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Que signifie être du bon côté de l’histoire ?

lundi 16 janvier 2023 par Oskar Lafontaine

Oskar Lafontaine (homme politique allemand, membre fondateur et ancien coprésident de Die Linke, auparavant adhérent du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) qu’il a présidé de 1995 à 1999) répond à la déclaration du chancelier fédéral Olaf Scholz qui a déclaré : « À Kiev, Kharkiv, Odessa et Marioupol, les gens ne défendent pas seulement leur patrie. Ils se battent pour la liberté et leur démocratie, pour des valeurs que nous partageons avec eux. En tant que démocrates, en tant qu’Européens, nous sommes à leurs côtés, du bon côté de l’histoire. »

Celui qui se tient du côté des Ukrainiens est donc du bon côté de l’histoire. Mais qui représente l’Ukraine, et que veulent les Ukrainiens ?
Il est certain que la grande majorité d’entre eux veulent que les tueries et la destruction de leur patrie cessent immédiatement par un cessez-le-feu et des négociations de paix.

Lorsque les journalistes et les politiques prétendent le contraire et parlent par exemple du fait que les Ukrainiens sont prêts à sacrifier leur vie pour la liberté et la démocratie, ce n’est rien d’autre que de la grossière propagande de guerre de ceux qui ne risquent pas leur vie et qui, depuis leur bureau, envoient les autres sur les champs de bataille.

Inutile de dire que les soldats russes ne souhaitent eux aussi rien d’autre qu’un cessez-le-feu immédiat et des négociations de paix. Pourquoi les bellicistes du monde entier ont-ils toujours autant de mal à s’imaginer ce que ressentent les familles dont les pères et les fils doivent mourir sur les champs de bataille ?

Les Ukrainiens veulent des négociations de paix

En tout cas, on n’est pas du bon côté de l’histoire quand on soutient la politique de Zelensky et de son entourage. Ils veulent que les soldats ukrainiens se battent jusqu’à ce que tous les territoires ukrainiens occupés par les Russes soient libérés, y compris la Crimée. Quiconque sait compter politiquement jusqu’à trois sait que ce sont des objectifs totalement inaccessibles.

D’ailleurs, Zelensky a perdu depuis longtemps sa crédibilité aux yeux de beaucoup parce qu’il ne cesse de réclamer la troisième guerre mondiale. Tantôt il a demandé une zone d’exclusion aérienne, tantôt il veut des frappes préventives contre Moscou. Tantôt il réclame des armes nucléaires pour l’Ukraine, puis il affirme contrairement à la vérité que le missile de défense ukrainien qui a tué deux Polonais a été tiré par la Russie, puis il exige que l’OTAN protège du sabotage la centrale nucléaire de Zaporizhia occupée par les Russes. Même le Frankfurter Allgemeine Zeitung en a eu assez : « Zelensky veut entraîner l’OTAN dans la guerre », écrit-il.

En réclamant sans cesse une extension de la guerre, une reconquête du Donbass et de la Crimée, Zelensky ne prouve qu’une chose : il ne représente plus la population ukrainienne depuis longtemps. Après neuf mois de guerre, elle veut un cessez-le-feu et une solution de paix, en dépit de toutes les affirmations de la presse de propagande. Il est d’autant plus irresponsable que les politiciens européens, les bellicistes allemands en tête, confortent l’Ukraine dans son objectif de vaincre la Russie.

On dit souvent que l’Ukraine doit gagner.
Le fait que l’on ne peut pas vaincre une puissance nucléaire devrait être connu même de ceux qui, comme les dirigeants du gouvernement allemand, ne se sont guère occupés de politique étrangère au cours de leur vie.

Ce que le légendaire président américain John F. Kennedy a dit autrefois reste valable : il ne faut jamais mettre une puissance nucléaire dans une situation dont elle ne puisse sortir sans perdre la face. Celui qui veut pousser une puissance nucléaire dans ses retranchements, c’est-à-dire celui qui prend le risque d’une guerre nucléaire, n’est certainement pas du bon côté de l’histoire.

Seuls ceux qui ne doivent pas mettre leur vie en danger battent le tambour pour la guerre. Dans sa célèbre chanson intitulée « Le déserteur », le chansonnier français Boris Vian a écrit :

  • « S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre, vous êtes bon apôtre, Monsieur le Président. » Leobald Loewe a traduit cela en allemand : « Ihr schwört im Parlament, man müsse Blut vergiessen, so lasset Eures fliessen, verehrter Präsident. »

On peut être sûr que de nombreux Ukrainiens et Russes éprouvent des sentiments similaires lorsqu’ils pensent à leur président et aux propagandistes de la guerre. C’est la rengaine séculaire. Le poète romain Horace écrivait déjà : « Dulce et decorum est pro patria mori » – il est doux et honorable de mourir pour la patrie.

Avec cette morale mensongère de ceux qui envoient les autres à la guerre, des innocents sont morts sur les champs de bataille pendant des millénaires. Il est temps de faire une trêve et de négocier la paix, car chaque jour des Ukrainiens et des Russes sont victimes de cet « amour de la patrie ». C’est au plus tard à ce moment-là qu’il faut répondre à la question de savoir à quels principes moraux on peut se référer si l’on veut être du bon côté de l’histoire.

Pour répondre à cette question, je me suis toujours référé au grand humaniste Albert Schweitzer, qui préconisait de faire du respect de la vie le fondement de l’action humaine. « Le respect de la vie, auquel nous, les hommes, devons parvenir, comprend en lui-même tout ce qui peut entrer en ligne de compte comme amour, dévouement, compassion, joie commune, effort commun. »

L’amour pour son prochain et la compassion pour lui sont les conditions d’un monde pacifique.

Les Verts soudain favorables aux livraisons d’armes

Mais c’est aussi à la vie que se réfèrent les politiques qui, comme Annalena Baerbock en Allemagne, font la promotion de livraisons d’armes toujours plus importantes en Ukraine. « Nos armes sauvent des vies. »
C’est une évolution aventureuse !
Le parti des Verts, issu du mouvement pacifiste, fait désormais la promotion du slogan du lobby américain des armes « Guns Save Lives » pour une politique étrangère qui a pour conséquence que la guerre en Ukraine se prolonge toujours plus et que plusieurs milliers de personnes perdent encore la vie et que l’Ukraine soit toujours plus détruite.

Le principal problème qui explique pourquoi l’Occident ne peut être du bon côté de l’histoire est qu’il rend hommage à une double morale, et cela à une échelle sans précédent.
Le président ukrainien Zelensky, par exemple, a qualifié il y a quelques jours de « crime contre l’humanité » les attaques russes contre les infrastructures de son pays, qui ont entraîné de vastes coupures de courant, et a appelé l’ONU à réagir fermement. Il a exigé du Conseil de sécurité de l’ONU que la Russie soit clairement désignée comme un État terroriste.
Le président français Emmanuel Macron a également qualifié les attaques russes contre l’approvisionnement en eau et en électricité de l’Ukraine de crimes de guerre qui doivent avoir des conséquences. « Toute frappe contre des infrastructures civiles constitue un crime de guerre et ne doit pas rester impunie. »
Et le Parlement européen a classé la Russie parmi les États terroristes.

Ceux qui n’ont pas encore entièrement abandonné leur mémoire au vestiaire se souviennent des bombardements de la Serbie par l’OTAN. On pouvait lire à ce sujet en 1999 dans le Tagesspiegel :

  • « Les attaques de l’OTAN paralysent l’approvisionnement en électricité et en eau de la Serbie. Après la paralysie nationale de l’approvisionnement en électricité et en eau en Serbie, l’OTAN a menacé le régime de Belgrade de nouvelles attaques contre des installations énergétiques centrales. Le porte-parole de l’OTAN, Jamie Shea, a déclaré lundi à Bruxelles que « l’OTAN a démontré sa capacité à pouvoir couper le système d’approvisionnement serbe quand elle le souhaite. »

A l’époque, le Parlement européen ne classait pas les pays de l’OTAN dans la catégorie des États terroristes, et personne ne demandait de punir les criminels de guerre des États-Unis, de l’Allemagne, de la France et des autres pays de l’OTAN qui en étaient responsables.

L’apogée de ce deux poids, deux mesures a eu lieu le 30 novembre. La Commission européenne avait présenté des plans pour la création d’un tribunal spécial, soutenu par les Nations Unies, qui enquêterait et poursuivrait les crimes de guerre potentiels commis par la Russie en Ukraine.

« L’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné la mort, la désolation et des souffrances indicibles », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans un communiqué. « La Russie doit payer pour ses crimes horribles, y compris pour ses crimes d’agression contre un État souverain. » La Commission européenne et sa présidente allemande ne peuvent apparemment pas s’imaginer que des soldats ukrainiens commettent eux aussi des crimes de guerre.

L’élite occidentale sur le banc des accusés

Il suffit de remplacer le mot « Russie » par « États-Unis » et l’Ukraine par l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, la Libye, la Yougoslavie et ainsi de suite pour se rendre compte immédiatement de l’incroyable impudence et de l’hypocrisie avec lesquelles la présidente de l’UE célèbre sa double morale.

Pour faire bonne mesure, le Bundestag allemand a décidé il y a quelques jours de durcir le paragraphe 130 du code pénal contre l’incitation à la haine. Désormais, celui qui « approuve, nie ou minimise grossièrement les crimes de guerre » doit également pouvoir être poursuivi.

Les exemples susmentionnés sont constitutifs de la négation ou de la minimisation grossière des crimes de guerre occidentaux. Avec cette nouvelle loi, le Bundestag allemand met l’élite politique occidentale au banc des accusés.

Si elle était vraiment appliquée, elle ne serait pas du bon côté de l’histoire. Mais elle serait assise sur le bon banc.

Source : https://weltwoche.ch/story/was-heisst-es-auf-der-richtigen-seite-der-geschichte-zu-stehen, 8 décembre 2022

Reproduction avec l’aimable autorisation de l’auteur et de la rédaction de la « Weltwoche ».

(Traduction « Point de vue Suisse »)

   

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