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Avis de recherche : on a perdu deux peuples

mardi 13 mars 2018 par Charles Hoareau

Depuis le mois de janvier il n’est pas nécessaire de s’intéresser de trop près à l’actualité internationale pour avoir entendu parler de deux pays subissant de profonds bouleversements par ordre chronologique : l’Afrique du Sud et la Corée.

L’Afrique du sud : on a pu entendre à la radio ou à la télévision, lire dans les journaux que le président Jacob Zuma avait été destitué pour une sombre affaire de corruption. En creusant un peu plus on pouvait savoir ça ou là que la question de l’inégalité économique entre les noirs et les blancs persistante 20 ans après la fin de l’apartheid, la pauvreté d’une grande partie de la population étaient aussi en débat.

A part ça en creusant encore on entendait parler d’un congrès houleux de l’ANC suite à sa « terrible défaite » [1] électorale et des joutes oratoires entre leaders déclarés. Et c’est à peu près tout. « Être ami avec une famille de riches à qui on promet des avantages et qui nous en donne en retour cela ne se passe qu’en Afrique du Sud ? Et cela conduit donc là-bas à la démission ? » Demandera un candide qui aimerait bien que les présidents amis des riches soient poussés dehors en France aussi. « Avoir 56% aux élections est donc une défaite ? » interrogera-t-il ?

Pour la Corée, après avoir été bercés pendant des mois par la rengaine de la dispute entre deux fous (celui de Corée du Nord et celui des USA) on a découvert avec stupeur que les deux Corée se sont rapprochées à l’occasion des jeux olympiques : « mais ils ne se détestaient donc pas ? » demandera le même candide qui a bien écouté ce qu’on lui a servi avant dans les émissions de géopolitique animés par des spécialistes reconnus (sic !).

Encore plus fort ! Trump lui-même va rencontrer bientôt celui qu’il traitait naguère de fou et à qui il promettait un déluge de feu. « Le dérangé [comme l’a élégamment appelé le président à la mèche], "l’homme qui menace la planète " comme a titré le Parisien [2] est donc maintenant fréquentable ? » demandera encore notre candide ou alors a-t-il eu peur des menaces nucléaires américaines comme le dira un éditorialiste du matin sur France Inter ?

Côté analyse politique difficile d’aller plus loin sans voir avec étonnement que la presse est tentée tomber dans des raisonnements de complotistes alors que par ailleurs elle les dénonce souvent à juste titre.

Dans ces deux les changements en cours ne seraient donc qu’affaire de diplomatie, de tambouille ou de jeux de politiques sombres ? Et les deux peuples dans tout ça ils n’y sont pour rien ? Et les organisations du monde du travail elles n’ont joué aucun rôle dans les deux cas ?

Afrique du Sud : le rôle de la COSATU et du SACP

Il faut avoir entendu à la tribune du congrès de la FSM à Durban en octobre 2016, le secrétaire général du SACP, le parti communiste sud-africain, alors ministre de l’enseignement supérieur donner raison aux étudiants en lutte, affirmer que « jamais comme en Europe le capital n’arriverait ici à creuser un gouffre entre le parti et le syndicat » et que si l’ANC ne répondait pas aux attentes du peuple alors « le SACP changerait d’alliance », il faut avoir entendu les militants sud-africains acclamer ses paroles pour comprendre que les travailleurs n’étaient pas prêts à rester passifs.

Zuma n’a pas démissionné à cause des jeux de pouvoir internes à l’ANC ou des combats de clans mais avant tout parce que depuis des mois la COSATU, l’historique syndicat sud-africain de la lutte contre l’apartheid aux près de 2 millions de syndiqués et en particulier sa puissante fédération du NEHAWU (regroupant les personnels de la santé, de l’éducation et de la justice) a mené une lutte constante et croissante pour « après avoir gagné l’égalité politique gagner l’égalité économique » [3].

Ainsi le 27 septembre dernier, la COSATU et le SACP ont appelé à la grève générale et défilé côte à côte « contre ce qui ne va pas à l’ANC », contre la corruption, bien sûr, mais aussi contre les suppressions d’emplois, la sous-traitance, la mauvaise gestion des entreprises publiques… Curieusement de cette grève historique les médias n’ont pas ou très peu parlé en France.

Comme si elle n’existait pas. Comme si elle ne comptait pas.

  • - Pourtant après des mois de luttes contre la vie chère, les bas salaires, les mauvaises conditions de logement, pour une amélioration des prestations de santé publique, cette grève générale inédite avec ses manifestations qui se sont tenues dans toutes les grandes villes du pays, a sonné comme le début du compte à rebours non seulement pour Zuma mais aussi pour celles et ceux qui empêchent l’avancée vers la justice et le progrès social.
  • - Pourtant les revendications de septembre ont pesé dans les débats du congrès de l’ANC tenu quelques semaines plus tard.

L’ANC est sortie divisée avec une faible majorité pour Ramaphosa, mais la victoire de ce dernier ouvrait la voie à un départ anticipé de Zuma et à des mesures de justice sociale…pour peu que la rue ne relâche pas la pression. Et c’est ce qu’elle a fait. C’est comme cela que l’on peut expliquer la récente loi du 28 février qui ouvre la voie à l’expropriation des terres détenues à plus de 70% par les blancs afin qu’elles soient redistribuées aux noirs.

Ce qui n’était pas dans les intentions initiales de Ramaphosa mais bien dans les souhaits du congrès de décembre. Ce 8 mars encore le NEHAWU appelait à la grève et aux manifestations. Zuma parti la lutte ne s’arrête pas d’autant que dans cette bataille le SACP progresse et la COSATU aussi.

Corée du Sud : le peuple encore [4]

Il aura fallu les jeux olympiques et l’effet loupe qui les accompagne pour que nous entendions en France qu’il y avait de nombreux coréens du sud qui souhaitaient la réunification. Et pourtant !!

Ce désir est tellement fort que dans ce pays à qui les États-Unis, puissance occupante depuis 1945 [5] au nom de la sécurité nationale et de sa loi du même nom, il est interdit de dire du bien de la Corée du Nord ou du socialisme sous peine d’aller en prison. Pourtant dans ce demi-pays à qui les USA refuse de signer la paix avec l’autre moitié malgré les demandes incessantes du Nord depuis 1953, dans ce pays où régulièrement les partis sont interdits, où les dirigeants syndicaux sont ou plutôt étaient régulièrement mis en prison, dans ce pays le peuple est à l’avant-garde des changements.

Ceux qui feignent de s’étonner de l’accélération de l’histoire à laquelle nous assistons et la perspective de réunification à plus ou moins long terme ou à tout le moins de normalisation proche qui s’esquisse, ceux-là donc, spécialistes patentés, ont-ils oublié les manifestations de 2015 et 2016 [6] qui, malgré la répression, ont exigé l’arrêt de la casse du code du travail, ont refusé la mise ne place de la propagande politique dans les livres d’école et demandé le départ de la présidente Park ? Toutes choses que le peuple a obtenues ?

La présidente Park serait-elle aujourd’hui en prison et un autre dirigeant, plus soucieux de la souveraineté nationale élu à sa place si le peuple ne s’était pas massivement mobilisé ? Certainement que non !

Pourtant aujourd’hui encore c’est bien l’action de la population si attachée à la réunification de son pays sous occupation étrangère sans interruption depuis plus de 110 ans qui a été déterminante dans le processus auquel nous assistons. La bataille pour la réunification et la souveraineté nationale prend aujourd’hui une autre dimension avec la campagne nationale inédite elle aussi qui s’est engagée pour le départ des bases militaires américaines…et dont jusqu’à présent personne n’a entendu parler en France…

Cachez-nous ces peuples et leurs luttes que l’on ne saurait voir

Évidemment il est moins dangereux de parler de tambouilles de coulisses ou de « fous » qui s’affrontent quitte à les inventer, que de parler de la force des peuples et des organisations du mouvement ouvrier et paysan quand elles décident de se mobiliser pour le progrès et la justice sociale.

Évidemment il est hors de question de nous parler de ce Sud qui une fois de plus nous donne un bel exemple !

Des fois que ça donnerait des idées à d’autres lassés de leur président des riches, de sa politique guerrière et impérialiste et de la loi des multinationales qu’il veut mettre en place en lieu et place du code du travail, du statut de la fonction publique et de la protection sociale…

Des fois qu’on soit trop nombreux dans la rue en ce mois de mars…


[1Les Echos 8 septembre 2016

[25 septembre 2017

[3voir article de novembre 2016 http://www.rougemidi.org/spip.php?article9508

[4pour des raisons de sécurité qui perdurent il est encore trop tôt pour citer les organisations

[5voir article précédent http://www.rougemidi.org/spip.php?article9909

[6dont celle du 26 novembre qui a rassemblé plus d’un million de personnes

   

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