sous la présidence de Mitterrand, il est décidé de la professionnalisation des armées appliquée par Chirac et de la capacité d’action extérieure, placée au cœur de la doctrine militaire de la France.
Le Livre blanc de 2008, Sarkozy devenu président, a comme finalité le plein retour de la France dans l’OTAN et son intégration dans le concept stratégique de l’OTAN préconisant une capacité d’intervention tous azimuts. Politique qui étend le champ traditionnel de défense du territoire de l’hexagone à une zone allant de l’ouest de l’Afrique à l’océan Indien ; le champ du renseignement se voit lui aussi élargi de l’Afrique vers l’Asie (Chine, Inde, Pakistan), région devenue comme étant celle ayant les principaux risques de tensions majeures.

Depuis l’adoption de ce Livre blanc des événements ont profondément modifié la situation internationale. La crise économique et financière, les échecs militaires en Afghanistan, la décomposition de l’Irak et de la Libye à la suite des interventions armées occidentales, de nouveaux rapports de force dans le monde avec la montée de puissances dites émergentes, ont mis dans l’impasse la stratégie tous azimuts de l’OTAN.

Une conséquence est le nouveau concept du Pentagone déplaçant le centre de gravité du monde vers l’Asie et le Pacifique et en découlant, l’appel d’Obama à ce que les Européens « assurent leur défense » sur le continent européen et celle du monde occidental à sa périphérie, en Afrique et dans le Proche-Orient, les fameux 2 %.

Deux exemples illustrent parfaitement cette nouvelle doctrine. Le premier la guerre de Libye : les intérêts des États-Unis n’étant pas primordiaux, les soldats Sarkozy et Cameron interviennent comme supplétifs. Second exemple, le Mali, l’armée malienne désintégrée face à l’avancée de groupes « salafistes-djihadistes », le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, fait appel en catastrophe à la France.

Pourquoi le gouvernement français a t-il dans l’urgence répondu à cette demande d’intervention ? Quelles que soient les déclarations officielles sur le « désintéressement de la France », elle y défend des intérêts économiques nationaux et les profits de transnationales, mais la raison principale de l’intervention décidée par François Hollande est géopolitique.

Il s’agit d’être le porte-drapeau de l’Occident en Afrique dans un cadre atlantique-otanien clairement précisé dans le Livre blanc dans lequel on peut lire : « L’importance stratégique pour l’Europe de son voisinage oriental, de la Méditerranée, de la partie de l’Afrique qui s’étend du Sahel à l’Afrique équatoriale n’est pas considérée au même degré par tous nos partenaires et alliés. Pour la France, il ne fait cependant pas de doute que ces approches constituent des zones d’intérêt prioritaires pour l’ensemble de l’Union européenne, et qu’une vision commune des risques et des menaces est souhaitable et urgente. Cette priorité collective européenne devrait être d’autant plus affichée que nos alliés américain et canadien attendent de nous que nous prenions une part essentielle des responsabilités dans des zones à l’égard desquelles ils s’estiment moins directement concernés. »
Mais la France s’est trouvée seule à intervenir, ses alliés ont montré peu d’empressement à répondre à ses appels et à participer à l’intervention quand ils ne se sont pas dérobés.
Pourquoi ces dérobades ?
Pour les pays de l’Union européenne comme pour les États-Unis, le Mali et les États de l’Afrique occidentale demeurent le pré carré de la France et l’intervention française s’inscrit dans la continuité de sa politique Françafrique. La France n’a donc reçu qu’un soutien dérisoire de quelques pays de l’Union européenne, une aide strictement logistique des États-Unis, une déclaration symbolique de l’OTAN, appuyant l’intervention et une approbation a posteriori du Conseil de sécurité, elle reste isolée.

Malgré cet isolement, le Livre blanc de Hollande de 2013 assume pleinement les opérations engagées en affirmant que : « les opérations menées en Libye et au Mali pourraient avoir préfiguré un mode d’action appelé à se reproduire dans des situations où les intérêts américains sont moins directement mis en cause. »
Quelles sont les zones où la France « pourrait être amenée à devoir prendre l’initiative d’opérations militaires ? » Il est explicitement écrit dans le Livre blanc : « La France entend disposer des capacités militaires lui permettant de s’engager dans les zones prioritaires pour sa défense et sa sécurité (que sont) la périphérie européenne, le bassin méditerranéen, une partie de l’Afrique - du Sahel à l’Afrique équatoriale -, le golfe Arabo-Persique et l’océan Indien. »
Il est même précisé que « le Sahel, de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique, ainsi qu’une partie de l’Afrique subsaharienne » sont au centre des priorités.

Pour l’application de cette politique, la France dispose d’accords de défenses passés lors de l’accession à l’indépendance de pays africains. Des partenariats de défense ont été conclus avec huit États : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Cameroun, la Centrafrique et le Gabon en Afrique de l’Ouest, Djibouti et les Comores sur la face est du continent africain.
Partenariats auxquels il faut ajouter seize accords techniques de coopération dits de sécurité avec des États africains. Au-delà de la zone Françafrique, le Livre blanc considère le Nigéria et l’Afrique du Sud, comme des interlocuteurs de premier plan et un accord de défense a été signé avec l’Éthiopie.
Dans les faits le pouvoir malien provisoirement « sauvé », le conflit s’est étendu à un sous-continent, le Sahel, qui va de l’Atlantique à la mer Rouge, couvrant un espace près de cinq fois celui de la France.

Intervenir sur d’aussi grands espaces comprenant des États aux frontières perméables, c’est devenu la quadrature du cercle pour les opérations Serval au Mali et Épervier au Tchad, comme pour l’opération Barkhane dans le Sahara et le Sahel. Si l’on ajoute à ces OPEX les opérations Sangaris en Centrafrique, Chammal en Irak et Hamilton en Syrie, ces engagements sont totalement disproportionnés avec les capacités humaines, financières et militaires de la France.

L’efficacité, voire l’utilité de ces missions interroge à des niveaux élevés de l’armée. Ainsi, le général Lecointre, chef d’état-major général des armées, auditionné par la Commission des affaires étrangères du Sénat a déclaré : « À la mi 2014, (après le lancement de l’opération Serval) la menace était résiduelle, à la portée des États de la région. Nous pensions alors que la peur d’un effondrement de l’État malien avait été suffisamment forte pour que les élites militaires et politiques du pays donnent à leurs forces de sécurité les moyens de se redéployer dans les zones conquises par Serval et de rétablir l’État de droit. C’est pourquoi nous avons décidé de basculer dans une opération de nature différente, l’opération Barkhane… Notre optimisme a été déçu et Barkhane n’a pas été accompagnée d’un retour de l’appareil d’État ni de la refonte efficace des forces armées, notamment maliennes…. Nous nous trouvons donc dans une situation comparable à celle d’il y a sept ans, avec la constitution d’une zone géographique homogène dans laquelle renaît une véritable menace terroriste. » Le constat est sans appel, il démontre que les engagements militaires pris dans le livre blanc 2013 sont dans l’impasse.

Il relève de choix politiques démesurés et irresponsables quand la France est considérée dans le Livre blanc comme la principale puissance militaire en Europe, la principale puissance militaire non africaine en Afrique, le pays membre de l’OTAN le plus engagé militairement dans le Proche-Orient après les États-Unis et un « acteur de sécurité dans l’océan Indien et dans le Pacifique ». Ce à quoi s’ajoutent, reliquats de l’Empire français, la « zone économique exclusive de la France », qui en fait la seconde puissance maritime dans le monde après les États-Unis. C’est là une stratégie de puissance contraire aux intérêts de la France et des Français. Notre rôle d’anticolonialistes est de dénoncer la politique interventionniste néocoloniale de la France en Afrique et au-delà telle qu’elle est définie dans le Livre blanc de la défense et de la sécurité et d’en appeler au retrait des armées françaises d’Afrique.

Nils Anderson (Acca)

La France entretient une sale guerre pour de sales raisons.

Je vais commencer mon intervention par une anecdote révélatrice de la position du Pcf sur l’intervention Française au Mali.

En 2013 ou 2014, lors d’une conférence fédérale où nous discutions du énième texte de congrès, la question de l’intervention Française au Mali est venue dans la discussion. Je pensais, un peu naïvement certainement, qu’une intervention militaire dans une ancienne colonie Française provoquerait un tollé.

Ce ne fut pas le cas : un des responsables de la fédération du Pcf, Jean-Charles Nègre, est monté au créneau pour expliquer que les Maliens se félicitaient de l’intervention militaire contre les groupes « djihadistes » et que le Parti communiste ne pouvait pas condamner une intervention visant à éradiquer des terroristes. Sa position n’a pas suscité beaucoup de réactions. Parmi les dizaines de communistes présents, nous n’avons pas été nombreux à protester. Nous avons invoqué la tradition d’opposition du Pcf aux guerres coloniales et au néo-colonialisme mais nous sommes restés très minoritaires, la seule évocation des groupes djihadistes suffisant à empêcher toute réflexion.

Peut-on résumer la position du PCF sur l’intervention militaire Française au Mali à cette seule anecdote ?

Malheureusement, l’analyse du PCF sur les questions internationales est indigente. Elle reflète l’état de l’opinion publique qui se satisfait des explications simplistes.
Le PCF s’est longtemps réfugié derrière cette dialectique simpliste : les islamistes sont des terroristes ; les terroristes doivent être combattus ; si la France envoie des militaires pour combattre les terroristes, alors ne soyons pas trop regardants : les « gens » ne comprendraient pas notre position.

Surtout quand François Hollande, un socialiste, est à l’initiative de cette intervention militaire.

Le ton a changé avec le temps : les différents rapports sur la situation militaire au Sahel et ses conséquences sur les populations civiles ont fait évoluer la position du PCF qui émet maintenant quelques réserves et se prononce pour une solution politique.
Il serait temps.

L’intervention militaire de la France dans les pays du Sahel a-t-elle pour justification le rétablissement de la paix dans la région ?
On peut légitimement en douter. Depuis le renversement de Khadafi en Libye, des armes de guerre circulent dans tout le Sahel. Le renversement du régime a renvoyé des centaines de combattants Touaregs dans leurs pays d’origine, et des milliers de mercenaires de tous horizons ont débarqué dans la région. Le tout contribue à entretenir un chaos d’une ampleur jusque-là inconnue.

La France défend-elle ses intérêts économiques et commerciaux dans la région ?
Certains observateurs en doutent, car le poids économique de l’ancienne puissance coloniale ne pèse guère face à la Chine ou aux États-Unis.
Cependant, la France a intérêt à se maintenir dans la région :
1-elle sécurise son approvisionnement en uranium au Niger
2-elle fait la démonstration grandeur nature de la puissance de son armement, ce qui lui permet de démarcher de potentiels acheteurs d’armes. Ce n’est pas pour rien que notre pays est le 3e exportateur d’armement au niveau mondial, et que sa balance commerciale engrange chaque année environ 20 milliards d’euros
3-et enfin, alors que son emprise économique est en recul, la France maintient, avec la bienveillance des États-Unis, son rôle géostratégique dans la région en jouant le gendarme régional.

Bien entendu, les conflits au Sahel pré-existaient à l’intervention militaire Française de 2013 : on peut les dater de la fin des années 1990 avec la dispersion des combattants du GIA algérien au Sahel.
Les Touaregs entretenaient également un climat de violence et des activités de prédation antérieures à 2013. Mais ces conflits restaient du domaine des escarmouches et des affrontements locaux. Ils faisaient des morts, mais il ne s’agissait pas décimer la population de villages entiers. Même avec difficulté, ils étaient jugulés localement.

La déstabilisation actuelle de la région crée une situation toute autre. D’abord, parce que les groupes armés et les milices détiennent aujourd’hui un arsenal de guerre techniquement bien supérieur aux armes qui circulaient auparavant. Cet arsenal est plus destructeur et les dégâts bien supérieurs.
Le Sahel est devenu une plaque tournante de trafics en tous genres : narcotrafic, trafic d’armes, trafics d’êtres humains, qui permettent aux groupes terroristes de se financer.

Enfin, la présence Française a accéléré la recomposition de ces groupes incorrectement qualifiés de djihadistes. Elle a également augmenté leurs capacités de recrutement car les civils victimes des exactions de l’armée Française et des armées du G5 Sahel rejoignent naturellement ces groupes dans une logique de résistance et de vengeance. Année après année, les Nations Unies recensent une augmentation des événements violents provoquant la mort de civils.

Par ailleurs les groupes islamistes ne sont plus perçus par les civils comme une menace, mais au contraire comme un rempart face aux exactions de l’État malien. Ils se substituent aux autorités locales corrompues, lèvent les impôts, exercent la justice. Ils apportent ainsi aux éleveurs et aux agriculteurs une forme d’ordre et de sécurité que l’État n’est pas capable de leur apporter.

Si l’on ne peut pas tenir la France pour seule responsable de la situation au Sahel, on ne peut pas non plus l’exonérer de ses responsabilités. La décision d’envoyer l’armée Française au Mali, puis d’augmenter son périmètre d’intervention au Burkina-Faso, au Niger, au Tchad, en Mauritanie à partir de 2014 avec l’opération Barkhane, était une erreur manifeste.

Non seulement l’armée Française n’a pas réussi à « éradiquer » les groupes « terroristes », mais ces derniers se sont adaptés, évitant tout affrontement militaire direct, se dispersant dans l’immense désert sahélien, passant les frontières pour se cacher parmi les populations civiles.

Cette violence a bouleversé l’équilibre qui existait entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs dans le centre du Mali comme en témoignent les massacres de villages entiers. Le cycle de représailles que cela a amorcé, les dégâts considérables à l’encontre des civils sont la conséquence directe de l’intervention militaire Française.

La France laisse la direction des opérations aux militaires. Les gouvernements successifs les incitent à mener des assassinats soi-disant ciblés qui exacerbent les tensions. Le politique couvre bavures et exactions, sans jamais rendre de compte au Parlement et encore moins à l’opinion publique française .

La rhétorique guerrière est agitée à chaque fois qu’un soldat français meure. Le gouvernement invoque non plus la « mission civilisatrice » de la France mais le juste combat contre les djihadistes, et le nécessaire appui à l’armée malienne pour restaurer la la paix !
Jusqu’à quand ?

L’armée Française, maintenant qu’elle a contribué à déstabiliser la région, argue que son départ serait catastrophique.
Contrairement à d’autres interventions militaires par le passé, quand le contingent était mobilisé, la présence Française au Mali intéresse peu l’opinion publique. Les militaires envoyés au Mali sont des militaires de carrière. Leur disparition impacte finalement peu de monde.

Morts pour une guerre injuste !

Mais ne faudrait-il pas informer nos concitoyens qu’en plus du coût humain de cette intervention, qui se chiffre chaque année en dizaines de victimes civiles, l’intervention Française au Sahel coûte un million d’euros par jour ?
Combien d’universités et d’hôpitaux aurait-on pu construire avec de telles sommes ?

L’opinion publique malienne quant à elle, réclame depuis des mois déjà, le départ de l’armée Française. Et de plus en plus d’intellectuels Français font le constat de l’impasse dans laquelle se trouve l’armée Française. Car contrairement aux propos guerriers tenus par des Jean-Yves Le Drian et consorts, la France s’enlise dans un conflit qui n’a pas de solution militaire.

La France entretient une sale guerre pour de sales raisons. Plus que jamais nous devons informer l’opinion Française, faire comprendre les enjeux et exiger que l’armée Française quitte le Mali. Plus que jamais, nous devons affirmer que cette intervention est une grossière erreur, aux conséquences terribles et inhumaines.

Caroline Andreani (Faire vivre et renforcer le PCF)

Combattre pour la Paix… Dans une France en Guerre

Quand, le 16 mars dernier, Emmanuel Macaron, dans son discours, déclare, à six reprises : « Nous sommes en guerre », ce n’est pas seulement un effet rhétorique. Ce n’est pas seulement, non plus, une métaphore de la lutte contre le virus du Covid-19 dont il s’agit. C’est un véritable aveu de la situation politique, sociale et militaire que nous vivons depuis plusieurs années dans notre pays. Nous sommes en guerre… mais en guerre contre qui ? Contre quoi ?

Tout d’abord, nous vivons dans une forme « d’État de guerre » permanent, une forme de conflit social très violent qui oppose une minorité de milliardaires, qui dictent aux gouvernements les mesures antisociales à appliquer, à l’immense majorité de la population, qui n’est pas millionnaire.
Un exemple de dégât collatéral de ce conflit social : la situation critique de notre système de santé, à bout de souffle dans le cadre de la crise sanitaire actuelle… parce que l’austérité gouvernementale imposée depuis plusieurs années n’a cessé de diminuer les moyens alloués aux hôpitaux et aux soignants en général.
Dans le même temps, des centaines de milliards sont détournés des finances publiques vers les caisses des multinationales aux mains des milliardaires, qui peuvent utiliser cette manne pour multiplier les licenciements et les destructions d’emplois.
Cet « État de guerre » permanent se ressent également dans notre système éducatif où c’est une véritable « culture de la guerre » qui est enseignée à nos enfants. Les principes pacifistes, internationalistes et humanistes qui ont inspiré les créateurs des Nations-Unies il y a 75 ans sont tus : la Charte fondatrice de 1945 est ignorée. Le Droit International n’est convoqué dans les enseignements que s’il confirme la politique gouvernementale.
Les guerres menées par l’armée française, de nature colonialistes et impérialistes, sont justifiées par des programmes aux choix très politiques. L’armée elle-même intervient dans les classes pour justifier ses actions (et exactions) : elle peut même y engager certaines des 15.000 recrues nécessaires chaque année pour ses opérations. Dernière invention : le Service National Universel diffuse une propagande de guerre à des jeunes captifs.
En un certain sens, cet « État de guerre », ce conflit social violent est une forme de guerre, une guerre contre la démocratie. Comment imaginer une démocratie ploutocratique ? C’est une contradiction dans les termes : la démocratie c’est le pouvoir populaire, la participation des citoyens, la « culture de la Paix ». C’est un combat permanent, une lutte continue. Ce n’est pas la dictature militaire d’un président – chef des armées au service de quelques milliardaires.
L’histoire du XXe siècle nous enseigne qu’immanquablement, quand une guerre se déclenche, les premières victimes ce sont bien les libertés démocratiques. C’est ce que nous avons constaté récemment avec le mouvement des « Gilets Jaunes » où le gouvernement, la police et l’armée, ont considéré ce mouvement populaire comme un « ennemi intérieur » à éliminer. Notre système politique est de plus en plus autoritaire, posant clairement la question d’un possible retour du fascisme…
Pourtant, selon certains commentateurs patentés, visibles ou audibles dans les médias d’État ou propriété des milliardaires, nous serions en Paix… mais une Paix armée alors.
Est-ce possible ?
Car depuis 2015, l’accord de Paris sur le Climat, les gouvernants occidentaux membres de l’alliance militariste de l’OTAN, augmentent fortement leurs capacités militaires, alarmés par la crise climatique et ses conséquences, qui menacent leur domination mondiale. En France, depuis lors, le budget annuel de la défense a augmenté de 8 milliards, soit une augmentation de 25% ! 30.000 soldats français se trouvent actuellement en situation opérationnelle, dont 20.000 hors de métropole.
L’armée française est présente sur tous les continents et les océans du globe. Mais le militaire en France c’est aussi un complexe militaro-industriel de 15 milliards de chiffre d’affaire dont 1/3 à l’exportation, comptant 200.000 emplois et des ventes d’armes aux ultraréactionnaires pétromonarchies du Golfe... Militaires et milliardaires sont inextricablement liés dans la guerre et sa préparation.
En 2015, notre président François Hollande déclarait : « Nous sommes en guerre ». Il s’agissait alors de la guerre contre le terrorisme. 5 ans plus tard, celle-ci n’a pas cessé, au contraire. 10.000 soldats continuent à patrouiller dans nos rues. Les exercices traumatisants « d’alerte intrusion » effrayent toujours nos enfants et adolescents dans les établissements scolaires.
Des idéologues islamophobes vomissent leurs insultes à l’encontre du prétendu « totalitarisme musulman » dans les grands médias, propriété de milliardaires, dont les affaires en Afrique fleurissent. 5 100 militaires français mènent une guerre qui n’a rien d’humanitaire au Sahel, pour combattre des ennemis qui, hier, étaient considérés par les services français comme des alliés, des « amis de la France », qui pouvaient recevoir formations, armes et financements.
Rappelons qu’à l’image d’Oussama Ben Laden, le « terroriste islamiste djihadiste » est une création occidentale. Les militaristes chérissent leurs ennemis car ils permettent des guerres sans fin : jamais aucune guerre occidentale n’a apporté la Paix quelque part, au contraire.
La guerre engendre la guerre, les persécutions, les massacres…
Cette « guerre contre le terrorisme » est un cancer qui ronge notre société, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la France métropolitaine. Plus il y a de militaires français en Afrique, plus il y a de « terroristes »… ainsi, est-ce bien le « terrorisme » que l’armée française combat ?

La question se pose. Car derrière les discours de propagande occidentaliste, c’est-à-dire coloniaux et impérialistes, c’est bien du pillage de l’Afrique par les multinationales françaises dont il s’agit, de la « Françafrique ». L’armée française, dont l’histoire récente est une succession de défaites militaires en Europe et de crimes coloniaux tout à travers le monde, est une milice d’État au service d’Areva, qui pille les mines d’uranium du Niger, de Total, qui vampirise les ressources pétrolières de

l’Afrique de l’Ouest, de Castel, qui arrose les marchés africains de ses spiritueux, de Bolloré, qui monopolise les transports africains… C’est aussi un rouage déterminant du maintien de ce qu’il subsiste de l’empire colonial français, à savoir les départements et territoires d’Outre-mer dont la décolonisation, sur de nombreux aspects, n’a jamais été achevée. C’est pour finir le dernier recours, en terme de maintien de « l’ordre », quand les colonisés de l’intérieur, les classes populaires, se révoltent contre la dictature des milliardaires…
C’est pourquoi, lors de son dernier congrès, en 2017, le Mouvement de la Paix a affirmé mener des campagnes pour : « Fermer les bases militaires françaises à l’étranger » et « que la France respecte le droit des peuples à l’autodétermination ».
Aujourd’hui, il est temps d’oser la Paix, d’avoir le courage d’en finir avec le colonialisme, l’impérialisme, la guerre, que mènent le gouvernement et l’armée française, en France et tout à travers le monde, en notre nom, avec nos impôts. Les Peuples du monde n’ont rien à gagner à cette guerre, à cet « Etat de guerre » permanent qui détruisent nos libertés démocratiques pour qu’une poignée de milliardaires s’enrichissent sans fin. Nous citoyens français n’avons rien à gagner à la militarisation, à l’industrie de l’armement, aux guerres de l’armée française, à l’occupation militaire de l’Afrique, ou au maintien d’un empire colonial moribond. Réduisons nos dépenses militaires au minimum, investissons dans la vie, la santé, l’éducation plutôt que dans les engins de mort ! Osons la Paix, l’éducation à la Paix, à la « culture de la Paix », le pacifisme, l’internationalisme et l’humanisme ! Ce n’est qu’ainsi que nous donnerons un avenir serein à notre planète et à nos enfants !

Pierre-Olivier Poyard (Mouvement de la Paix)
À paraître : « Osez la Paix ! Agir contre les guerres aux Peuples et à la Nature ; cultiver un monde de Paix. » Pierre-Olivier Poyard.

Le chaos en Afrique

Après les indépendances formelles conquises ou octroyées aux divers pays africains dans l’après Deuxième Guerre mondiale, une solidarité inter-impérialiste s’était constituée autour de l’objectif principal des Usa, la lutte contre l’URSS et le bloc communiste.
Depuis l’effondrement de l’URSS, cette solidarité est devenue caduque. Un bloc anglo-saxon conteste la domination économique de la France dans ses anciennes colonies au nom d’une libre concurrence. Les forces françaises et anglo-américaines ne se livrent pas bataille directement. Elles arment, conseillent, financent, forment des armées africaines ou instrumentalisent des groupes et des milices baptisées à l’occasion de terroristes et/ou d’islamistes.

Ce qui semblait être une hypothèse de travail il y a dix ans est devenu une réalité. Le monde unipolaire né de la disparition de l’URSS construit autour de l’hégémonie militaire, idéologique et économique des USA s’est transformé moins de trente ans après en un monde multipolaire.
L’Afrique est désormais un terrain de confrontation entre la Chine devenue le premier investisseur étranger et partenaire économique dans le continent et les Usa avec les anciennes puissances coloniales de l’Union européenne. D’autres acteurs internationaux veulent s’y déployer, Russie, Turquie et Arabie Saoudite et y interviennent pour des raisons géostratégiques ou simplement commerciales.

La nouvelle doctrine militaire des Usa élaborée et publiée en 2018 met l’accent sur ce qu’ils considèrent désormais comme l’ennemi principal, à savoir la Chine au détriment de la guerre éternelle contre le terrorisme déclarée par Bush en 2001. Les intérêts du camp occidental (USA, Europe, Canada, Australie et Japon) divergent le plus souvent pour l’accaparement des ressources et le contrôle stratégique à leur accès. Ils convergent quelquefois pour éliminer de la course de nouveaux concurrents, ils deviennent complices face à la Chine.

Le Soudan, une déchirure programmée

La partition du Soudan n’aurait pas eu lieu sans les efforts appuyés du bloc anglo-saxon et d’Israël. L’entité sioniste y était présente dès 1950, attisant dans le sens du séparatisme les griefs des populations du Sud contre le Nord. Cette alliance devait lui assurer le contrôle des sources du Nil et conditionner l’attitude de l’Égypte à son égard, la paix de Sadate en est en partie le fruit.
Plus tard, l’objectif d’Israël et des Usa consistait à interdire l’émergence d’une puissance régionale. Le Soudan est un pays avec d’énormes richesses en hydrocarbures et doté d’une très grande réserve de terres cultivables.
John Garang, l’ingénieur formé aux Usa, assidûment armé et financé par Museveni, l’auxiliaire étasunien dans cette région, a opportunément trouvé la mort dans un accident d’hélicoptère au moment où il renonçait à la sécession. Le conflit de près de dix ans qui a opposé le successeur de Garang, Salva Kiir, à son adjoint Reik Machar, pour la présidence d’un des derniers États reconnus par l’ONU, le Sud-Soudan, meurtrier et à l’origine de déplacements de population en quête de sécurité, a été très peu médiatisé dans les médias occidentaux dominants. L’exposer invaliderait les explications d’une agression d’Arabes ou de musulmans contre des animistes et des chrétiens, arguments construits par les communicants israélo-étasuniens.
La France se trouvait du mauvais côté, elle a toujours soutenu Omar El Béchir, un ‘islamiste’ honni qui a toujours défendu au moins verbalement la cause palestinienne. Banni pour cette raison et exclu des circuits économiques capitalistes mondialisés par le régime des sanctions américaines, le Soudan s’est tourné vers la Chine pour prospecter et exploiter ses réserves d’hydrocarbures. Pipelines et infrastructures routières furent construits par des entreprises publiques chinoises depuis le Sud enclavé vers l’accès maritime au Nord. Ce fut une raison supplémentaire et décisive pour morceler le Soudan.

Un dernier clou fut planté dans le cercueil d’un Soudan non inféodé au bloc anglo-saxon et israélien, un coup d’État en avril 2019 qui a destitué Oma El Béchir puis lui intente un procès pour le coup d’État auquel il a participé en 1989. Les actuels dirigeants soudanais sont en pourparlers avec les Usa via leurs valets émiratis pour faire abolir le régime des sanctions économiques. Nul doute que sera négociée comme condition l’établissement de relations diplomatiques avec Israël. Son exclusion économique lui a, d’une certaine manière, épargné l’effondrement. Le scénario de l’Irak, précipité dans un trou noir avec disparition des principales fonctions régaliennes n’a pu être joué.

La destruction des États est une doctrine

Les dernières interventions occidentales sur des pays périphériques mettent en évidence que les guerres menées n’ont d’autre but qu’elles-mêmes quitte à aboutir à la disparition de toute structuration sociale autour d’un État organisé.
L’horreur qui s’est déroulée au Rwanda, génocide perpétré contre des Tutsis au lendemain de l’assassinat du président Habyarimana, doit se lire comme une confrontation entre la France et le bloc anglo-saxon autour des richesses du sous-sol de la région des Grands Lacs. La France a perdu.

La République démocratique du Congo, après l’élimination de Mobutu, soutenu par la France et abandonné par sa garde prétorienne composée d’Israéliens, n’exerce aucune autorité sur le Kivu. Là, des bandes et des gangs extraient du minerai, protégées par des milices privées. Le Niobium, métal rare devenu indispensable dans certains secteurs industriels pour sa résistance aux températures extrêmes en particulier, est exporté le plus souvent par avion via le Rwanda et l’Ouganda de manière clandestine depuis des mines du Nord Kivu (En 2016, l’entreprise chinoise China Molybdenum a acquis auprès de la firme britannique Anglo-American ses activités dans le niobium au Brésil qui en est le premier producteur mondial.)

Le pillage est aisé, les États régulateurs ne sont même plus neutralisés grâce à des dirigeants corrompus, l’impérialisme prédateur se charge de leur absence dans des zones déstabilisées. Cette même logique avait clairement présidé à l’organisation du chaos en Irak en 2003, pays destiné à disparaître depuis 1991.
Théorisée par les néoconservateurs étasuniens, elle a sans doute été inspirée par les Likoudniks israéliens qui ont forgé leur politique de défense sur la destruction des pays arabes qui les entourent.

La Libye, un cas d’école

Le cas de la Libye est un prototype de l’intervention des divers impérialismes à la fois ou successivement alliés et aux intérêts contradictoires.
Autrefois pays prospère avec le plus haut indice de développement humain en Afrique, la Libye est située entre la Tunisie et l’Égypte, deux pays où naissent deux révoltes populaires imprévues par les services de renseignement occidentaux. L’ampleur de ces insurrections va aboutir à la chute de deux dictateurs appuyés par les puissances occidentales.
Il devenait urgent de garder la main sur un pays SANS DETTE souveraine, riche en pétrole et non inféodé. Des centaines de milliers de migrants économiques et climatiques sub-sahéliens y trouvaient un emploi.

Une guerre contre la Libye donnerait un coup d’arrêt net à la propagation de mouvements révolutionnaires dans la région qui concrétiseraient une véritable indépendance et évinceraient les néo-colonisateurs. L’ambition du chef d’État libyen de créer une monnaie adossée à l’or, commune à plusieurs pays africains qui les aurait libérés de la monnaie CFA héritée du système colonial émis par la Banque de France contre des garanties exorbitantes semble avoir été une motivation de plus pour l’intervention de l’Otan appuyée par des pays du Golfe, particulièrement le Qatar.

Sous prétexte de protéger les populations civiles d’un massacre totalement imaginaire, l’intervention militaire de la France, du Royaume-Uni et des Usa a abouti à un véritable chaos dans la région et à l’existence de deux gouvernements rivaux. Celui de Tripoli, dit gouvernement d’accord national (GAN) et reconnu par l’ONU en décembre 2015, est tributaire de nombre de milices pour assurer la sécurité sur un périmètre qui pendant longtemps n’a pas excédé la capitale. Le GAN contrôle la National Oil Company of Libya. Il est soutenu par l’Italie et l’Allemagne. Et la Turquie. Et les USA. Et le Qatar.

Celui établi à Tobrouk, dirigé par le général Haftar, a mis la main sur le croissant pétrolier autour de Benghazi grâce à son armée nationale libyenne. Avec l’aide de diverses milices et l’enrôlement de quelques tribus, il contrôle de la ville de Sebha, point nodal pour tous les trafics et la sécurisation des infrastructures militaires et pétrolières et le champ pétrolifère de Sharara.
Haftar reçoit l’appui de la France depuis 2016, appui politique et probablement militaire sous prétexte de lutte contre une centaine de djihadistes dans le cadre de l’opération Barkhane où près de 4 000 soldats français sont présents dans les cinq pays du Sahel depuis 2014. Soutenu par la Russie. L’Égypte et les EAU. Et la France.

Le groupe pétrolier italien ENI est très impliqué en Libye depuis 50 ans. Sharara est exploité par divers groupes occidentaux dont le Français Total et l’autrichien OMV. L’Italie accuse la France d’être responsable du chaos survenu en Libye. Elle lui reproche de plus de faire fermer aux migrants les frontières franco-italiennes et de refuser l’accès aux ports français des navires des ONG chargés de refugiés en détresse.

Mais la discorde libyenne, c’est surtout l’affrontement sur des intérêts pétroliers, la France défend le groupe Total et l’Italie ENI, d’autant que la Libye est une ancienne colonie italienne. Berlusconi qui avait signé des contrats économiques d’importance en 2008 avec la Jumhuryia socialiste arabe libyenne en 2008 qui lui réservait l’exploitation du quart de son pétrole et du tiers de son gaz était au départ réticent à emboîter le pas à Sarközy dans son ambition de conquête destructrice de la Libye.
L’affrontement entre les deux pays, membres fondateurs de la CEE devenu l’UE, indique l’acuité de la lutte d’influence et celle de la concurrence économique entre deux voisins européens.
L’Italie abrite deux commandements avoués de l’armée américaine, celui de Vincenze pour les forces terrestres et de Naples pour les forces navales Us pour l’Europe et l’Afrique, sans compter une centaine de bases pour des drones et des dépôts de munitions en particulier une soixantaine d’ogives nucléaires. Trump félicite l’Italie pour sa politique de restriction migratoire et affirme publiquement la primauté de Rome sur Paris dans le dossier du pétrole libyen.

Les frappes américaines en Libye ont commencé très tôt, dès 2011, mais l’activité a connu une intensification à l’été 2016 à la demande de Fayez al Serraj qui a déclaré avoir restreint l’aide à des frappes limitées dans le temps et ciblées sur les poches de terroristes à Syrte. D’après l’organisme Airwars, Syrte a été le champ d’expérimentation de frappes de drones en milieu urbain en coopération avec des forces locales et étasuniennes. Leur nombre et leur rythme ont été bien plus conséquents que celles qui ont visé l’Irak ou la Syrie.
Menées depuis des territoires éloignés de ceux où ces opérations sont effectuées, elles sont le plus souvent tenues secrètes. De plus, l’administration Trump a assoupli les restrictions sur les frappes de drones menées en dehors des zones de conflit armé. Le dossier épais et à entrées multiples de la ‘crise libyenne’ a été remis sur le métier par l’Union africaine en février 2019.
Son 32ème sommet à Addis Abeba s’est achevé sur le projet de rétablir un dialogue inter-libyen en juillet. Les Africains reprennent la main et bousculent le représentant de l’ONU, Ghassan Salamé, l’homme de la France.

La fondation allemande pour la science et la politique (SWP) recommande au gouvernement de Berlin d’abandonner Tripoli pour Haftar, maître actuel des ressources pétrolières. Dans cette équation libyenne à multiples inconnues, dont le nombre lui-même est indéterminé tant les acteurs abondent depuis Sissi jusqu’à Idriss Déby maintenant entiché de Netanyahou, à Alger l’encore fier chantre de la décolonisation et manipulateur de la cause des Touaregs au Mali et Mohammed VI lui-même qui vient d’affirmer ‘la sécurité des pays arabes revient aux Arabes’, le Qatar et la Turquie embusqués derrière al Sarraj, les Émirats arabes unis et les Bédouins du Nedjd à peine camouflés derrière Haftar, l’anti-Frères Musulmans, le jeu reste ouvert. La Russie et l’Égypte se tiennent derrière Haftar depuis au moins 2016.

La France de Macron a poursuivi la politique de soutien à Haftar entamée sous Hollande. Fournitures de renseignements tactiques, appuis de conseillers du service action de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, dans des opérations où trois agents ont perdu la vie en 2016 dans le crash d’un hélicoptère de l’ANL abattu par un tir ennemi. Officiellement, ils étaient engagés dans la lutte contre les terroristes, mais la « frontière » est quasi inexistante entre ce type de missions et l’intégration dans un dispositif militaire rebelle en pleine guerre civile entre milices, qui abriteraient des djihadistes disséminés dans les villes qu’elles contrôlent.
Difficile de soutenir que cette présence militaire est censée tarir les renforts supposés de djihadistes qui, depuis leurs bases arrière du Sud libyen, traverseraient le désert nigérien pour atteindre le nord du Mali. La position tenue par les Français à Madama dans le Nord du Niger à la frontière libyenne a été abandonnée, faute de terroristes, en juillet 2019. Les missiles Javelin français retrouvés début juillet dans un PC du maréchal dans la ville de Guaryan reprise par les forces armées du GAN ont mis encore une fois les autorités françaises dans l’embarras.

L’intervention appuyée de la Turquie au GAN depuis janvier 2020 a permis le recul militaire et politique du général Haftar qui avait lancé une offensive meurtrière contre Tripoli en avril 2019 d’une durée de 14 mois avec le soutien de l’Égypte, de la Russie, des Émirats arabes unis et de la France. Celui-ci a aussitôt décrété un blocus des champs et des ports pétroliers.

Haftar a mis fin au blocus le 18 septembre faisant face à des protestations populaires contre la corruption, les coupures d’électricité, les pénuries d’essence et de liquidités. Répondant à la démission du 1er Ministre du gouvernement de Tobrouk le 13 septembre, Fayez Al Serraj nommé après les accords de Skhirat en 2015 sous l’égide de l’ONU se propose de démissionner fin octobre.

Le Mali, victime de la France

Depuis décembre 2019, des manifestants à Bamako, Niamey et Ouagadougou scandent : La France dehors ! La France État terroriste !

Maliens Nigériens et Burkinabés sont conscients que l’ingérence militaire française aggrave les tensions dans leur pays et ne sert que les intérêts du capitalisme français.
La France anime le MNLA, le Mouvement national pour la Libération de l’Azawed qui ne représente qu’une minorité des Touaregs qui sont loin d’être tous des séparatistes. Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les Touaregs, nomades exerçant une activité pastorale, exigeaient au contraire d’être considérés comme des citoyens à part entière et d’être intégrés dans les programmes de développement national.

Lors de la rébellion de 2012 qui a mis fin au gouvernement de Amadou Toumani Traoré, l’armée malienne sous-équipée n’a pas reçu le matériel bloqué aux ports de Dakar et de Conakry sur ordre de la France par les dirigeants des pays de la CEDEAO. Paris avait besoin de déployer l’opération Serval, puis Barkhane sous prétexte de venir en aide à un pays qu’elle désarme pour le protéger de groupes rebelles qu’elle arme.

Les Usa, contraints de maintenir l’AFRICOM en Allemagne pour les forces aériennes et en Italie pour les forces navales et terrestres devant le refus poli de tous les pays africains de l’abriter, ont mis à profit Serval pour construire la base d’Agades au Niger pendant que la France a renoncé à rester postée à Manama.
Le Nord du Mali, en plus d’avoir des frontières très proches des mines d’uranium nigériennes exploitées par Areva, renferme des richesses minières potentielles, ‘niche de croissance’ selon le patronat français. C’est aussi un vaste territoire semi-désertique sur lequel les nomades ont des aires de pâturage de plus en plus étroites en raison des modifications climatiques.
Depuis la dissémination des armes dans le sud du Sahel après la destruction de l’État libyen, des groupes de plus en plus nombreux vivent de trafics, de contrebandes et de rançons. Ils se substituent à l’État pour assurer la sécurité, celle du bétail en particulier.
Étouffé par une dette illégitime, le Mali ne peut plus assurer ses fonctions régaliennes, ses maigres ressources sont accaparées par le personnel politique qui favorise chacun son clan et sa famille.
Serval et Barkhane sont des Opex (opérations extérieures) qui ne peuvent apaiser les tensions entre les différentes ethnies, elles ont été créées pour les aggraver. Cette présence militaire est vécue comme une occupation coloniale par les Maliens.
D’où le mouvement populaire qui exige le retrait de l’armée française. Il est temps que les Français se lèvent pour appuyer cette revendication, même si l’on sait que l’impérialisme sait œuvrer par des voies non militaires, la tutelle monétaire et l’endettement sont des moyens tout aussi aussi prédateurs.

Badia Benjelloun (ANC)

Les menées françaises au Sahel dans la continuité des interventions militaires néocoloniales en Afrique contre la liberté et la souveraineté des peuples.

Depuis les « indépendances sans souveraineté » octroyées dans les années soixante, on assiste à de multiples tentatives néocoloniales et impérialistes de redéploiement stratégique et idéologique. À rappeler notamment que, depuis les années soixante, l’impérialisme dans son ensemble n’a eu de cesse de balkaniser le continent africain, à commencer par le Niger et le Cameroun jusqu’à la Libye et au Soudan récemment : c’est toujours dans cette optique que se situe la volonté actuelle de diviser le Mali.
Depuis les années soixante-dix, on assiste à des réorganisations tendancielles en série des procès néocoloniaux dans les anciennes colonies y entretenant des CHAOS PERMANENTS – « CHAOS ORGANISÉS » – avec le soutien à des coups d’état, des ajustements structurels (sous l’injonction de la Banque mondiale, du FMI et de l’OMC), des mainmises économiques via une ruée massive des multinationales sur les ressources naturelles etc.

Ces chaos permanents appliquent notamment, à partir des années quatre-vingt, les principes néolibéraux posés par le Consensus de Washington. Dans la période actuelle, l’instrumentalisation de l’islamisme djihadiste contribue à cette multiplication-amplification des chaos organisés.
Les ingérences militaires françaises depuis six décennies ponctuent cette politique de chaos organisés et ne doivent pas en être dissociées. Les ingérences militaires françaises dans les anciennes colonies ont fait constamment partie du redéploiement impérialiste global sur le continent : en effet, dans les décennies qui ont suivi le moment des indépendances accordées aux colonies françaises, d’autres peuples sont également devenus indépendants, dont ceux des colonies portugaises, après la chute du dictateur Salazar, et le peuple sud-africain lui a vaincu l’apartheid. Reste, soixante ans plus tard, à achever la décolonisation du Sahara occidental.

Une soixantaine d’interventions militaires françaises dans 26 pays d’Afrique
Les indépendances donc n’ont pas mis un terme à l’ingérence militaire française en Afrique. Les accords secrets, dits « de défense et de coopération », passés avec la plupart de ses anciennes colonies ont permis à la France d’y envoyer la troupe et l’aviation, sous des prétextes divers mais peu variés : « protection des ressortissants français » « maintien de la stabilité face au risque de chaos », quand bien même s’agissant de la « stabilité » des pires dictatures. La France n’a d’ailleurs pas hésité à sortir de son pré carré pour étendre son influence à d’autres pays que ses anciennes colonies (Zaïre-RDC, Burundi, Rwanda, Guinée équatoriale).

Ces interventions militaires ont eu pour effets de maintenir sur leur siège des chefs d’Etat contestés ou de les en éjecter, voire de les assassiner. Ce fut aussi le moyen de porter des coups graves aux oppositions « indésirables », dont nombre de dirigeants ont été assassinés. Les grands groupes comme Bolloré, Total, Orange, Bouygues, Areva etc. ont pu poursuivre leurs affaires en Afrique. Mais tous ces déploiements guerriers n’ont apporté ni la paix ni la stabilité dans les pays concernés et le pire est arrivé avec la désastreuse aventure militaire de Sarkozy en Libye : elle a conduit à la dissémination de l’arsenal d’armement dans les mains des groupes islamistes et de leurs alliés touaregs du MNLA, qui ont pris rapidement sous leur coupe le Nord du Mali, ce qui n’est pas pour déplaire à la France qui a toujours espoir de voir se réaliser le rêve de De Gaulle d’un « État sahélien » à sa botte.

« Feuille de route » de la Grande muette intervenant dans les anciennes colonies
Aux opérations des diverses unités de l’armée sont venues s’ajouter celles du COS (Commandement des Opérations Spéciales) placé sous l’autorité directe du Président de la République.
L’opération Barkhane est en quelque sorte la fille naturelle de cette stratégie. Mise en place officiellement « pour une meilleure réactivité face à la menace terroriste », son déclenchement n’a pas été présenté au vote du Parlement, pas plus que sa prolongation au-delà de quatre mois comme le prévoit la Constitution française. Les unités de quelques 5000 soldats actuellement présentes se déploient à leur guise depuis août 2014 dans les cinq pays de la bande sahélienne. Barkhane est même un obstacle pour l’armée malienne qui n’a pas accès au Nord du pays ni à Kidal où les groupes armés du MNLA circulent comme certains groupes terroristes.

L’occupation militaire du Sahel et le soutien non dissimulé au MNLA (qui revendique l’indépendance du Nord Mali) ne sont pas sans rapport avec les richesses que recèle la région en matières premières (uranium, or, pétrole…). Le soutien non dissimulé de Paris au MNLA fut un obstacle durant six ans à la présence de l’État malien à Kidal ; après en avoir été délogée par des groupes touaregs et le MNLA qui en avait fait son fief, l’armée malienne s’y est néanmoins réimplantée le 13 février 2020, escortée par les Casques bleus et les avions de la MINUSMA.

Réponse militaire à une question de politique économique et sociale
Le chaos organisé auquel on assiste affaiblit le rôle des États, jusqu’à leur déliquescence pour certains, devenus incapables d’assumer leurs fonctions régaliennes de protection des frontières, des services d’éducation et de santé.
Les six présidents successifs de la Vème république ont chacun à leur actif un lot d’interventions militaires néocoloniales en Afrique.

En 1960, sous Charles de Gaulle (1958-1968), quand la France concède l’indépendance à 17 de ses colonies, elle mène la guerre depuis cinq ans contre les mouvements indépendantistes du Cameroun et d’Algérie.
- 1955-1962 : Guerre coloniale en Algérie, officiellement « Opération de pacification ».
-   1957-1971 : Guerre coloniale au Cameroun pour permettre l’installation d’un régime fantoche puis répression sur les populations qui soutiennent l’UPC (Union des Populations du Cameroun), anéantissement des maquis, exécution de dirigeants.
- Sous Charles de Gaulle, l’armée française est intervenue aussi dans 8 autres pays : au Gabon, au Congo, au Tchad, en Mauritanie, en Tunisie, au Sénégal, au Niger, en Centrafrique…
Sous Georges Pompidou (1969-1974), l’armée française est intervenue en 5 opérations, toutes au Tchad…
Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) a mené 11 opérations dans 7 pays : à Djibouti, au Zaïre, au Sahara occidental, en Mauritanie, au Tchad, en Centrafrique, en Tunisie…
François Mitterrand (1981-2002) a mené 23 opérations dans 14 pays : au Tchad (plusieurs fois), en Libye, au Togo, aux Comores, au Gabon, au Rwanda (plusieurs fois), dans le Golfe de Guinée, au Zaïre, à Djibouti (plusieurs fois), au Bénin, en Somalie, au Burundi, au Zaïre, au Yémen…
Jacques Chirac (2002-2007) est intervenu en 14 opérations dans 9 pays : aux Comores, au Cameroun, en Centrafrique (plusieurs fois), au Congo Brazzaville, au Sierra Leone, en Guinée-Bissau, en RDC, à Djibouti, en Côte d’Ivoire (deux fois, l’opération Khaya et l’Opération Licorne)…
Nicolas Sarkozy (2007-2012) est intervenu en 7 opérations dans 9 pays : en RDC, au Tchad et en Centrafrique, à Djibouti, dans le Golfe d’Aden aussi, en Mauritanie puis au Mali, en Libye et en Côte d’Ivoire....
François Hollande (2012-2017) est intervenu en Libye, au Mali, en Centrafrique… puis il y a eu en 2014 l’Opération Barkhane, avec positionnement de plusieurs milliers de soldats dans cinq pays de la région sahélienne : Tchad, Mali, Niger, Mauritanie et Burkina Faso… opération qui a fusionné avec les Opérations Epervier et Sabre… officiellement « pour une meilleure réactivité face à la menace terroriste », avons-nous déjà noté.
Le président actuel, Emmanuel Macron (2017- ) a déjà à son actif 2 interventions :
- le 3 février 2019 : Suite à l’appel du président Déby, bombardement par la force aérienne basée au Tchad, appuyée la force Barkhane, de la rébellion de l’UFR (Union des forces de la résistance) en route pour Ndjamena.
- en février 2020 – Mise en place au Mali de la Task Force Takouba, une unité de commandos européens annoncée par la ministre française des armées en novembre 2019.
En conclusion, les pays aux ressources naturelles les plus riches, mais aussi les pays les plus déstabilisés, sont aussi ceux qui ont « bénéficié » le plus des interventions militaires françaises : le Tchad, la RDC, la Centrafrique, le Mali…

Jean Claude Rabeherifara (AFASP) 

Vive la seconde phase de la libération africaine

Salut et merci fraternel panafricain et internationaliste de Ferñent/L’Étincelle du Sénégal à votre initiative contre l’occupation militaire du Mali et du Sahel par l’armada française.

En effet l’impérialisme français, après avoir assassiné le leader Libyen Kadhafi et détruit la Libye avec l’OTAN dans le prolongement des guerres dites de "faibles intensités" contre les États et pays laïcs en alliance avec les Monarchies des pétro-dollars salafistes et wahhabites, occupe militairement tout le Sahel pour préserver la mainmise et le pillage de ses firmes transnationales sur les matières premières stratégiques que sont l’uranium qui produit 40% de l’énergie en France, le pétrole, l’or, le coton, etc…

Le multilatéralisme, impulsé par le développement économique, social et populaire des rescapés du camp socialiste que sont la Chine Populaire, Cuba véritable puissance en matière de santé, de la Corée du Nord et du Vietnam ainsi que les expériences anti-libérales et anti-impérialistes en Amérique du Sud, fait évoluer peu à peu le rapport des forces en faveur du monde du travail et les peuples.

Et au Mali le peuple se réveille contre le néocolonialisme et se mobilise autour du mot d’ordre "Troupes de l’impérialisme Français, hors du Mali". Il est donc fondamental que les internationalistes français soutiennent ce mot d’ordre parce que ce sont les mêmes qui éborgnent, arrachent les mains et répriment les Gilets Jaunes, les luttes syndicales, principalement CGT et les mobilisations contre le racisme et l’islamophobie en France qui occupent militairement le Mali et le Sahel pour maximiser les profits des actionnaires du grand capital monopoliste du Medef et du CAC40.

Au Mali, la révolte populaire a été prolongée par le renversement par l’armée du pouvoir corrompu servile à la françafrique d’IBK. Il faut absolument prendre conscience qu’en Afrique l’actuelle rébellion de la jeunesse, surtout intellectuelle, après une période d’illusion sur la "mondialisation", est le début de la seconde phase de libération nationale pour la sortie du néocolonialisme.

Comme il a été rappelé, la lutte des classes ici et la lutte anti-impérialiste coupent les tentacules de la pieuvre impérialiste selon la belle formule imagée de Hô Chi Minh et l’affaiblit rendant ainsi possible le renversement de la dictature de classe de la bourgeoisie dans le centre et le néocolonialisme à la périphérie du système impérialiste.

Il nous faut jeter un pont de solidarité internationaliste entre les combats sociaux et politiques anticapitalistes ici et les combats pour en finir avec l’oppression néocoloniale en Afrique.

Troupes françaises, hors du Mali, du Sahel et d’Afrique !
Stop aux guerres de l’OTAN !
Vive la seconde phase de la libération nationale africaine !

Roland Diagne (Fernent/L’Étincelle du Sénégal)

Pour un véritable mouvement anti-impérialiste commun capable de soutenir les luttes pour l’indépendance des colonies françaises.

Chers camarades

J’apporte le salut fraternel du Rassemblement Communiste à votre initiative contre les interventions militaires françaises à l’étranger et pour le retour de toutes les troupes françaises dans l’hexagone.
Ce type de mobilisation est plus que jamais nécessaire au moment où la crise du système impérialiste mondial le pousse vers de nouvelles guerres pour l’accaparement des sources d’énergie et de minerais stratégiques.
Hô Chi Minh disait que l’impérialisme est une pieuvre dont les tentacules doivent être coupées par les luttes dans les métropoles impérialistes et par les luttes des peuples pour l’indépendance.

La nouvelle phase de mondialisation capitaliste que nous subissons depuis la disparition de l’URSS se traduit par une exacerbation de la concurrence à un niveau inégalé jusqu’à aujourd’hui. Chaque fraction nationale du capital financier tente de contrebalancer sa baisse structurelle du taux de profits en minimisant au maximum le coût de la force de travail et des matières premières. Cette logique commune les pousse à la confrontation et à la guerre.

Camarade un simple regard sur les guerres de ces trois dernières décennies soulignent leur caractère impérialiste.
Pour simplifier nous pouvons les classer en trois grandes catégories :

-  Des guerres pour s’accaparer une source énergétique ou de matière première ;
-  Des guerres pour maîtriser un espace stratégique permettant de contrôler d’autres sources ;
-  Des guerres pour empêcher un concurrent d’accéder à ces sources.

Il en découle inéluctablement une multiplication des guerres partielles et la réunion progressive des conditions d’un conflit généralisé.

L’impérialisme est d’autant plus porteur de guerres qu’il est aussi confronté à la concurrence des pays dits « émergents » et en premier lieu de la Chine. L’apparition et le développement de ces pays élargissent les marges de manœuvres des pays dominés pour s’opposer à la prédation impérialiste. C’est pourquoi l’impérialisme suscite certaines guerres pour isoler, affaiblir, déstabiliser, balkaniser, etc. ces pays.

La France officielle est à une place particulière dans ce contexte global. Elle est d’autant plus agressive qu’elle a perdu du terrain ces dernières décennies face au concurrent allemand.

Elle est de ce fait un des impérialismes les plus présents dans les guerres et ingérences impérialistes. Du Mali à la Syrie et du Liban à l’Irak les soldats français ont participé à la plupart des guerres contemporaines. Cela nous donne une responsabilité particulière.

L’action commune pour exiger le retrait des troupes françaises de tous les terrains où elles sont présentes est la contribution internationaliste que nous devons apporter à la paix mondiale.
Il en est de même de l’exigence de l’arrêt de la vente d’armes françaises qui est une autre de nos mobilisations nécessaires.

Pour toutes ces raisons votre journée revêt une grande importance. Elle doit nous inciter à intensifier notre mobilisation internationaliste pour aller vers la construction d’un véritable mouvement anti-impérialiste commun capable de soutenir les luttes pour l’indépendance des colonies françaises, exiger la fin du commerce des armes françaises, le retour de toutes les troupes françaises dans l’hexagone.

Saïd Bouamama (RC) 

N°12 " Plus aucun soldat Français en Afrique"

10 Octobre 2020

   

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