Quel cadeau pour noël ?

Raison de plus pour profiter au maximum des fêtes familiales de fin d’année, éclairées par les liens familiaux et amicaux que depuis un an, nos dirigeants libéraux et leurs porte-paroles médiatiques travaillent à détruire sous le drapeau de la " distanciation sociale ", cette apologie sans complexe de l’individualisme et de l’égoïsme.

Noël, le Jour de l’An, c’est le temps des cadeaux, et on m’excusera d’ajouter qu’ils peuvent être intelligents, apporter à ceux que nous aimons un peu plus de raison, de connaissances du passé et de compréhension de leur présent, et de refus des bêtises ambiantes.

En ce sens, je signale à ceux de nos lecteurs qui ne le savent pas encore, la parution aux éditions Cercle d’Art d’un livre magnifique, rassemblant sur près de 300 pages des dizaines d’illustrations qui racontent deux siècles de l’histoire coloniale de notre pays ([Alain RUSCIO. " Quand les civilisateurs croquaient les indigènes ". éditions cercle d’Art 2020. 39€
A. RUSCIO, historien, a publié de nombreux ouvrages sur l’histoire coloniale de la France, et notamment la Guerre d’Indochine, et le leader vietnamien Ho-Chi-Minh.]).

Pas avec les hauts faits des conquérants européens contre les méchants révoltés incapables de comprendre le bonheur qu’on vient leur apporter. Mais sous la forme plus accessible au commun des lecteurs, "humoristique", de caricatures issues de journaux, de publicités. Elles sont le miroir des mentalités dominantes dans un pays, la France, qui a été une des grandes puissances coloniales du Dix-Septième siècle esclavagiste au Vingtième Impérial qui ne valait pas mieux, avec ses massacres et tortures en Indochine et Algérie, sur fond d’exploitation sordide des peuples d’Afrique et d’Asie.

Depuis que les gouvernants " Blancs" de France et d’Occident ont eu la maîtrise des mers et la supériorité militaire conférée par la Révolution industrielle, et qu’ils en ont profité pour soumettre les peuples d’Afrique et d’Asie à leurs lois et en exploiter les richesses, ils ont inventé et popularisé des justifications de leur actions.

En prétendant faire profiter les esclaves noirs déportés des " Lumières du Christianisme", d’abord, puis leurs fils colonisés des progrès de la modernité. Et s’ils ne comprennent pas à quel point ils ont cette chance d’être soumis et pillés, c’est dû à l’infériorité inscrites dans leurs gènes, et exprimée par leur couleur de peau.
Telle est l’origine des racismes, nés pour justifier la déportation aux colonies américaines des noirs africains, et devenus plus virulents encore quand la IIIème République conquit son Empire : elle laissa le soin à ses savants et enseignants rationalistes d’expliquer aux jeunes Français la hiérarchie des races et des cerveaux et des couleurs de peau.

C’est ainsi que dès 1900, la majorité des écoliers et leurs parents se voyaient, parce que blancs, la plus intelligente race, supérieure en tous points des " Arabes " et Musulmans, moralement pervers au point de se prétendre blancs. Supérieurs aussi des Asiatiques, ces "Jaunes" dont les yeux bridés disent la fourberie, eux-mêmes supérieurs des "primitifs" à la peau noire, à peine différents de "nos frères inférieurs ", les singes.

Les images qui, par centaines, ont été rassemblées dans ce livre par l’historien Alain RUSCIO, illustrent cette séculaire ignominie française, le racisme colonial, qui dégoulinait de presque tous les journaux. En toute ingénuité, et même avec humour, en caricatures "hilarantes."

Car n’en déplaise aux naïfs qui voient en Macron, Darmanin et consorts de fermes défenseurs de la Liberté d’expression, les caricatures ne sont pas toujours innocentes. Elles ont pu en 1942 faciliter les déportations de Juifs vers les mouroirs nazis. Et celles dénoncées a juste titre par le commentaire de Ruscio ont parrainé les crimes coloniaux.

Elles sont moins fréquentes dans la France actuelle, et c’est heureux. Mais il suffit de tendre l’oreille à certains propos dans les rues de nos villes pour constater qu’elles empoisonnent encore l’atmosphère, Et se traduisent en votes pour la Droite Extrême. Et imprègnent certains actes de nos policiers, générant les contrôles au faciès et les tabassages qui, parfois, les suivent.

L’offensive policière très médiatisée de Monsieur Darmanin contre 70 mosquées françaises, comme si elles étaient des fabriques de terroristes, est aussi insultante pour les Musulmans français de 2020 que les publicités Banania de 1950 pour les Africains.

La bête immonde vit encore, et ceux qui au pouvoir la cultivent en jurant leurs grands dieux qu’ils sont "blancs comme neige" font craindre le pire, si le peuple français ne sait les mettre à la raison. L’ouvrage de l’ami Ruscio est un beau livre, et une salutaire leçon d’histoire à méditer.

Francis Arzalier
Decembre 2020

Quand les civilisateurs croquaient les indigènes. Dessins et caricatures au temps des colonies

Dans cet ouvrage très richement illustré, les historiens Alain Ruscio et Marcel Dorigny décryptent la façon dont les colonisateurs caricaturaient les « indigènes » entre 1830 et 1962. Portant sur l’ensemble des colonies, du Maghreb à l’Afrique noire et à Madagascar, de l’Indochine aux îles du Pacifique, le livre éclaire les documents en les remettant dans leur contexte historique.

Propagande qui exalte l’héroïsme des soldats, images de massacres au nom du drapeau français : les manuels scolaires, discours politiques, expositions coloniales, chansons et films sont censés rallier l’opinion.
Les tenants des races « supérieures » développent le sentiment d’être investis d’une mission — écoles, dispensaires, hôpitaux, grands travaux —, mais… « la colonisation ne fut pas une œuvre altruiste ».

Les mouvements anticolonialistes sont présents, notamment avec l’action des milieux libertaires — dont les journaux menèrent la guerre du trait —, puis celle des communistes.

Arezki Metref (https://www.monde-diplomatique.fr/2020/12/METREF/62575)