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Macronix en Corse

samedi 10 février 2018 par Francis Arzalier

Emmanuel Macron nous a accoutumés à de lointains voyages, largement retransmis par les téléviseurs, dont le but essentiel est de peaufiner sa popularité, de cultiver l’image d’un chef d’état pesant de tout son poids sur l’avenir du monde, décidant des peuples africains et de l’Europe : une construction médiatique, plus qu’une réalité diplomatique, une façon de maîtriser les tensions de l’opinion française, de faire accepter sans trop de réactions par ses victimes la dégradation continue des services publics, la précarisation accélérée des conditions d’emploi, la destruction accélérée des grandes industries de France, etc.

C’est avec le même objectif de remontée dans les sondages que notre Jupiter médiatisé a fait organiser ses deux jours de voyage en Corse, largement valorisés par l’audiovisuel, à l’usage de Français ignorant à peu près tout des réalités concrètes de cette ile et de ceux qui y vivent de leur travail.

La quasi totalité des compte-rendus par les médias s’en est tenue à la version caricaturale voulue par le gouvernement : La Corse réduite à un paradis vacancier, perturbé par de méchants séparatistes, face au Président de la France, représentant d’un état national nourricier et bonasse. Le gentil Macron venu faire une leçon de bon sens aux méchants nationalistes désignés comme le seul courant politique de l’île.

C’est une caricature digne d’Asterix en Corse, voire de Tintin au Congo. Un compte rendu sérieux des annonces du Président à Ajaccio et à Bastia s’impose, et des fins de non recevoir qu’il a apportées certes aux élus nationalistes, mais aussi et surtout aux revendications justifiées des salariés insulaires, qu’elles soient portées (et déviées) par les nationalistes ou pas.

Macron savait très bien à quel point l’opinion en France en général , et en Corse en particulier, a été révulsée par l’assassinat du Préfet Érignac il y a 20 ans. Il jouait donc sur du velours en débutant sa prestation à Ajaccio par une cérémonie d’hommage à la victime de meurtriers nationalistes isolés, et depuis condamnés lourdement. La présence de la veuve à cette commémoration qui eût pu être digne et émouvante, se justifiait largement.

Il est dommage que les services de l’Élysée et Matignon y aient délibérément introduit quelques provocations superflues : la présence, parmi des invités officiels triés sur le volet pour être filmés, de Jean Pierre Chevenement, qui fut ministre de l’Intérieur il y a bien des années, et réussit alors à fâcher la grande majorité des Corses de toute opinion en assénant cette ânerie absurde "il n’existe aucune différence entre les habitants de la Corse et ceux de Belfort, ma circonscription électorale".

L’ignorance des réalités locales par le nationalisme français vaut bien celle du nationalisme corse. Ils nient tous deux les antagonismes de classe, ils se nourrissent l’un de l’autre, nient tous deux les antagonismes sociaux au profit de la bourgeoisie, et sont tous deux les dignes héritiers des coloniaux français et corses qui se prétendaient en 1950 les descendants directs des Gaulois, de Dunkerque à Tamanrasset.

Autre provocation gratuite dans ce discours macronien d’Ajaccio, cette phrase qualifiant ainsi l’assassinat d’Érignac, " ce crime ne se plaide pas ", phrase adressée au Président Simeoni de l’Exécutif Corse, présent à la cérémonie d’hommage, et qui fut l’avocat défenseur de Colonna, tueur présumé.

Les Nationalistes corses sont loin d’être les seuls offusqués par cette allusion. Les avocats des divers barreaux de Corse et d’ailleurs apprécient peu qu’on mette en cause leur devoir de défendre des accusés quels qu’ils soient. C’est d’autant plus vrai qu’Yvan Colonna, s’il était évidemment lié aux auteurs de l’attentat, a été condamné à vie sans qu’on ait apporté la moindre preuve de sa participation à la fusillade, qu’il a toujours niée.

Ce discours d’Ajaccio à été aussi l’occasion pour le Président français de délivrer sa vision du passé de l’île, totalement biaisée quand par exemple il réduit la Libération de la Corse en 1943 à l’intervention de De Gaulle, en effaçant l’insurrection populaire antifasciste animée notamment par les Communistes ( insurrection dont De Gaulle ne voulait pas...)

En fait sa lecture de ce passé est entachée des poncifs qui résultent dans l’opinion française de deux siècles d’histoire pervertie par les relations de type colonial. Trop de Français croient que les Corses sont volontiers violents, très souvent délinquants, bouffeurs indus de subventions imméritées, et que leur pays serait un paradis si ses habitants ne le pervertissait. Comment oublier que les mêmes reproches avaient cours à l’encontre des Algériens colonisés en 1950 !

Ses phrases sont aussi révélatrices de sa conception monarchique de son rôle politique, quand il annonce en son nom propre son refus de toute amnistie des condamnés nationalistes, alors que cette amnistie ne relève pas constitutionnellement de lui, mais du Parlement qu’il méprise.

Après avoir refusé de se rendre à l’Assemblée de Corse comme l’avaient fait ses prédécesseurs, et une rencontre à huis clos avec ses présidents élus, Macron a organisé la suite de son voyage à Bastia avec le souci d’éviter toute rencontre publique, et le même aspect monarchique. Son grand discours de Bastia, filmé à souhait devant un parterre de "décideurs" sélectionnés, sera dans un théâtre réquisitionné à cet effet.

Une suite d’annonces d’interventions des finances nationales, sur le thème Jupiterien de " l’État, c’est moi." Le financement des hôpitaux d’Ajaccio et de Bastia, déjà acquis, et surtout arrachés, ce qu’il n’a pas dit, par la lutte opiniâtre des personnels et du public, avec leurs syndicats. Et Macron s’est offert le luxe de conditionner cette générosité " d’une gestion meilleure des ressources hospitalières ", sur le ton de " Ma Chère, ces Corses sont décidément très dépensiers ! "

Macron a ensuite joué avec habileté le rôle du chevalier blanc, preux défenseur des prérogatives de la Nation française menacée par les projets pernicieux des nationalistes corses.

Et certes, il a raison de refuser la " co-officialité de la langue corse " : cette langue est certes vivante et enseignée à des milliers d’écoliers à juste titre, mais elle n’est pas connue de nombreux habitants de l’île. En faire une langue officielle à côté du Français, et de ce fait réserver les emplois publics à ses seuls locuteurs relèverait de la discrimination ethniciste.

Encore faut-il ajouter que ce projet parfaitement démagogique avait été voté par la précédente majorité de gauche à l’Assemblée insulaire, y compris les élus du PCF.

Il a tenu la même posture " française " pour dénoncer le projet de " statut de résident ". Ce n’est effectivement pas la bonne réponse à la cherté des appartements en Corse, qui interdit aux jeunes salariés insulaires de les acquérir ou de les louer. Mais il ne répond en rien à ce problème social crucial, dont les causes sont la spéculation foncière et immobilière, d’abord le long des côtes, mais aussi dans les zones urbaines (autour d’Ajaccio, Porto Vecchio,etc), et jusque dans les villages.

Il est aberrant que la moitié des logis neufs soient des résidences secondaires à usage touristique. Mais le libéral Macron n’envisage nullement de lutter contre cette spéculation ravageuse, au contraire : il l’a attribuée à l’avidité des Corses qui vendent cher leurs terrains à bâtir ( phénomène réel, mais marginal ), bien précisé qu’il ne saurait être question de limiter le droit de propriété, et reproche en toute mauvaise foi aux collectivités locales de ne pas assez construire de logements sociaux.

Et pour faire bonne mesure, il a annoncé des dérogations à la loi de protection du littoral, qui a été un des rares freins aux constructions de luxueuses résidences touristiques le long des côtes. ( dont celles d’affairistes très en cour à l’Élysée comme Pierre Ferracci....). Une reddition pure et simple de la loi en rase campagne, alors qu’elle est le seul moyen de combattre les appétits privés !

Et Macron s’est offert le luxe de pourfendre la collusion des élus corses avec le Milieu, comme s’il ignorait que l’origine de ce mal tient essentiellement à la spéculation immobilière et foncière.

Enfin et surtout, il n’a pas dit un mot de l’absence criante d’industries et d’agriculture dans l’île, livrée depuis des décennies au tout tourisme, donc à l’émigration forcée, contrainte en quelque sorte à n’être que le " bronze cul des Européens aisés ", comme le PCF Corse le dénonçait à juste titre dès 1960. Et ce n’est pas son envolée sur " l’avenir méditerranéen de la Corse "(???) qui peut rassurer sur ce plan : pour l’instant, cela ne signifie que tourisme et spéculation effrénée...

Et cerise sur le gâteau en guise de péroraison, le monarque Macron octroie à ses sujets nationalistes l’inscription qu’ils demandent de la Corse dans la Constitution Francaise, tout en ajoutant ironiquement que cela ne changera rien au quotidien des insulaires.

Le plan Corse de Macron visait (et il a en partie réussi) à réduire l’image du débat local à une opposition (qui n’existe guère que pour la distribution des pouvoirs, ils sont les uns et les autres des libéraux bon teint) entre un bon Président monarque et de méchants nationalistes corses. Les médias ont quasiment tous joué ce jeu. Les télévisions de France, d’état et privées, d’infos continues et généralistes, FR3 Corse-Via Stella, toutes ont ignoré totalement dans leurs comptes rendus les autres courants politiques ,syndicaux et associatifs de l’île.

Dans leur récit, caricatural, plus de gauche, radicale ou Socialiste, plus de communistes ou d’Insoumis, plus d’écologistes pourtant actifs contre la spéculation (U Levante), à peine un peu de Droite, qui d’ailleurs approuve Macron. Un parfait travestissement de la société Corse, dont les forces vives, associations, CGT et autres trublions syndicaux, Communistes ( même bien affaiblis par leur collusion avec les Radicaux de Giaccobi, condamnés à mort par leur corruption ) sauront, espérons le, redonner de la vigueur aux luttes populaires, pour des revendications justifiées parfois abusivement capturées par les démagogues nationalistes.

Car les animateurs naturels des luttes en Corse n’ont pas disparu par la magie du discours macronien : ils seront au premier rang des salariés, contre la bourgeoisie, qu’elle se réclame du pouvoir d’état ou de la Droite, de la " gauche " opportuniste et corrompue, ou des Nationalistes coalisés, qui ont réussi à capter le pouvoir régional grâce au mode de scrutin majoritaire comme En Marche l’a fait sur le continent a l’Assemblée Nationale.

Les manipulations médiatiques n’ont leur effet anesthésique que durant un temps, en Corse et sur l’ensemble de la France.

Espérons le très court, faisons tout pour cela.

   

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