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À propos des affrontements d’adolescents et ce qui n’est pas dit...

jeudi 25 février 2021 par Philippe Arnaud

Hier et aujourd’hui, les journaux télévisés de France 2 et France 3 nous ont relaté ces deux lamentables histoires d’affrontements de bandes rivales dans l’Essonne. Au cours de ces affrontements deux adolescents de 14 ans ont été tués. Et ce qui est encore plus navrant est d’apprendre que leurs meurtriers avaient le même âge...
Pourquoi ces remarques ? Pour noter ce qui n’a pas été dit, en dehors d’explications superficielles - qui n’en sont pas - et tenter des rapprochements.

1. Il est révélateur que les journalistes n’aient, à aucun moment, opéré les rapprochements avec les politiques néo-libérales imposées depuis des décennies, d’une part, et avec les conséquences sociales de la pandémie de Covid-19, qui sévit depuis un an, d’autre part.

2. Il n’est pas normal de mourir à cet âge de mort violente. A cet âge, on commence à être amoureux, à dépenser son énergie dans un sport, à jouer à la console ou à n’importe quel autre jeu. Si des adolescents se sont adonnés à cette violence, sans que leurs aînés (parents, enseignants, entraîneurs sportifs, policiers...) aient pu l’empêcher ou même l’anticiper, c’est qu’ils avaient atteint un grave niveau de désocialisation, lié à l’effilochage des politiques sociales depuis les années 1980. Par exemple, au détour d’une phrase, un journaliste signalait que plusieurs de ces adolescents étaient en décrochage scolaire.

3. Or, on n’en arriverait pas à des drames de cette ampleur si, depuis des années, les politiques néo-libérales n’avaient sciemment (cyniquement ?) laissé s’installer le chômage parmi les classes moyennes et populaires tout en supprimant les filets de sécurité (baisse des indemnités de chômage, plafonnement des salaires, affaiblissement des prudhommes, démantèlement de la Sécurité sociale, détricotage du droit du travail...). Comment des parents qui vivent de CDD ou d’allocations peuvent-ils avoir l’autorité et l’énergie d’éduquer leurs enfants et de leur imposer des règles ?

4. Cette situation a été aggravée par les diverses mesures de confinement liées à la pandémie. Celles-ci, d’abord, ont fait bondir le chômage et fait basculer dans la gêne les familles qui n’y étaient pas et dans la misère celles qui étaient dans la gêne. Et dans beaucoup de familles, la fermeture des établissements scolaires - ou leur ouverture une semaine sur deux - a accéléré le décrochage scolaire des enfants qui suivaient déjà péniblement. Et ce ne sont pas leurs parents, déjà préoccupés par la survie de la famille, ou peu familiers avec le monde de l’éducation - ou le maniement de l’Internet - qui pouvaient les contraindre à suivre les cours ou à faire leurs devoirs.

5. La violence physique de ces jeunes ne fait que répercuter la violence sociale qui leur a été imposée, à eux et à leurs parents, depuis des années, si ce n’est depuis des décennies, et qui a franchi plusieurs degrés supplémentaires depuis un an. Ce lien entre ces deux violences a été particulièrement net, dans un pays européen, au cours des années 1980.

6. Les événements les plus dramatiques (et aussi les plus médiatisés) qui ont eu lieu au cours de cette décennie (en Europe, continent en paix) ont été le fait de ressortissants britanniques à l’époque de Margaret Thatcher. Ce sont :

  • - La tuerie du stade du Heysel, en Belgique, le 29 mai 1985, où des supporters britanniques s’en prirent à des supporters italiens de la Juventus de Turin, faisant 39 morts et 400 blessés, majoritairement italiens.
  • - Le lynchage de deux soldats britanniques, qui s’étaient fourvoyés dans un cimetière de Belfast, à l’occasion de l’enterrement d’un combattant de l’IRA, le 19 mars 1988. Après avoir été battus à mort par la foule, ils avaient été achevés par une douzaine de coups de pistolet.

En dépit des explications conjoncturelles de ces deux abominables événements, il est difficile de ne pas repérer aussi, en toile de fond, la politique extrêmement dure de Margaret Thatcher, dans tous les domaines. Cette politique à la fois antisociale et nationaliste, ne put manquer et de créer des frustrations dans la population et de lui donner le goût de la violence. Ce fut, en particulier :

  • - La décision de laisser périr Bobby Sands et 9 autres militants nationalistes irlandais, en 1981, après parfois plus de deux mois de grève de la faim de ceux-ci.
  • - La guerre des Malouines, en 1982, au cours de laquelle, entre autres actes de guerre, les Britanniques coulèrent le croiseur argentin General Belgrano, entraînant 323 marins argentins dans la mort.
  • - L’écrasement du mouvement syndical, à l’occasion de la longue grève des mineurs de mars 1984 à mars 1985, qui vit s’amorcer les politiques antisociales et néolibérales, qui n’ont pas cessé depuis.

L’autre remarque, qui touche également aux tristes événements de l’Essonne, est celle-ci : les deux bandes rivales qui se sont affrontées s’étaient donné rendez-vous (par téléphone portable) dans un lieu déterminé et à une heure donnée.

Voit-on le paradoxe ?

Le téléphone est fait pour communiquer et, souvent, pour engager une relation amicale, si ce n’est amoureuse. Il en est ainsi : quand deux individus (jeunes ou moins jeunes) se plaisent, leur premier geste pour pérenniser leur lien est d’échanger leurs numéros de téléphone. Et c’est en général pour entamer un commerce agréable.
Or, ici, c’est tout le contraire : les jeunes se sont entendus pour se battre, quand ça n’a pas été pour se tuer...

   

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