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Argentine : 26 avril 1879, nous les peuples indigènes nous n’oublions pas

mercredi 28 avril 2021 par ElOrejiverde

Il y a 141 ans, Julio Roca et les troupes de l’armée ont commencé l’autoproclamée "conquête du désert", la consommation d’un génocide toujours non reconnu par l’État argentin.
Déjà le prétexte d’une terre sans peuple ! (NDLR)

Les milliers de soldats de l’armée expéditionnaire du Río Negro qui, en ce matin du 26 avril 1879, étaient cantonnés dans le camp général de Carhué, prêts à commencer trois jours plus tard la marche vers les territoires des communautés indigènes libres dans le but de les prendre, ont écouté l’ordre du jour du général Roca.

"Lorsque la vague humaine envahit ces champs désolés qui, hier, étaient le théâtre de razzias destructrices et sanguinaires pour les transformer en emporiums de richesses et en villages florissants (...) éteindre ces nids de pirates terrestres et prendre réellement possession de la vaste région qui les abrite (....) tracer avec vos baïonnettes...".

Cette harangue vise à stimuler les soldats contre les "sauvages" :

"Dans cette campagne, on ne s’arme pas pour blesser des compatriotes et des frères égarés par des passions politiques, ni pour asservir et ruiner des peuples ou conquérir des territoires de nations voisines. On est armé pour quelque chose de plus grand et de plus noble ; pour lutter pour la sécurité et l’agrandissement de la Patrie, pour la vie et la fortune de milliers d’Argentins et même pour la rédemption de ces mêmes sauvages qui, pendant tant d’années laissés à leurs propres instincts, ont pesé comme un fléau sur la richesse et le bien-être de la République".

Dans ce message, Roca insiste sur les idées de sauvagerie et de barbarie, et sur la nécessité d’éliminer ce mode de vie :

"D’ici trois mois, tout sera conclu. Mais la République ne s’arrête pas au Rio Negro : au-delà, il y a des essaims nombreux de sauvages qui sont une menace pour l’avenir et qu’il faut soumettre aux lois et aux coutumes de la nation, en les rétablissant dans les établissements chrétiens qu’on veut construire...".

"Je considérerai toujours comme la marque la plus glorieuse de ma vie d’avoir été votre général en chef dans cette grande croisade contre la barbarie, inspirée par le plus pur patriotisme".

Les dizaines de traités signés ne comptaient pas, ni la volonté expresse des caciques de coexister avec la nouvelle société en formation, ni même les voix dissidentes qui s’élevaient depuis Buenos Aires devant l’expédition même d’anéantissement qui se préparait.

Considérés comme des "sauvages", des "barbares", des "pirates de la terre" et autres insultes avec lesquelles il était habituel de discriminer et de séparer des centres de pouvoir de ces années-là les frères indigènes, le climat exterminateur qui s’est créé avait des références idéologiques comme Estanislao Zeballos qui a marqué l’époque avec ses déclarations :

" Heureusement, le jour de faire peser sur eux la main de fer du pouvoir de la Nation est proche [...] les sauvages dominés dans la pampa doivent être traités avec une rigueur implacable, car ces incorrigibles bandits meurent dans leur loi et ne se plient qu’au fer ".

Tout a concouru à ce que la mécanique "rédemptrice" du sang et sa conséquence immédiate, la dépossession des territoires, soient irrémédiablement mises en branle.

"Nous scellerons par le sang et fondrons par l’épée, une fois pour toutes, cette nationalité argentine, qui doit se former, comme les pyramides d’Égypte et la puissance des empires, au prix du sang et de la sueur de nombreuses générations" (général Roca, 1880).

Pourquoi c’était un génocide

Les politiques étatiques menées par l’État national à partir de 1820 et avec le point culminant des autoproclamées "conquêtes du désert" (1879-1885) et "du Chaco" (1870-1899) constituent clairement un génocide, étant donné qu’il existait une volonté politique et militaire d’exterminer les peuples indigènes, même si ces objectifs n’ont pu être pleinement atteints.

Cependant, le nombre de massacres perpétrés et les lourdes pertes en vies humaines ont conduit à l’anéantissement et à la dispersion de dizaines de communautés, provoquant une destruction culturelle sans précédent dans l’histoire de l’Argentine, comparable seulement à l’extermination des cultures pendant la conquête espagnole.

L’État argentin n’a pas encore reconnu cette figure juridique perpétrée contre les peuples indigènes au XIXe siècle, tout comme il l’a fait pour des événements beaucoup plus récents tels que les crimes contre l’humanité commis pendant la dernière dictature militaire 1976-1983 dans le cadre du terrorisme d’État.

Nous ne connaissons pas les raisons pour lesquelles cette dette envers les peuples indigènes n’a pas encore été réglée - certains d’entre nous l’imaginent - mais en tout cas, elle s’ajoute à la liste des reports chroniques comme la restitution des terres et des territoires, parmi tant d’autres.

Certains secteurs nient le génocide des peuples indigènes et nient que le général Roca l’ait perpétré. Comprenant le génocide comme "l’ensemble des actes mis en œuvre dans l’intention de détruire, totalement ou partiellement, un groupe national, ethnique, racial ou religieux", nous devons dire que d’innombrables discours, écrits, déclarations et finalement les faits consommés eux-mêmes, confirment la volonté que l’État argentin avait envers les peuples indigènes de la Pampa, la Patagonie et du Chaco, avec un point de départ clair en 1820 avec le gouverneur Martin Rodriguez.

Dès lors, et au-delà de l’interrègne des négociations et du statu quo, l’État argentin a mené des campagnes militaires dans une escalade qui a duré près de soixante ans et décimé les communautés jusqu’à ce que le général Roca, violant les traités signés avec les principaux caciques et ignorant leur volonté de coexister avec la nouvelle société, décide - avec le consentement du Congrès - de s’emparer des territoires indigènes par la force.

Cette campagne (1879-1885) que ni les présidents Mitre et Sarmiento n’avaient décidé de mener à bien, désigne Roca comme celui qui a incarné et consommé un génocide qui est encore vivant aujourd’hui dans la mémoire des descendants.

Toutes les justifications politiques, économiques, militaires, religieuses et autres utilisées par les partisans de l’autoproclamée "conquête du désert" et les euphémismes utilisés comme "conflits de cultures" sont des dissimulations qui tentent de cacher l’indéniable : la dépossession des territoires des peuples autochtones et la destruction de leurs modes de vie.

Même l’argument concernant la non-pertinence de l’application rétroactive du concept de "génocide" ne suffit pas, compte tenu du fait que les Nations unies elles-mêmes ont déjà exprimé la pertinence de son application dans des cas tels que l’holocauste perpétré par les nazis entre 1938 et 1945 ou l’extermination effectuée par les Turcs en Arménie entre 1915 et 1917.

Un jour, l’État argentin réglera également cette dette, ce qui nous permettra de continuer à mûrir et à grandir en tant qu’individus et en tant que société, dans une communauté qui vit sur la base de la justice, du respect des autres et de la fierté de sa diversité culturelle. C’est pourquoi, un jour comme aujourd’hui, nous n’oublions pas.

Par ElOrejiverde
Date : 26/04/2021

(Ce texte est extrait d’extraits des livres "Nuestros Paisanos los Indios" et "La Argentina de los caciques" de Carlos Martinez Sarasola)

traduction carolita d’un article paru sur Elorejiverde le 26/04/2021


Voir en ligne : http://cocomagnanville.over-blog.co...

   

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