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La revanche des campagnes ?

lundi 14 décembre 2020 par Francis Arzalier (ANC)

Un titre et un sujet stimulants du Monde Diplomatique de décembre 2020, qui serait plus pertinent encore s’il était suivi d’un point d’interrogation. Car l’ensemble de l’article de Benoit Bréville démontre sans ambiguïté que ce thème ressassé par les " grands médias" qui font l’opinion française, du Figaro aux chaînes de télé, est une contre-vérité.

Les conséquences de la crise du COVID et plus encore de la peur fabriquée délibérément par l’appareil d’État, ont entraîné une fuite des catégories aisées, logées pour l’essentiel dans les grandes villes, vers les résidences secondaires des zones peri-urbaines. Deux faits seulement suffisent à le prouver :
1/ en mars-avril dernier, 450 000 Parisiens intra-muros (le quart au moins !) ont quitté la Capitale pour rejoindre leur résidence secondaire, une maison avec jardin qui leur a permis de résister sans trop de mal au confinement. Cela grâce à ces deux piliers du " monde d’après ", le télé-travail et l’achat en ligne. Une maison parfois ancienne, avec jardin au coeur des prairies et des champs, mais souvent aussi un achat récent, une ancienne ferme aménagée.

Les zones de banlieue parisienne lointaine, comme le Vexin rural, plateaux limoneux à l’Ouest du Val d’Oise, ou ceux du Sud du département de l’Oise, autour de Meru, ont connu ces mois derniers une véritable ruée spéculative immobilière. Et ce phénomène n’est pas que francilien, on le constate dans toutes les régions de France, au large des métropoles que fuient une partie de leurs " élites", sevrées de ce qui en faisait le charme pour eux, les cafés et restaurants, les musées et magasins de luxe.

Ce n’est d’ailleurs pas nouveau dans l’histoire de l’Europe et de la France, à chacune des grandes épidémies d’autrefois, peste médiévale ou choléra du XIXeme siecle, une partie des plus aisés quittaient temporairement les villes.

Il n’en fallait pas plus, en tout cas, pour que les thuriféraires habituels des dogmes libéraux,
nous disent : Vous voyez bien que l’inégalité dénoncée par les Gilets Jaunes entre les métropoles bourgeoises et les zones rurales abandonnées aux pauvres, n’est plus, contredite grâce au COViD
(Et au règne de messieurs Macron et Castex) en exode rural à l’envers et revitalisation des campagnes.

Ce qui est un contresens total, car il s’agit en fait d’une emprise plus large des métropoles, au profit des plus riches de leurs habitants. Ce départ vers les maisons de campagne n’est pas le fait des migrants pourchassés de rue en rue dans paris extra muros, ni des populations pauvres, souvent nées de l’immigration, concentrées dans les ghettos banlieusards de l’est parisien.

Parallèlement, les zones rurales dépeuplées de services publics et d’emplois sur place ne le seront pas moins suite à l’apport de résidences secondaires, que ce soit en Val de Loire, en Provence, ou en Bretagne.

Un exemple régional précis peut aider à vérifier ces données nationales, celui du département de la Lozère, qui a défrayé la chronique parce qu’il est en Décembre 2020 un des plus touchés par la propagation du COVID, alors qu’il l’était très peu cet été. Ce département est disparate, avec une bordure sud faite des montagnes cévenoles, au-dessus des plaines languedociennes. Tout le reste de la Lozère est constitué de plateaux calcaires (les Causses), granitiques (Margeride) ou volcaniques (Aubrac) entre 600 et 1500 mètres d’altitude, creusés de multiples vallées plus ou moins profondes (le département faillit s’appeler "Des Sources" en 1790), couloirs de circulation et de peuplement.

S’il fallait un exemple parfait de France rurale, cette "montagne à vaches et à brebis" pourrait l’être : département le moins peuplé avec ses 77 000 habitants, moins aujourd’hui qu’au XVIIIème siècle ( ! ), il a subi à l’envers la " révolution industrielle" du XIXème siècle. Alors qu’elle concentrait usines et populations ouvrières en Ile de France ou Nord-Pas de Calais, elle tuait le tissage des laines (les serges) en Lozère, qui, jusque-là, s’exportaient jusqu’au Levant.

Car cette " révolution", encadrée par les lois du Marché capitaliste, concentrait les activités et les hommes en certains lieux pourvus de matières premières, et vouait parallèlement les paysanneries à l’exode rural. Ce fut le cas de la Lozère, qui peupla tout au long du XIXème siècle en ouvriers les mines languedociennes et les usines à Saint Étienne et Clermont Ferrand, et en cafetiers-bougnats la Région parisienne.

Mais jusqu’au cœur du siècle 20, y prospérait dans un semis de villages besogneux une société paysanne de petits propriétaires, quasiment autarcique dans sa pauvreté, confite dans ses traditions communautaires et son conservatisme social et religieux. C’est seulement après la deuxième guerre mondiale qu’elle se déstructura : on y vit disparaître en un demi-siècle les trois quarts des exploitations agricoles, les quelques activités industrielles (bois de mines), les services publics (la poste, les écoles primaires et les curés) et les petits commerces essentiels (boulangeries, cafés-épiceries).

Durant tout le XXème siècle, Le Curé desservant la paroisse et l’instituteur laïque du village s’étaient livrés à une véritable Guerre Froide, notamment pour le contrôle du Secrétariat de mairie. Elle s’est terminée entre 1960 et 2000 par la disparition des deux protagonistes. Les trois quarts des maisons d’école sont devenus "gîtes ruraux" et alors que la Lozère en 1900 exportait prêtres et religieuses jusqu’en Afrique, il ne reste un prêtre desservant que pour 10 paroisses !

Et dans cette nouvelle économie exsangue (" le secteur médico-social, premier employeur du département avec 27 établissements pour personnes âgées et une cinquantaine pour personnes en situation de handicap. Soit près de 5 600 emplois, loin devant le tourisme et ses 3 600 emplois permanents, l’agriculture ou l’industrie." Le Monde,24/11/2020), les villages n’ont cessé d’accueillir des résidences secondaires, qui semblaient leur redonner vie. Mais ce n’était bien sûr qu’un faux semblant.

Cet été 2020, le nombre de touristes fut inusité, on y venait d’un peu partout respirer "le bon air des montagnes" (dixit Castex), épargné par la contagion, semblait-il. Et les maisons se vendaient comme des petits pains, faisant flamber les prix des vieilles fermes à reconstruire : Ce qui ne trouvait pas preneur jusque-là à 30 000€ se disputait alors à 150 000 !

Cette mini-ruée spéculative ne change rien à la disparition acquise des bureaux de postes, des commerces de proximité, etc. Les quelques villageois qui restent durant l’hiver, s’ils ne sont pas retraités, vont travailler en voiture a des dizaines de kilomètres, et y font leurs courses au supermarché. Au village, on ne se connait guère, et on se parle peu. Les résidus de vie sociale se concentrent dans les bourgs et les petites villes de quelques milliers d’âmes, et la peur du COViD n’a rien arrangé, depuis que le virus s’est répandu cet automne. Une flambée épidémique qui a trouvé un terrain propice à la transmission dans les EHPAD et les établissements pour handicapés.

On nous rétorquera que la Lozère est un cas limite. En fait, elle n’est vis à vis de la
"revanche (imaginaire) des campagnes" que le miroir grossissant d’une réalité française gravissime, l’aménagement du territoire au profit des seuls privilégiés des métropoles, selon les règles implacables du Capitalisme libéral.

Face à cette réalité inégalitaire, et pour empêcher ses victimes d’en prendre conscience, il ne reste plus au Pouvoir d’État et ses idéologues médiatiques que deux moyens, utilisés tour à tour par nos gouvernants :
1/ la dérive autoritaire et policière, la mise sous surveillance des citoyens, abrutis de peur et infantilisés, en remettant au goût du jour l’attirail que la France a connu sous Vichy, les attestations nécessaires à la moindre sortie (la police allemande disait Ausweiss), les couvre-feux, et la culpabilisation.

2/ la manipulation des esprits par la sémantique, l’usage de mots inventés qui s’introduisent dans le discours commun pour " faire mode ", et qui, loin d’être une manie anodine, véhiculent les dernières trouvailles de l’idéologie libérale.

Le ministre Blanquer invente ainsi "l’islamo-gauchisme"qui aurait contaminé l’Université, Macron et son fidèle Darmanin ont prétendu que les "séparatismes " menaçaient la République, comme si ceux, noirs ou blancs, musulmans ou chrétiens d’ascendance, s’étaient volontairement enfermés dans leurs ghettos de pauvreté.

Ajoutons-y les substantifs branchés "en présentiel", "en absenciel ", ces néologismes barbares qui n’ont pour objectif que de parer de modernité la régression d’une société où l’on échangeait des idées vers une autre ou l’on n’échange plus que des techniques.

Faut-il redire en conclusion que l’invention d’une "revanche des campagnes", même parée de la mode écologiste actuelle, est de ce tonneau-là ? Et qu’il est plus que temps avant le retour à la barbarie sociale et idéologique de passer à une autre société, Socialiste, dont la règle fondamentale sera l’intérêt de tous ?

11/12/2020

   

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