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Honduras : après la fin de la dictature, une Assemblée nationale constituante ?

jeudi 8 septembre 2022 par Hilary Goodfriend

En janvier 2022, Xiomara Castro est devenue la première femme présidente du Honduras, rétablissant la démocratie électorale dans le pays après plus d’une décennie de dictature. En se présentant avec le parti de gauche Liberté et Refondation (LIBRE), l’élection de Castro rompt avec le système bipartisan vieux d’un siècle qui permettait aux élites des partis national et libéral de se partager le pouvoir. Avec un mandat pour opérer une transformation et des aspirations populaires élevées, Castro doit faire face à des défis de taille dans un contexte de crise systémique profonde.

Le coup d’État militaire de 2009 qui a évincé le mari de Castro, le président démocratiquement élu Manuel Zelaya, du parti libéral, a plongé le Honduras dans le chaos. Le régime d’extrême droite qui s’en est suivi a été soutenu par la force militaire et une fraude électorale éhontée.

La « République bananière » initiale est devenue un laboratoire pour de nouveaux modèles radicaux d’appropriation et de confiscation, les services publics et les territoires riches en ressources étant vendus aux enchères au plus offrant.
Les leaders des mouvements sociaux ont fait face à une répression croissante, allant jusqu’à l’exécution très médiatisée de la célèbre militante indigène Berta Cáceres en 2016. Les intérêts privés des fonctionnaires, du capital extractif et des narcotrafiquants sont devenus indissociables. Face à l’augmentation des déplacements, de l’insécurité et des inégalités, les Honduriens paupérisés ont fui vers les États-Unis dans des proportions sans précédent.

Le LIBRE a été formé en 2011 à partir du Front national de la résistance populaire, qui s’est forgé dans les luttes anti-néolibérales de la décennie précédente et a défié la dictature dans les rues. Les mouvements militants paysans, indigènes et ouvriers ont été un élément fondamental de la victoire de LIBRE, mais la faction libérale Zelaya est la force dominante de la coalition gouvernementale.
Les organisations démocratiques doivent maintenant naviguer entre les pièges de la démobilisation et ceux de la cooptation alors qu’elles cherchent à faire en sorte que le nouveau gouvernement tienne ses promesses tout en repoussant la tentative de déstabilisation venant de la droite.

Castro hérite d’un appareil d’État endetté et gangrené, d’une économie en crise qui est dépendante des exportations et d’une dangereuse opposition oligarchique. Le système judiciaire et les forces de sécurité restent profondément corrompus et redevables à l’ancien régime, à un point tel que le gouvernement a préféré extrader Juan Orlando Hernández (JOH), le prédécesseur de Castro, aux États-Unis pour trafic de drogue plutôt que d’essayer de faire respecter la justice au niveau national.

L’administration a demandé le soutien des Nations unies pour la création d’une commission internationale de lutte contre la corruption, sur le modèle de l’organisme qui a été expulsé du pays du temps de JOH.

Les premières décisions de Castro ont consisté à démanteler en priorité les dispositifs instaurés par la dictature. Déclarant l’électricité comme bien public et droit humain, une réforme visant à sauver la Compagnie nationale d’énergie électrique s’engage à renégocier les contrats, se réservant le droit de confisquer les usines qui ne respectent pas les règles.

Les législateurs ont révoqué le dispositif des immondes zones autonomes de libre-échange appelées « Zedes » [Zones de développement de l’économie et de l’emploi, à l’intérieur desquelles elles sont libres d’adopter leurs propres systèmes d’imposition et régimes juridiques, NdT], et abrogé la loi sur l’emploi horaire qui réduisait à néant les protections du travail.

Dans le même temps, la présidente a fait progresser les dépenses sociales et mis en place des programmes de versements en espèces ciblés pour les familles en situation d’extrême pauvreté. De nouveaux corps administratifs tels que le Secrétariat pour la planification stratégique et sa filiale le Pouvoir populaire ont pour ambition de structurer le rôle des mouvements en matière de politiques publiques.

Cependant, la question de la mise en œuvre reste entière.

Le Secrétaire à l’environnement a annoncé la révocation des permis d’extraction en cours et déclaré le pays exempt de toute exploitation minière à ciel ouvert, mais cette mesure n’a pas été appliquée.
Après que le Congrès a décrété une amnistie pour les prisonniers politiques de la dictature, la Cour suprême l’a annulée. Et les investisseurs libéraux qui ont colonisé une partie de l’île de Roatán, dans les Caraïbes, contestent l’abolition des Zedes.

Les prochaines élections au Congrès qui doivent désigner les magistrats de la Cour suprême et le procureur général seront déterminantes quant à l’application des réformes, tout comme le sera une pression soutenue venant de la rue. À plus long terme toutefois, le changement dépendra de la réponse aux exigences du mouvement de résistance, qui réclame une Assemblée nationale constituante.

Le gouvernement Castro doit créer les conditions d’une autodétermination dans un État conçu pour servir le capital monopolistique.

Le Honduras est particulièrement vulnérable aux pressions américaines visant à maintenir la subordination du pays au sein des régimes régionaux de libre-échange et de sécurité, avec une présence militaire américaine considérable sur l’ensemble de son territoire et une dépendance économique de longue date.

Pour la gauche, la défaite de la dictature n’est que la première étape d’un long processus de transition vers la refondation démocratique promise au nom du parti LIBRE.

Source : Africa is a Country, Hilary Goodfriend, 20-07-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Photo  : Xiomara Castro lors de son investiture à la présidence du Honduras le 28 janvier 2022 (Crédit : Simon Liu, via Flickr CC).


Voir en ligne : https://www.les-crises.fr/honduras-...

   

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