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Kérala, Vietnam, Chine, Cuba : Conquêtes et limites de l’agroécologie socialiste face à l’agrobuziness impérialiste

jeudi 21 juin 2018 par Guillaume Suing

Le gouvernement communiste du Kerala, petit Etat du sud-ouest de la fédération indienne, vient de couronner par le lancement du label « Kerala Organic », les succès de sa politique volontariste en matière d’agroécologie : L’objectif est de passer à une production agricole 100% bio à l’horizon 2020. Avec 100 000 tonnes de produits bio annuels, la moitié du chemin semble déjà parcouru. Mais ce n’est pas tout : la diversification de la production agricole, propre à développer une véritable autosuffisance alimentaire, a déjà transformé le pays. La rupture avec le modèle de monoculture intensive dépendante, avec ses survivances féodales, semble bien engagée et « durable » (puisqu’agroécologique), et les principes politiques du gouvernement n’y sont certainement pas étrangers.

Le Kerala, gouverné par les communistes depuis 1957, présente sur cette voie agricole durable, certaines similitudes avec la révolution agroécologique cubaine, dont il est inutile de rappeler les incontestables succès et le leadership en la matière depuis les années 90 : Le peuple kéralais est le plus instruit de tous les peuples indiens, le système scolaire et universitaire rivalise en performance avec celui de Cuba et l’IDH (Indice de Développement Humain) combinant les indicateurs économiques, scolaires et sanitaires, compte parmi les plus élevés des pays en voie de développement, … comme à Cuba.

C’est en particulier le développement du KAU (Université Agricole du Kérala) qui détermine les avancées décisives en agroécologie, par l’investissement gouvernemental dans la recherche agronomique et l’implantation de centres de formation partout dans les campagnes pour assister les paysans impliqués dans le processus. Les stations de recherche de l’IFSRS sur les « systèmes agronomiques intégrés » (coopératives de polyculture bio et agroforestières) jouent également un rôle déterminant en enseignant des rudiments de permaculture à la population notamment urbaine (à l’image des « organoponicos » urbains et périurbains qui font la fierté de Cuba).

Mais il faut aussi souligner que l’histoire et l’économie du Kérala ne permettent pas des avancées aussi spectaculaires qu’à Cuba. Le parti communiste kéralais, issu du mouvement maoiste, est l’un des plus importants du continent. Cependant, par la seule voie des urnes et dans le contexte spécifique qui est celui d’une lutte anti-impérialiste sous la forme d’un front politique hétérogène, marqué par plusieurs alternances, il n’a pas transformé de fond en comble la société. Il n’a pu que la gouverner et la réformer progressivement, en particulier en faveur de la paysannerie qui lui reste fidèle jusqu’aujourd’hui, plusieurs décennies après la réforme agraire anti-féodale / anti-coloniale dont elle a bénéficié. Il n’y a pas eu au Kérala de collectivisation de l’agriculture et la propriété de la terre n’est pas acquise à un pouvoir central et populaire susceptible d’impulser partout au même rythme une grande transition du modèle agricole comme c’est actuellement le cas à Cuba.

Le Kérala qui s’inscrit dans une fédération indienne politiquement hétéroclite, ne dispose pas de la marge de manœuvre d’un Etat socialiste dit classique. Ses succès récents en matière de « bio » sont évidemment liés à une volonté politique de souveraineté populaire à caractère anti-impérialiste (et donc d’autosuffisance alimentaire durable, respectueuse des sols sur le long terme), et à une capacité d’investissement planifié dont sont incapables les gouvernements capitalistes ou dépendants rétifs aux politiques de « long terme ». Mais il y manque encore la dimension nationale qui caractérise les expériences de socialisme réel au vingtième siècle.

Les prix du « bio », qui à Cuba sont fixes, sont ici plus couteux (même si le gouvernement achète les productions à des prix préférentiels), ce qui n’est pas compatible avec une perspective « durable » comme celle que l’ONU reconnait à Cuba. Même si le gouvernement kéralais subventionne abondamment les plantations qui se lancent sur cette voie, tout le territoire n’est pas encore concerné et la législation n’a évidemment pas atteint le stade d’une interdiction pure et simple des pesticides comme à Cuba.

D’une certaine façon les limites rencontrées par le Kérala sur la voie du bio, bien que son gouvernement ait depuis des décennies une tonalité communiste (mais sans structure socialiste au niveau des rapports de production) et malgré les premiers succès qu’ils enregistrent actuellement, souligne par la négative pourquoi Cuba devance tous les pays du sud en matière d’agroécologie depuis les années 90, y compris les pays de l’ex-camp socialiste.

Le développement de l’agroécologie dans les pays du sud devient un axe politique majeur sur les trois continents, et ce n’est pas un hasard. En effet, comme l’avait déjà indiqué le dirigeant révolutionnaire marxiste burkinabé Thomas Sankara dans les années quatre-vingt, la protection de l’environnement dans les pays dominés ou dépendants, qui détermine la capacité du peuple à s’approvisionner en aliments et en énergie par ses moyens propres et de façon durable, sur le long terme, ne présuppose aucun acte de foi « écologiste » de la part des gouvernements pour qu’ils s’en emparent prioritairement, ce qui est d’ailleurs plutôt rassurant quand on est un « écologiste » sincère : L’intention n’est pas « morale » ou « romantique », mais bien animée par des objectifs concrets et immédiats.

De très nombreux pays, en Amérique Latine, en Afrique, en Asie, cherchent des fonds permettant d’inciter les travailleurs de la terre à rompre avec les funestes méthodes de l’agriculture intensive tout en limitant les pertes de productivité. Mais la concurence est rude, et c’est sans surprise que de nombreux paysans « mixent » les semences d’Etat moins chers mais peu productifs, avec des semences ultraperformantes et dépendantes d’intrants chimiques fournis par Monsanto et consor. C’est le cas au Salvador par exemple le cas, malgré les efforts financiers du gouvernement.

Dans ce contexte, les performances de l’Etat cubain ne sont pas dues à un fantasmatique héroïsme, mais bien à des traits spécifiques de son socialisme : propriété étatique des terres, collectivisation avancée de la paysannerie et mutualisation du matériel agricole, haut niveau d’alphabétisation du peuple permettant aux paysans de s’instruire et devenir potentiellement « agronomes » de leurs propres sols, haut niveau de développement de la recherche (notamment agronomique) et de la diffusion du savoir scientifique à l’université, capacité de mobilisation des masses, y compris paysannes, dans des projets d’ampleur nationale, haut degré d’indépendance et de souveraineté nationale contre les appétits impérialistes extérieurs (notamment contre l’agrobuziness).

Evidemment, dans le contexte d’un pouvoir de type « électoral », dans une fédération où le Kérala est bien seul avec une telle couleur politique, les marges de manœuvres sont bien différentes, et les avancées moins rapides, quoique réelles. Tentons d’en tirer quelques enseignements.

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Voir en ligne : https://germinallejournal.jimdo.com...

   

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