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La Chienlit (de 1968 à 2018)

jeudi 3 mai 2018 par Francis Arzalier

C’est par ce mot qu’il voulait insultant que le Général De Gaulle fustigeait les manifestations étudiantes de 1968. Et il est vrai qu’au fil de ces événements, quelques amphis occupés avaient été saccagés, en général par des éléments extérieurs, loubards venus de lointaines banlieues, squatters en quête de refuges et de nourriture gratuite. Rien de bien méchant assurément, et rien de révolutionnaire. Mais les tags dont ils décoraient les murs permettaient au chef de l’État et à ses soutiens de dénoncer les grévistes étudiants, et pourquoi pas, ceux des ouvriers qui occupaient les usines.

C’était en fait un faux procès, car le mouvement étudiant était dirigé, organisé, par des groupes divers que l’on disait gauchistes, maoïstes, trotskistes, anarchistes, y compris au sein des syndicats UNEF ( étudiants ) et SNESUP ( enseignants ). Leurs objectifs et leurs méthodes étaient parfois discutables ou utopiques, mais ils ne manquaient pas de convictions idéologiques : ils en débordaient même, au point d’en débattre nuit et jour en "Assemblées Générales" houleuses...

L’accusation en 1968 n’exprimait donc que la volonté des bourgeois français de tout poil de disqualifier le bouillonnement de la jeunesse étudiante et scolaire, parfaitement justifiée contre le conservatisme étouffant de la société française de 1968. Sait on encore que dans la plupart des écoles publiques villageoises de France les garçonnets et les fillettes étaient séparés par une barrière dans la cour de récréation avant 1968 ? Ce discours méprisant sur la chienlit ne fut pas sans effet sur l’opinion : les élections législatives de juin 1968 furent en effet un succès des Droites confondues, et un échec pour le PCF, dont les militants, avec LA CGT, avaient animé les grèves et les occupations d’entreprises de Mai.

Un demi-siècle plus tard, en avril 2018, on pouvait croire en regardant les chaînes télé dites d’information, qui ne sont en fait que de propagande au service du CAC40, à la réédition du scénario de 68.

Alors que les grèves se succédaient pour défendre les services publics contre l’offensive de destruction de Macron, et menaçaient de s’étendre au privé, ces médias abreuvaient leurs auditeurs des nuisances ressenties par les usagers, et des dégradations supposées des quelques universités occupées, de Toulouse-Mirail à Montpellier.

Leurs vociférations contre les "minorités occupantes " furent incandescentes après l’évacuation par la police des étudiants installés à Paris I Tolbiac : leurs débats, généreux et parfois confus, n’étaient pourtant guère une menace pour la société capitaliste qu’ils affectionnent. Et ils ont repris leurs vociférations après la manifestation du Premier Mai à Paris.

Quelques centaines de jeunes gens, parfois des gamins, venus en métro jusqu’à la Bastille pour casser du flic et des vitrines, voire des manifestants, avec pour seule idéologie le goût de la " castagne", sont venus vers 14 heures se regrouper sur le Pont d’Austerlitz, sur le trajet de la manifestation syndicale qui devait s’ébranler à 15 heures. Sur leur chemin, nous les avons vus se vêtir en émeutiers anonymes, avec casques, foulards, cagoules, et sacs pleins de bouteilles et de bidons d’essence. En toute liberté, sans aucune intervention des CRS regroupés à un kilomètre, alors qu’il est interdit par la loi française de cacher son visage lors des manifestations publiques, et que leurs motivations étaient affirmées par eux mêmes.

Les directives d’état étaient donc de ne pas empêcher leur installation sur le trajet des manifestants, de leur permettre au contraire de se regrouper comme ils l’entendaient durant plus d’une heure sur le Pont d’Austerlitz pour bloquer la manifestation. Ils ont ensuite pu attaquer quelques magasins sous l’œil complaisant des journalistes venus sur ordre dès 14h les rejoindre pour les filmer, sans aucune réaction policière.

Les grenades lacrymogènes n’ont commencé à pleuvoir qu’en réponse à leurs attaques contre les policiers, enfumant surtout les manifestants qui tentaient de progresser pacifiquement.

UN SPECTACLE BIEN ORGANISE POUR PERMETTRE AUX TÉLÉVISIONS DES LE SOIR D’ANNONCER UN CHIFFRE RIDICULE ET INEXACT DE 15000 (!! )MANIFESTANTS SYNDICAUX, ET MAGNIFIANT JUSQU’À L’OUTRANCE LES EXCÈS DES CASSEURS, BAPTISÉS DU VOCABLE INQUIÉTANT DE BLACK BLOCS.

Chacun de ceux qui les ont vus ne pouvaient que s’interroger sur la complaisance ordonnée à leur égard. Et se demander aussi quels sponsors, relevant de l’état où des médias ( à qui profite le crime ? ) ont pu financer les déplacements de ces "casseurs" venus de provinces lointaines ou parfois même de l’étranger ?

Cette méthode de manipulation de l’opinion grâce à des racailles qu’on baptise éventuellement d’extrême gauche alors que certains d’entre eux sont proches plutôt du fascisme, et que d’autres sont des mercenaires rétribués, est un procédé utilisé il y a plus de trente ans par des ministres de l’Intérieur proches de l’extrême droite, comme le Comte Poniatovski ou Pasqua, elles déshonorent les gouvernants qui les emploient.

En fait, le parallélisme avec 1968 est trompeur. Certes, la société française relève toujours du capitalisme, mais il a bien changé en 50 ans, il s’est mondialisé, financiarisé, a généré les délocalisations nombreuses d’industries, un chômage massif et précarisé le salariat français.

Une authentique contre-révolution des structures sociales et surtout des cultures et des mentalités a depuis 50 ans balayé la France (et le reste du monde)

Les étudiants de 1968 trouvaient à l’issue de la fac une société de quasi plein-emploi, ceux de de 2018 redoutent l’avenir, et, en majorité, sont inquiets de leur plan de carrière plus que désireux de changer le monde. Seule une minorité des étudiants actuels est politisée, l’UNEF, autrefois animée par les luttes contre les guerres coloniales et impérialistes en Algérie, en Indochine, a perdu l’essentiel de son influence, comme d’ailleurs l’UEC, ou les divers groupes politiques dits " gauchistes". Dans ce milieu aussi, le discrédit actuel des partis politiques français de gauche et de droite est grand, résultat de l’opportunisme et du carriérisme qui ont pollué la vie politique française depuis des décennies.
Et ce n’est pas l’influence temporaire d’un mouvement informel comme les Insoumis qui va y suppléer.

Cette quasi-disparition des partis structurés par une doctrine, PCF, NPA, PS, Verts, relève en partie du suicide, mais elle s’inscrit aussi dans la contre-révolution culturelle libérale qui a balayé toutes les sociétés " développées" (ou pas) depuis la décennie 1980. L’effondrement du "socialisme réel" a entraîné celui des organisations révolutionnaires et progressistes dans toute l’Europe, en France, Italie, etc, d’autant plus facilement que les nouvelles formes du capitalisme y ont laminé et déstabilisé la classe ouvrière, colonne vertébrale de l’histoire de ces pays depuis deux siècles, jusqu’aux grandes grèves victorieuses de 1968 justement.

Soyons lucides ! Au cours de ce dernier demi-siècle, la bourgeoisie libérale a gagné la bataille des idées, convaincu la majorité des salariés que le capitalisme a certes des défauts, mais que tout autre système économique est illusoire ou pire, que les luttes sociales et politiques sont toujours vouées à l’échec. La puissance des médias au service de l’idéologie libérale est devenue incommensurable (se souvient on encore que la majorité des journalistes de la télévision ont fait grève avec les autres salariés en 1968 ? Alors qu’aujourd’hui aucun ne répugne à déformer les faits au service du libéralisme).

Rien d’étonnant dès lors, dans ce tissu social ou l’individualisme est roi, de constater que les mouvements sociaux du printemps 2018 (grèves de salariés ou manifs étudiantes) sont le fait de minorités militantes, d’autant plus méritoires qu’elles sont mal comprises par une bonne partie de l’opinion.

Ce bain d’idées réactionnaires qui imprègne nos sociétés, des ouvriers réduits à défendre leurs acquis sociaux présentés comme des privilèges indus aux professions libérales vouées à la "loi du marché", ne pouvait que peser lourdement sur le mouvement revendicatif de 2018.

Il a réussi malgré cela à freiner l’offensive contre les services publics qui subsistent. Ce n’est certes pas une victoire équivalent à celle entérinée par les accords de Grenelle en mai 1968, mais ce n’est pas rien, le rapport des forces sociales était bien différent.

Est ce à dire que le capital et ses idéologues l’ont définitivement emporté, que Marx est enfin mort comme le disent Cohn-Bendit et Macron, et que la grande lueur rouge du Communisme s’est éteinte ?

Il n’en est rien, car l’inégalité sociale, même si elle a pris d’autres formes, est plus grande qu’en 1968 entre la majorité qui ne possède rien d’autre que sa force de travail, (que le vieux Karl disait prolétariat), et la minorité des possédants directs ou indirects du capital, qui, elle, profite du travail des autres. Les phrases du"Manifeste" ont 200 ans et sonnent toujours juste :
"La bourgeoisie, nous disait il, n’a laissé "subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que le froid intérêt ", a réduit y compris " les relations de famille...à de simples rapports d’argent".

Le communisme doit remplacer cette société capitaliste illogique et immorale, et Marx le définit ainsi : " le communisme n’enlevait a personne le pouvoir de s’approprier des produits sociaux. Il n’ôte que le pouvoir d’asservir grâce à cette appropriation le travail d’autrui !".

Rien de plus, rien de moins ! Les salariés qui, dans les gares et les aéroports, les hôpitaux et les universités, défendent aujourd’hui leurs conditions de vie et l’existence du service public contre les appétits du Capital incarnées par Macron et son équipe se battent, sans toujours en avoir conscience, pour une société communiste.

Reste à entraîner à ces luttes l’ensemble des prolétaires au sens marxien du terme : c’est leur intérêt immédiat, même s’ils ne le savent pas encore.

   

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