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Déserts médicaux : l’explosion !

vendredi 18 juin 2021 par Disclose

Entre 2015 et 2018, plus d’1,5 million de Français ont basculé dans un désert médical. Une situation sanitaire catastrophique que l’État a choisi d’ignorer.

En août 2020, la commune de Lanouaille inaugurait sa maison de santé pluridisciplinaire. Un évènement pour le millier d’habitants de ce village de Dordogne où la problématique de l’accès aux soins est devenue, en l’espace de quelques années, un sujet de préoccupation majeure. En déplacement dans la région, le ministre de la santé s’est rendu à l’inauguration de l’établissement.

À cette occasion, Olivier Véran a affirmé devant un parterre d’élus locaux qu’il fallait « arrêter de parler de déserts médicaux ». Et le neurologue devenu ministre de préciser sa pensée : « Les médecins ne sont pas des déserteurs. C’est juste qu’il y a des territoires qui ont besoin qu’on mette le paquet. »

Des étudiants de l’école de journalisme de Strasbourg (Cuej), avec Disclose, ont analysé des centaines de milliers de données mises en ligne par le ministère de la Santé, l’Assurance maladie et l’Insee.

Nos résultats contredisent formellement le ministre Véran. Et pour cause. Selon nos calculs, entre 2015 et 2018, le nombre de déserts médicaux a augmenté de 17,3%.
En seulement trois ans, ce sont donc plus d’1,5 million de Français qui ont basculé dans un désert médical. Plus de 6,7 millions de personnes vivaient alors dans l’une ou l’autre des 9 603 communes où l’accès aux soins est devenu quasi impossible.
Et ce, avant même l’apparition de la crise sanitaire liée au Covid_19.

Pour parvenir à ce résultat alarmant, nous avons étudié l’APL (indicateur d’accessibilité potentielle localisée), des données issues du service statistique du ministère de la Santé (DREES). Celles-ci permettent d’évaluer l’accessibilité et la disponibilité des médecins généralistes sur une commune – un territoire est considéré comme sinistré en-dessous de 2,5 consultations par an et par habitant.

Trois zones sont particulièrement touchées par cet abandon. La Guyane d’abord, dont l’APL moyen est en dessous de 2,5. Viennent ensuite les départements de l’Indre, du Cher, de la Nièvre et de l’Yonne, où la situation s’est particulièrement dégradée, passant en-dessous de 3.

Plus surprenant : l’Essonne, les Yvelines et la Seine-et-Marne souffrent également d’un manque criant de médecins. Les habitants de ces trois départements de la région parisienne enregistrent moins de trois consultations par an en moyenne. Selon nos résultats, l’Ile-de-France est la deuxième région métropolitaine où l’accès à un médecin généraliste est rendu le plus difficile.

isolement sanitaire

L’accès aux services d’urgence s’est lui aussi détérioré ces dernières années. Entre 2016 et 2019, pas moins de 436 communes ont vu leur temps d’accès aux urgences augmenter au-delà de 30 minutes, là où la majorité des Français met moins de 25 minutes, selon les Agences régionales de santé (ARS).

En cause  : la fermeture d’établissements ruraux au profit des structures hospitalières concentrées dans les grandes villes.
C’est le cas à Loudun, dans la Vienne. Avec la fermeture de leur service d’urgences en août 2017, les 6 700 habitants de la commune sont désormais contraints de rouler au moins 40 minutes en voiture avant d’espérer une prise en charge.
Les 8 000 habitants de Champagnole (Jura) doivent rouler 43 minutes, tandis qu’à Mimizan, dans les Landes, il faut compter plus d’une heure de route. Même chose à Porté-Puymorens dans les Pyrénées-Orientales ou à Tende, dans les Alpes-Maritimes.

Au total, plus de 6 millions de personnes sont concernées par ce phénomène d’isolement sanitaire — voir notre carte sur le temps de trajet aux urgences en 2019.
l’alarmante disparition des spécialistes

Notre enquête met en lumière un autre phénomène de plus en plus inquiétant : la pénurie de médecins spécialistes dans les communes modestes alors que leur nombre augmente dans les grandes villes, à commencer par Paris.
Prenons le cas des gynécologues libéraux : sur les 1 000 spécialistes ayant débuté leur activité entre 2012 et 2019, plus d’un quart se sont installés dans la capitale. Une tendance qui se retrouve aussi chez les ophtalmologues, les cardiologues ou les cancérologues.

Ces inégalités territoriales pourraient avoir un impact considérable sur la santé des Français. En premier lieu sur celle des malades du cancer, comme l’indiquent nos calculs : parmi les dix départements les moins bien dotés en spécialistes de la maladie, huit d’entre eux affichent en effet un taux de mortalité lié au cancer supérieur à la moyenne nationale.

Face au déni et à l’immobilisme des pouvoirs publics, une association de citoyens mobilisée contre les déserts médicaux s’est emparée du sujet. En janvier 2021, elle a écrit au Premier ministre, Jean Castex, pour qu’il prenne « les mesures indispensables à la cessation de la carence sanitaire sur une grande partie du territoire français ».

Mesures d’autant plus indispensables que cette crise aggrave, selon l’association, « le risque de mort du à l’absence de soins », rompant ainsi « le principe d’égalité à la base du pacte républicain ».

Après trois mois sans réponse, l’association a déposé un recours devant le Conseil d’État, le 21 avril dernier, pour contraindre le chef du gouvernement à agir.
Car, contrairement à ce qu’affirme le ministre Olivier Véran, des pans entiers du territoire sont bel et bien privés de l’accès aux soins les plus fondamentaux. Et le phénomène ne semble pas prêt de s’arrêter.


Cette enquête a été réalisée par des étudiants en Master 2 spécialisation presse écrite et multimédia du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ).
Etudiants : Clément Aubry, Claire Birague, Lola Breton, Guillaume Carlin, Emma Chevaillier, David Darloy, Maike Daub, Enzo Dubesset, Marion Henriet, Lucas Jacque, Claudia Lacave, Arthur Massot, Valentin Naturel, Amélie Rigo, Cyrielle Thévenin, Alix Woesteland.

Rédacteur·rice en chef : Guillaume Carlin et Cyrielle Thévenin

Disclose : Mathias Destal, Marianne Kerfriden, Geoffrey Livolsi


Voir en ligne : https://disclose.ngo/fr/article/des...

   

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