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Les boucs émissaires, une tradition bien française.

mercredi 5 janvier 2022 par Francis Arzalier (ANC)

Le phénomène Zemmour en 2021, ce déferlement médiatique fabriqué par les télévisions, est indéniablement xénophobe, anti-Musulmans, raciste, révisionniste, manipulateur de l’histoire et de l’identité nationale française. Nous l’avons dit dès le départ, et c’est devenu si évident que plusieurs ténors du petit écran, éditorialistes, faiseurs d’opinion qui ont fait la carrière du Président Macron, tiennent à prendre leurs distances avec l’outrancier polémiste, surtout en décembre 2021, quand les sondages le disent en baisse. Ces belles âmes du PAF français, après l’avoir lancé, ne veulent pas couler avec lui dans l’aventure électorale.

Ils prennent donc dorénavant avec des pincettes les exagérations manifestes de cette resucée de l’OAS d’il y a 60 ans, et sont même prêts à se dire étonnés par ce discours totalement nouveau au siècle 21 de notre pays « des Lumières » et « des Droits de l’Homme ».

Le problème est que ce débordement haineux, purulent quand les médias de masse le cultivent, n’est ni inédit, ni récent. Il n’est que l’expression de cette mentalité d’origine coloniale, qui est toujours présente depuis des siècles dans une bonne partie de la population française, et qui explose seulement parfois en abcès dégoulinants, à l’occasion d’incidences électorales ou de crises économiques et sociales, ce qui est le cas en 2021-22.

Les allégations falsifiées sur « la menace maghrébine », reprises par Zemmour sous le vocable de « grand remplacement », ne sont pas de son invention. Le mot lui-même a été inventé par un certain Renaud Camus, « philosophe » qui fut d’abord socialiste mitterrandien, avant d’être catalogué d’extrême-droite, notamment grâce un entretien pour Le Nouvel Observateur en 2011, repris dans plusieurs livres successifs.

Mais cette explication du déclin français par la faute des étrangers ne rêvant que de l’envahir est beaucoup plus ancienne, sans que le nom soit encore certifié, et on peut même lui trouver des paternités surprenantes. À commencer par le grand héros national Charles De Gaulle, qui ne fut jamais de notre Panthéon, ce qui n’interdit pas de lui décerner plusieurs titres qu’aucun de ses successeurs ne mérita : un des grands Hommes d’État français du XXéme siècle, il le fut pour avoir en 1940 le culot de choisir la Résistance aux Nazis, quand les trois quarts des Français se vautraient en pleurnichant devant Pétain et l’Allemagne.

Il le fut aussi en parrainant, contre son gré souvent, un gouvernement avec les Communistes en 1945, qui enfanta tous les grands progrès français du siècle 20, Sécurité sociale, nationalisations, services publics, suffrage universel aux deux sexes, statut de la Fonction publique, etc. Il l’a été encore plus durant ses 11 ans de Présidences, de 1958 à 69, en programmant dès le départ l’indépendance négociée de l’Algérie et de l’Afrique de l’Ouest, alors qu’il avait prétendu le contraire pour parvenir au pouvoir.

Ce disciple de Machiavel, qui enfanta aussi la « monarchie républicaine » que nous subissons encore trois quarts de siècle après, sut aussi imposer le respect à ses alliés occidentaux, et même reconnaître la Chine de Mao, alors que ses modestes successeurs n’auront pour ambition que de cirer les chaussures des dirigeants de Washington.

Comme tous les grands de l’Histoire de France, De Gaulle fit souvent autre chose que ce qu’il disait, surtout publiquement. Mais avec quelques décennies de recul, nous sommes en état de déconstruire les mythes gaullistes, et de faire réellement de l’histoire à son sujet : il suffit pour cela de retrouver les déclarations en privé du Général, que ses familiers ont dévoilé dans leurs mémoires ultérieures. Le récent ouvrage de Franz Olivier Giesbert, qui le hait dans sa jeunesse Algérie Française, et l’admira plus tard pour son efficacité anticommuniste, fait le recensement gourmand de ce florilège incontestable [1].

Dès le 5 mars 1959, le Général convoque Alain Peyrefitte, qui n’est alors que jeune député de Seine et Marne, un de ces « godillots » dont le rôle sera d’entériner les décisions du grand homme. Un entretien à sens unique, qui sera suivi de bien d’autres, retranscris avec dévotion par le confident.

Ce jour-là déjà, De Gaulle assène sa conviction que

  • « l’Algérie française, c’est une fichaise, et ceux qui préconisent l’intégration sont des jean-foutres ! …Ils ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants. » (Allusion évidente à Soustelle, Gaulliste du 13 mai, et futur chef OAS)
  • « Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont les Arabes, les Français sont les Français. Vous croyez que le corps français peut absorber 10 millions de musulmans, qui demain seront 20, et après-demain 40 ? …si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme français, comment les empêcherions nous de s’installer en Métropole, alors que le niveau de vie y est nettement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey les deux églises, mais Colombey les deux mosquées. »

Il confirme ces propos lors d’un autre entretien avec Peyrefitte, le 20 octobre 1959 :

  • « Avez-vous pensé que les Arabes se multiplieront par deux, puis par cinq, pendant que la population française restera stationnaire ? Il y aurait deux cents, quatre cents députés Arabes à Paris. Vous voyez un président arabe à Paris ? »
  • Toujours en 1959, le « grand Charles » précise à Peyrefitte sa pensée sous une forme plus brutale encore : » Nous ne pouvons soutenir à bout de bras une population prolifique comme des lapins ! »

Les Gaullolàtres de tout poil, y compris dans nos rangs, auront du mal à expliquer en quoi ces débordements anti-Arabes et anti-musulmans diffèrent des éructations de Zemmour en 2022 !

En réalité, l’idéologie née du mépris colonial se survit d’une génération à l’autre, du « décolonisateur », De Gaulle au juif pied-noir nostalgique 60 ans plus tard de l’OAS. Ce qui est étonnant et haïssable dans le phénomène Zemmour en plein XXIème siècle n’est pas la résurgence d’une islamophobie présente en France depuis le Moyen Âge (il faut lire à ce sujet l’ouvrage rédigé par une dizaine d’historiens de haut niveau sous la direction d’Alain Ruscio. [2].

C’est plutôt la vigueur qui a été donnée à cette résurgence par des pouvoirs politiques et médiatiques pour de sordides objectifs électoralistes, au risque de déclencher dans notre pays, qui en a connu d’autres, de véritables « ratonnades », la forme française des pogroms, que nos belles âmes condamnent si fort quand ils se déroulent ailleurs.

Certains dans nos « élites politiciennes » sont coutumiers de ces incitations sournoises à la guerre entre Français, à commencer par Emmanuel Macron, qui n’hésite pas à déclarer aux lecteurs du Parisien qu’il « a envie d’emmerder les réfractaires à la vaccination » !

Une déclaration indigne d’un responsable élu, qui devrait justifier une procédure de déchéance du Président, si notre Constitution était démocratique.

Car la spécialité de nos donneurs de leçons, qui se prétendent supérieurs aux Français qui ne pensent pas comme eux, est de manipuler l’histoire, la démographie, et le bon sens, jusqu’à l’incitation au crime contre l’unité nationale s’ils le jugent utile à leurs objectifs.

Photo : Détail des Noces Juives au Maroc par Delacroix.


[1histoire intime de la République.Tome 1. Le sursaut. Gallimard

[2L’islamophobie, une passion française, dir.A Ruscio, ed. Du Croquant

   

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