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Les chiffres et l’épidémie

samedi 26 décembre 2020 par Alain Boublil

Les chiffres ont envahi notre vie. Ils sont utilisés aujourd’hui pour rendre compte de l’évolution de l’épidémie. Au gré des sondages, ils rythment la vie politique au point que le débat d’idées a largement laissé la place aux commentaires sur les positions respectives de tel ou tel leader dans l’opinion. Ils sont à la base de toute la réflexion économique, même quand les concepts qu’ils mesurent sont devenus obsolètes ou inadaptés à décrire le monde tel qu’il est et tel qu’il change. Ils garantissent parfois notre survie, comme en avion, où l’évaluation des paramètres d’un vol détermine à chaque instant la sécurité des passagers et de l’équipage. Mais leur interprétation peut faire l’objet de manipulation ou être à l’origine de décisions qui se révèleront néfastes et contraire aux objectifs recherchés.

L’analyse de la mortalité en fournit un bon exemple. On vient d’annoncer que le nombre de décès sera largement supérieur en 2020 par rapport à 2019 et on impute ce phénomène à l’épidémie du covid-19. Mais ce n’est vrai qu’en partie.

Le boom démographique de l’après-guerre et l’allongement de la durée de vie font que le nombre de personnes très âgées, donc de décès, ne va cesser de croître jusqu’en 2040 au moins, qu’il y ait ou non une épidémie.

De la même façon, pour définir le concept de personnes vulnérables, on explique que 70% des personnes qui meurent du covid-19 ont plus de 75 ans. Mais la réalité, c’est qu’une année donnée, environ plus de 70% des décès, qu’ils proviennent ou non de l’épidémie, frappent des personnes âgées de plus de 75 ans.

Le ratio présenté n’a donc aucune signification particulière.

La politique vit au rythme des sondages, surtout quand il s’agit d’une élection ou d’un référendum. La méthode retenue consiste à sélectionner un ensemble de personnes dont les différentes caractéristiques, sexe, âge, lieu de résidence, reflètent la réalité du pays. L’ « échantillon » est alors représentatif. La capacité de celui-ci à donner une image de l’opinion dépend de la question posée.

Quand elle est simple (référendum par oui ou non, élection au suffrage direct n’opposant que deux candidats), la précision du résultat est satisfaisante. Dans les autres cas, cote de popularité, élections avec plusieurs candidats par exemple, les résultats sont bien moins fiables, mais cela n’empêche pas ceux qui ont commandés ces études de passer des heures ou de noircir des pages à les commenter.

Le débat politique perd alors l’essentiel de sa substance.

Cette obsession du chiffre est omniprésente dans la présentation des conséquences sanitaires de l’épidémie et a gagné les décideurs politiques. Or un chiffre, pour qu’il acquière une signification, doit reposer sur une donnée concrète et vérifiée. On doit savoir ce qu’il traduit et les méthodes de mesure doivent être validées. C’est d’autant plus important que ces chiffres vont être invoqués pour justifier des décisions politiques majeures.

Ainsi, le gouvernement avait annoncé que la levée totale ou partielle du confinement le 15 décembre dépendrait du respect de deux critères. Le nombre de personnes contaminées, mesuré par les tests de dépistage, devait être inférieur à 5 000 personnes par jour et le nombre de personnes en réanimation compris entre 2000 et 3000.

Le premier critère n’a pas, et de loin, été rempli, à la différence du second qui lui apparaissait comme satisfaisant. Le dé-confinement a donc été limité, avec les restrictions que l’on sait sur l’instauration d’un couvre-feu et le maintien de la fermeture de nombreuses activités.

Seulement à aucun moment n’a été posée la question du caractère représentatif ou non du recensement des contaminations. Pour porter un jugement sur son évolution dans le temps, il aurait fallu que le nombre de tests soit fixé une fois pour toutes (ce qui est contraire aux objectifs de santé publique).

Il est évident que plus on teste, plus on a de chances de trouver des personnes contaminées. Et plus on teste dans des régions dont on sait que, par exemple, la population est très dense, plus on a de chances là aussi de trouver des tests positifs.

Pour que l’analyse de l’évolution du nombre de personnes atteintes du virus ait eu un sens, il aurait fallu que la représentativité de la population testée chaque jour soit assurée. A l’évidence, cela n’a pas été le cas. La seule donnée rigoureuse était en réalité le nombre de personnes en réanimation.

Aucune corrélation n’a été établie entre les deux critères. Pendant que le nombre de cas positifs rebondissait, celui des personnes en réanimation diminuait pour remplir la condition fixée par l’État et atteindre un niveau un peu supérieur à 2 700 personnes où il s’est stabilisé.

On pouvait aussi penser qu’il y avait un décalage relativement constant de quelques jours entre contamination et accueil en réanimation. Or il n’en a rien été. Les accueils ont baissé de façon continue depuis plusieurs semaines, malgré le maintien à un niveau élevé et même suivant les jours, parfois croissant, du nombre de personnes affectées.

C’est donc l’utilisation de cet instrument de mesure qui est en cause : l’intensité de l’épidémie et son évolution dans le temps ne dépend pas du nombre de tests qui se révèlent être positifs.

La même observation s’applique aux comparaisons internationales. Les méthodes de recensement variant d’un pays à l’autre, il est bien difficile de faire une analyse rigoureuse et d’en tirer des leçons qui seraient pourtant bien utiles, sur les bonnes décisions à prendre dans ce type de circonstances. Mais cela n’empêche pas les commentaires de se multiplier et souvent de se contredire sur ceux qui ont bien réagi et su prendre les décisions appropriées et les autres.

On retrouve cette obsession du chiffre et des comparaisons dans l’analyse des conséquences économiques de l’épidémie. Notre appareil statistique n’était évidemment pas préparé à des ruptures aussi brutales d’activité et à de tels changements de comportements.

Les prévisions sur les évolutions à venir en sont d’autant plus fragiles. Les messages alarmistes sur la durée, voire la permanence de l’épidémie vont-ils affecter les comportements des ménages comme des entreprises à l’avenir ou le choc observé depuis près d’un an n’est-il qu’une parenthèse et tout pourrait redevenir comme avant ?

L’observation de ce qui se passe en Chine laisserait croire que la deuxième hypothèse est sinon la plus plausible, du moins possible. L’économie chinoise sera la seule, parmi les principaux pays, à connaître une croissance en 2020 et prévoit de repartir de l’avant en 2021 avec une augmentation de son PIB supérieure à 5%.

Mais comme on met le plus souvent en doute les informations qui viennent de Pékin, on serait plutôt tenter de penser que c’est la première hypothèse qu’il faut retenir.

Les restrictions au déplacement et à la consommation ont favorisé en France la création d’une épargne financière considérable. Le taux habituel de 4,5% du revenu disponible a bondi en moyenne à 13% aux deuxième et troisième trimestres.

Sur l’année, les dépenses de consommation et d’investissement des entreprises devraient baisser d’au moins 10%. Qu’en sera-t-il en 2021 si le contexte épidémique et les restrictions qui l’accompagnent perdurent ?

La reprise escomptée et affichée dans le budget de l’an prochain (+5%) est donc peu probable.

L’absence de cohérence entre les considérations pessimistes sur l’évolution de l’épidémie et les prévisions optimistes sur la reprise économique est d’autant plus surprenante qu’elle provient de la même source : le gouvernement français.


Voir en ligne : http://ab-2000.com/fr/archives/2020...

   

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