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Débattre ou pas débattre ?

mardi 10 avril 2018 par Pierre Lenormand

L’actualité et le numéro du vendredi 23 mars de l’Humanité des débats m’ont inspiré les réflexions ci-dessous.

Certains sujets sont tabous : ainsi le débat concernant le changement climatique, opposant les scientifiques qui mettent l’accent sur les causes naturelles et ceux qui privilégient les causes humaines est aujourd’hui, dans notre pays, devenu impossible. Avec le soutien des médias et du monde politique, les tenants d’une orthodoxie climatique dominante le refusent, et s’efforcent d’interdire de parole ceux qui, à tort ou à raison, pourraient la remettre en cause.

D’autres sujets, comme le prétendu ’consensus européen’ devenu ’politiquement correct’, le débat quasi religieux entre partisans et adversaires de l’énergie nucléaire, ou celui qui monte concernant le numérique sont biaisés, ou réduits à des aspects sans doute réels, mais mineurs par rapport à l’ampleur et à la vraie nature des questions qu’ils soulèvent.

Suivant les cas la science, la morale, le consensus, voire le sens commun sont tour à tour invoqués, avec des effets dramatiques, aboutissant à l’inverse de ce que le refus du débat prétendait justifier : caricatures, insultes, ossification des points de vue, affichage de certitudes mal démontrées laissent dans les têtes le champ libre aux interprétations les plus réactionnaires ou les plus irrationnelles, que des controverses claires, argument contre argument, pourraient au contraire combattre.

On pouvait imaginer la question du travail comme un parfait objet de débats. L’Humanité du vendredi 23 mars y consacrait deux pages : mais en lieu et place du débat annoncé, on a pu lire ce qu’il est convenu d’appeler des « entretiens croisés », où les interlocuteurs ne se rencontrent pas, et ne débattent donc pas.

Il en va de même de la technique des « auditions » empruntées au management d’entreprise, chaque intervenant succédant à l’autre sans qu’il puisse y avoir confrontation des points de vue. Refus de débat souvent assumé désormais, au prétexte des risques de cacophonies, de polémiques ou en postulant le caractère inutile, voire nocif de véritables controverses. Les scientifiques, les vrais, ont depuis longtemps appris pourtant que c’est au travers de tels débats que se fait jour, lentement, douloureusement parfois, une vérité d’ailleurs souvent provisoire...

Ainsi sur le thème “le travail est-il toujours aliénation ?” nous avons pu trouver dans le journal de Jaurès des éléments fort utiles : ainsi Stéphane Haber nous rappelle que Marx avait d’abord beaucoup insisté sur l’aliénation, puis sur l’exploitation. Ainsi Claude Didry déplore-t-il une dissolution des entreprises (...) passées de la cage d’acier des capitaines d’industrie au totalitarisme numérique des virtuoses de la finance. On lui fera crédit que dans tous les cas il s’agit d’entreprises capitalistes bien constituées et toutes marquées par l’exploitation et l’aliénation...

Mais dans ce faux débat a été appelé Gaspard Koenig, jeune philosophe macroniste, ancien membre du cabinet de Christine Lagarde et fondateur du groupe de réflexion libéral “Génération Libre”. N’hésitant pas à se prévaloir de Marx, il exalte dans l’Huma la concurrence mais réfute la thèse de concentration du capital, affirme que le salariat n’est qu’une parenthèse regrettable que la technologie refermera assez vite, se prononce naturellement pour le revenu universel et prône l’émancipation par une forme de capitalisme décentralisé reposant sur des droits de propriété attribués à tous, y compris à ceux qui n’ont rien.

Toutes ces assertions mériteraient d’être une à une relevées et combattues, mais l’exercice des ’entretiens croisés’ ne le permet tout simplement pas. Et les lecteurs de l’Huma ne sauront donc pas en quoi cet ensemble de propositions relève de la propagande libérale et plus encore du credo libertarien cher aux néo-conservateurs états-uniens.

Et toutes ces “vérités” ainsi juxtaposées, restées sans examen ni contestation, font de ces deux pages une sorte de salmigondis relativiste, dérive idéologique des plus redoutables aujourd’hui, à la base du désengagement politique et des engouements pour n’importe quoi.

Décidément, préférons le... débat !

   

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