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Deutsche Bank, un zombie hante les marchés

dimanche 26 mars 2023 par Francesco Piccioni

Lorsque le navire menace de couler, le bon capitaine prend le micro et rassure tous les passagers. Il sait que, sinon, ils se mettront à courir dans tous les sens sur les ponts et dans les couloirs, gênant le travail des marins et augmentant ainsi le risque de voir la coque partir en vrille.

Mais bien sûr, tout le monde sait que le navire risque réellement de couler…

Celui du système bancaire euro-atlantique est d’ailleurs un navire délabré, boursouflé de problèmes non résolus – d’ailleurs amplifiés par une décennie de « injections de liquidités » – et structurellement incapable de manœuvrer rapidement sans se fracasser sur des obstacles imprévus.

À la liste désormais longue des faillites soudaines enregistrées au cours du seul mois de mars – celle de la Silicon Valley Bank n’a que 15 jours, elle semble une éternité – est peut-être sur le point de s’ajouter celle du géant allemand Deutsche Bank, qui fait figure de baleine échouée depuis près de 15 ans.

Vendredi, en bourse, elle a perdu près de 15% en une seule séance, pour remonter à -8. Sur les raisons de cet effondrement, les explications ad hoc abondent, toutes supposées rassurantes, comme l’éternelle « vente à découvert » (des investisseurs qui vendent des actions qu’ils ne possèdent pas, mais qu’ils ont empruntées), un jeu spéculatif à la baisse sur lequel on parvient à faire de gros gains en quelques heures.

Bref, selon cette interprétation, une interdiction légale de ce type d’action spéculative suffirait à geler les risques. Parfois, au milieu de grandes tempêtes comme celle de 2007-2008, cela a même été fait.

Mais dès que le ciel s’est dégagé, tout est redevenu comme avant. Bref, il ne s’agit pas d’une « déviation » de la logique du marché, imputable à un « excès de cupidité », mais d’un instrument normal parmi d’autres, qui n’est considéré comme dangereux que dans certaines conditions.
Il ne sera donc jamais éliminé.

L’un des instruments inventés – littéralement – par le « marché » pour mesurer le risque de faillite sont les swaps de défaut de crédit, qui devraient théoriquement intervenir (comme une assurance) pour boucher les trous créés par une éventuelle faillite. Mais lorsque les cadavres possibles ont des dimensions systémiques, aucune assurance ne peut assumer ce fardeau sans échouer à son tour.

Ces instruments d’assurance ont eux-mêmes un coût et sont tarifés de la même manière sur les marchés. Lorsque le prix pour couvrir le risque de défaut de la Deutsche Bank a augmenté rapidement, la panique s’est répandue sur les marchés boursiers européens, impliquant toutes les valeurs bancaires, de tous les pays.

Aussi fou que cela puisse paraître, même ce détail est présenté comme une explication "technique" qui devrait contribuer à rassurer les investisseurs et les épargnants…

Autre explication technique minimisant, celle qui évoque les « ondes sismiques » générées par la décision suisse de « sauver » le Crédit Suisse en supprimant la compensation des obligations At1 et en sauvegardant au moins une partie des avoirs des actionnaires.
Un véritable vol, car – selon la normalité du marché capitaliste – dans les faillites, les premiers à payer sont les actionnaires (les propriétaires, juridiquement coresponsables de la faillite), tandis que les détenteurs d’obligations (les créanciers) sont sauvegardés autant que possible.

Cela a naturellement supprimé toute certitude de restitution future pour tous les détenteurs d’obligations d’entreprises (pas d’obligations d’État, en somme), principalement des obligations bancaires. La complication vient du fait que ces détenteurs sont principalement… des banques et d’autres investisseurs professionnels. Ce qui signifie qu’il faut déclencher des mouvements de marché très importants, parce que les investisseurs révisent leurs positions, en se débarrassant des « maillons faibles ».

La Deutsche Bank, hormis le prestige de son nom, est depuis longtemps une banque zombie, sauvée et protégée par le gouvernement allemand par tous les moyens. Elle fait en effet partie de ces acteurs systémiques dont les performances risquent toujours d’entraîner celles de l’ensemble du système bancaire européen.
Trop grande pour faire faillite, mais trop en difficulté pour se rétablir…

Elle est aussi dirigée, depuis toujours, par un groupe de véritables bandits qui ont la passion du « risque » pour maximiser le profit, mais le don de Midas pour le contraire. Par exemple, lorsque la bulle des produits financiers dérivés a éclaté avec le krach de Lehamnn Brothers, il s’est avéré que la DB était exposée à l’équivalent de 20 fois le PIB de l’Allemagne à ces « morceaux de papier » d’une valeur absolument incertaine.

Un chiffre inimaginable, mais surtout qui ne peut être couvert par aucune aide d’État ou assouplissement quantitatif de la banque centrale. Comment peut-on envisager de dépenser vingt ans de la production allemande pour couvrir le gouffre financier d’une seule banque ?

Le banditisme du conseil d’administration de la DB est bien connu, à tel point qu’elle a dû payer – en 2017 – une amende de 7,2 milliards de dollars aux États-Unis pour ses « pratiques de prêt irresponsables » menées en 2006 et 2007, qui avaient en partie contribué à déclencher la Grande Récession.

La solution pour récupérer le coût de l’amende a également été bannie : réduire les coûts de manière drastique. En 2018, la DB a licencié plus de 20 % de sa main-d’œuvre mondiale en une seule journée, parvenant ainsi à dégager des bénéfices au cours des dix trimestres suivants.

Lorsque Olaf Schoz, chancelier en exercice, « rassure » les marchés en affirmant que la DB « est rentable », il omet naturellement de mentionner comment cette banque ramène ses bilans dans le positif.

Mais en fin de compte, si l’on veut comprendre quelque chose et avoir un aperçu de l’avenir immédiat, il faut se rendre compte que l’immense masse de liquidités supplémentaires déversée par la BCE et la Réserve fédérale américaine au cours des 15 dernières années (pour éviter l’effondrement du système financier) arrive à son terme.

Il était facile de prédire que toutes ces liquidités se traduiraient tôt ou tard par une inflation galopante. La guerre en Ukraine a accéléré au maximum une tendance à la hausse des prix qui était déjà en cours, y compris dans le secteur des matières premières énergétiques.

La manière dont l’Occident a réagi, derrière les États-Unis, a fait que les problèmes se sont concentrés principalement en Europe - un continent qui n’a pratiquement pas de ressources énergétiques propres - même si ce sont les banques américaines qui ont explosé en premier (mais c’est ainsi qu’est le système, trop interconnecté pour pouvoir localiser de manière rigide les phénomènes telluriques).

En d’autres termes, les sanctions ont été un suicide européen de grande ampleur, car la Russie, qui était censée être la victime, fait la queue devant la porte pour demander des livraisons de gaz, de pétrole et d’autres matières premières.

Pour ceux qui président institutionnellement à la régulation marchande des transactions – les banques, en l’occurrence – tous ces bouleversements rapides constituent une mer houleuse. Et celles qui présentent le plus de déséquilibres (comme la DB ou le Crédit suisse) sont les premières à avoir des problèmes.

Mais ce n’est pas tout…

Les leviers des taux d’intérêt (et donc du coût de base de l’argent) et de la liquidité sont en effet gérés par des institutions telles que les banques centrales (Réserve fédérale et BCE, ainsi que la Banque d’Angleterre) qui suivent des règles rigides imposées par des théories anciennes, les théories monétaristes du néolibéralisme qui a triomphé dans les années 1990.

Ils ont donc rapidement augmenté les taux d’intérêt pour « lutter contre l’inflation », qui ne provenait pourtant pas d’un « excès de dynamisme économique », mais d’une « cause externe » telle que l’augmentation des prix de l’énergie. Ils appliquent alors une recette qui ne touche pas à la cause de l’inflation (le prix du gaz évolue en fonction de la disponibilité ou non de cette matière première), mais qui a un impact énorme sur le crédit et l’investissement, donc sur la dynamique de l’économie réelle. En la comprimant.

Pensez-vous que les principaux banquiers centraux l’ont compris ?
Pas vraiment…

Le président de la Bundesbank (la banque centrale allemande), Joachim Nagel, la veille de l’effondrement de la Deutsche Bank, a déclaré dans une interview au Financial Times : « Si nous voulons dompter cette inflation tenace, nous devrons être encore plus tenaces ». Sur les taux, « il y a encore du chemin à faire » (pour les augmenter) et la BCE doit insister jusqu’à ce qu’il y ait une forte baisse de l’inflation globale.

Plus encore. Selon lui, le retrait des liquidités du marché devrait être accéléré dès juillet. En effet, « dans un second temps », le portefeuille de titres du plan pandémie Pepp (celui qui veillait à ce que la dette publique "excessive" des États ne devienne pas une cible pour la spéculation) devrait également être réduit.

Un fou, en somme, selon lequel - disait la veille du coup de boutoir de sa DB – les banques ne sont pas un problème : « Les risques de contagion semblent faibles ».

Entre les mains de ces gens-là, comment ne pas penser que nous allons nous écraser ?


Voir en ligne : https://contropiano.org/news/news-e...

   

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