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Françafrique : de quoi la firme "Themiis" est-elle le nom ?

samedi 2 juin 2018 par Jacques-Marie Bourget pour Proche et Moyen Orient

Vincent Bolloré vous le confirmera, la « Françafrique » n’existe plus. Inutile de chercher poux et querelles à ces entrepreneurs méritants, humanistes, engagés à veiller au bien auprès de gouvernants du continent noir. Pour le grand bien de l’Afrique. Gloire au bienveillant Jacques Foccart qui, en tête du peloton des néo missionnaires, a été le premier à ériger ce pouvoir parallèle, à inventer ces républiques à deux têtes, une noire une blanche. Certes les actions civilisatrices et altruistes du « Phoque » étaient un peu brutales, voyantes et souvent sanglantes. Afin que le nègre -qui se croyait émancipé- continue sans grogner d’obéir à la philosophie d’une libération sous tutelle dont la camisole est réglée à Paris.

Avec le temps, les règles ont été contraintes de s’adapter à la musique et au décor qui accompagnent la farce de « l’indépendance », dont le mot de passe est « démocratie ». Le chemin de cette liberté africaine est marqué par la tombe d’un soldat connu, celle de Jean-Pierre Cot. Jeune ministre de la Coopération sous Tonton, fils de héros vraiment « de gauche » comme Pierre, son père, ce naïf a imaginé que l’élection de Mitterrand sifflait la fin de partie pour la « Françafrique », que le temps des colonies était fini.

Que de Dakar à Bamako « Liberté, Égalité, Fraternité » était une Lumière partagée. Idiot inutile, ce Cot a été jeté aux orties après quelques mois d’exercice. Ne jamais oublier la doctrine distillée par l’Élysée, depuis « l’Indépendance » : l’Africain est réputé ne rien entendre au reggae voltairien. Alors qu’il suffit de lui donner un ballon et un djembé pour qu’il soit heureux. Désormais tranquille dans des palais trop secs ou trop humides, le bataillon des dictateurs s’occupe de tous les bonheurs, et donc de celui des amis blancs de la France à fric.

Je disais que le modèle inventé par Foccart avait dû s’adapter. Pour le mesurer il suffit de consulter la liste des sociétés de « sécurité » ou « d’intelligence » qui pullulent dans l’hexagone. L’Afrique reste leur fromage.

Jadis on envoyait l’armée, la Légion pour régler le compte des africains indociles. Parfois, pour les cas les plus complexes, Bob Denard et ses mercenaires prenaient la main. Jusqu’à Mitterrand qui a utilisé cette bande de reîtres au Tchad, pour tailler pièce à Kadhafi. Aujourd’hui, comme souvent, la mode du pire vient des États-Unis.

C’est le pays de Bush qui a remis sur le devant une privatisation des armées oubliée depuis le début du XIXe siècle. Maintenant Blackwater est là pour se battre à la place des « Marines » ou des « G.I ». Avant d’en arriver à cet extrême guerrier, et d’acheter « l’ordre » ou la guerre clé en main, il existe des entreprises qui proposent des solutions intermédiaires où le gradé blanc joue un discret rôle de chef suprême auprès des armées noires. Par le truchement de ces sociétés d’un service vraiment spécial, des potentats peuvent compter sur le colon historique pour l’aider à rester en place.

Dans le passé les « gardes présidentielles » de ces roitelets étaient entre les mains de barbouzes tricolores sous contrôle de Paris. Le dispositif était voyant et sujet à bavures. La France ne veut plus de surprise à la Bokassa, un adjudant ivre et mégalo qui arrive au pouvoir. Le président africain n’est plus un affidé mais un « partenaire », le DRH d’un pays qui reste une filiale économique et stratégique de l’Élysée et de ses amis. Pour éviter l’avènement de l’ivrogne capable de se faire sacrer empereur, rien de plus sûr qu’un contrôle étroit et continu des élites militaires des républiques des ex A.O.F ou A.E.F. Une école de guerre ambulante ? Voilà une idée pour garder à l’œil tout le sérail. Ce que veulent les ministères français de la Défense ou des Affaires étrangères c’est former des officiers africains qui restent « des nôtres ».

Dans l’actualité nous avons, bien visible, l’exemple de l’une de ces sociétés de guerre, la firme « Thémiis ». Elle n’a pas sourcillé en prenant pour icône la déesse de la justice. A propos de cette boîte capable de délocaliser les cursus de Saint Cyr ou de l’École de Guerre, la revue « Jeune Afrique » met les pieds dans le plat et titre, « Voilà une nouvelle passerelle armée-privé ». Et Jean Guisnel, un journaliste breton qui exulte à la simple vue d’un uniforme kaki, s’en vient préciser dans un entretien avec le Télégramme de Brest, « Thémiis » n’agit pas sans l’aval du gouvernement », ni du MEDEF partenaire de l’aventure néocoloniale.

Fondée par Camille Roux, bretonne elle aussi, et un général Gilles Rouby, « Thémiis » est également animée par le colonel Peer Dejong, un militaire trop diplômé pour finir général. Aujourd’hui cette perle de l’enseignement des arts de la guerre est à la manœuvre en République Démocratique du Congo (RDC), en Côte d’Ivoire et en Mauritanie. Des états où, c’est prouvé, la liberté est chérie-e.

Pardon pour la citation qui suit, mais elle indique le jargon militaro-globish que l’on peut lire dans l’argumentaire de ces combattants de la paix et du droit :
« Terrorisme transnational, cybermenaces, multiplication des acteurs internationaux, guerre de l’information : dans un monde globalisé, les questions de sécurité et de défense sont de plus en plus complexes. Les acteurs de la sécurité sont confrontés à une véritable guerre de la connaissance pour proposer aux décideurs les solutions les plus adaptées aux menaces qui les concernent."

L’acquisition progressive d’une autonomie stratégique constitue un enjeu majeur pour les États. L’une des réponses à cette autonomisation réside en la mise en œuvre in situ de formations de très haut niveau, permettant à ces États de s’adapter rapidement aux nouveaux défis, de réformer leurs secteurs de la sécurité en conséquence, et de prévenir les crises à venir. » Sic et pardon encore pour le pensum.

Dans un entretien, que je résume, la dame Camille Roux, cheffe donc de l’entreprise, tente de convaincre de la noblesse de sa mission, pour l’instant le plus souvent auprès de putschistes ou de dictateurs :

« Après plus de 60 ans d’indépendance politique, les pays africains veulent aujourd’hui s’approprier leur propre sécurité et souhaitent accéder à une certaine autonomie dans la gestion de leurs problématiques de défense et de sécurité… Ils leur faut acquérir des compétences en matière de droits de l’homme, de droit international humanitaire, même d’écologie ». Vous aurez noté que cette nouvelle petite sœur du bien parle de s’approprier « une certaine autonomie ». Il ne faut aller ni trop vite. Ni trop loin. La laisse reste courte, et l’Africain un grand enfant.

Mais qui sont ces magnifiques « jet profs » qui vont enseigner les droits de l’homme là où on les étrangle ? « Le corps enseignant est composé de chercheurs, de généraux (interarmées), de journalistes, d’humanitaires, de spécialistes de la gestion de crise ».

« Nous avons un partenariat avec la Direction de la coopération de sécurité et de défense du Ministère des Affaires étrangères, car nos cursus permettent à la France de rester active dans une zone stratégique. Lorsque l’on met sur pied des programmes de formation, on diffuse aussi des méthodologies, une certaine vision du monde, et bien sûr, cela favorise la francophonie. Tout cela à coût zéro pour l’État français. » Ah ! La belle entente entre bretonne et breton, Roux et Le Drian les amis de la bombarde, le ministre qui présente la société comme « indispensable à la diplomatie française ». Et les journalistes qui enseignent aux godillots cloutés de RDC doivent avoir belle allure.

« Par ailleurs, l’offre Themiis, via Antigone Associates, est en mesure de proposer aux États des solutions de financements, européens notamment. Enfin, nous allons travailler avec des États africains sur des sujets civils de contrôle des frontières, de gestion de l’immigration. » Ici nous sommes dans le dur, dans l’argent qui ne saurait mentir. En ce moment, pas très difficile contre une promesse de « stabiliser » le migrant, d’obtenir d’une Europe apeurée des crédits en cascade. Pas pour le migrant, pour son chasseur.

Les 150 officiers supérieurs instruits par « Thémiis » à Kinshasa ne sont-ils assez férus de Droits de l’homme, d’écologie, de philosophie, de Lumières ? Voilà que « l’Institut » monté par Camille de Bretagne n’arrive pas à convaincre des défenseurs des libertés. Qui se fâchent : la société amie de Le Drian est devenue leur cible, ils la dénoncent à Emmanuel Macron et apposent leurs signatures : « Clément Boursin, responsable des programmes Afrique à l’ACAT-France, Julien Moisan, coordinateur des campagnes de l’association Survie, Tony Fortin, chargé d’études de l’Observatoire des armements, et Laurent Duarte, coordinateur international de la campagne « Tournons la page », Secours catholique Caritas France… »

« Monsieur le Président,
… vous avez la possibilité d’entendre enfin l’appel des démocrates congolais : pour fragiliser l’appareil répressif auquel ils font face et isoler politiquement le régime qui ordonne de les réprimer violemment, vous pouvez annoncer la suspension immédiate de toute coopération policière et militaire française avec ce pays. Combien de coopérants militaires et policiers sont dépêchés ? À quel poste ? Les officiers militaires ou de police congolaise qui participent aux formations prodiguées ou appuyées par la France (par exemple au sein des formations de l’entreprise française Themiis) sont-ils ceux qui ordonnent de réprimer toute manifestation ? Les matériels utilisés dans cette répression brutale proviennent-ils de fournisseurs français soutenus dans le cadre de cette coopération ? ».

Ces membres d’ONG, qui ont bien compris les nouvelles méthodes de la « Françafrique », exigent que Paris cesse cette politique d’assistance ressentie comme le SAV des régimes autoritaires : « en France, il faut enfin rendre transparents ces programmes de coopération militaire et policière ; en RDC, la suspendre immédiatement pour cesser de soutenir un régime criminel ». Ce n’est pas gentil pour nos nouveaux missionnaires, hussards blancs des républiques noires, mais c’est bien dit.

Suite de l’Article Ici :


Voir en ligne : https://prochetmoyen-orient.ch/fran...

   

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