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Non, il n’y a pas Benalla-le-méchant et les CRS-les-gentils

mardi 24 juillet 2018 par Théophraste R pour le Grand Soir

C’est une chose étrange en 2018 que d’avoir à citer en exemple (voir plus bas) la lettre envoyée aux policiers par un préfet en mai 1968. Et lire ensuite l’article de Fédéric Lordon dans les blogs du diplo.

Étrange, car elle met en évidence qu’en un demi-siècle la démocratie a reculé.

Étrange, car le ministre de l’Intérieur était alors un homme de droite, tandis que celui d’aujourd’hui est une création du PS dont il fut président du Conseil national.

C’est aussi une chose étrange que d’entendre ce ministre-là, le préfet de police de Paris, le directeur de l’ordre public de la préfecture de police de Paris, condamner les violences d’Alexandre Benalla en affirmant que des policiers ne sauraient s’y livrer.

C’est une chose plus étrange encore que de constater que les députés qui ont auditionné ces trois hauts responsables les laissent ainsi mentir alors que les violences gratuites, les tabassages de civils innocents sont la routine des policiers, que des citoyens sans défense sont morts sous leurs pattes dans des rues, des fourgons ou des commissariats.

C’est une chose insupportable que d’avoir à subir ainsi « la loi du mensonge triomphant qui passe » (Jaurès) alors même que la vérité est filmée à satiété. Les vidéos montrant des exactions policières inondent le Net, jusqu’à obliger parfois les médias mainstream à les montrer.

S’agissant de la place de la Contrescarpe, un jeune homme à terre a été tabassé par Benalla et un complice, aux pieds de CRS impassibles qui sont ensuite allés finir le travail quand il était acculé contre une devanture, blessé, inoffensif, pathétique, près de la jeune femme qu’avait molestée Benalla.

Non, il n’y a pas Benalla-le-méchant et les CRS-les-gentils. Ils sont tous les mêmes fruits véreux d’une doctrine malsaine dont la tranquille mise en pratique quotidienne explique que « Tout-le-monde, dé-tes-te la po-li-ce ! ».

Or, tout pays a besoin de forces de l’ordre [1] . Mais pas de robocops hors lois, hors compassion, hors justice, hors peuple. Tout le monde a peur d’une police qui devrait pourtant être comme un « poisson dans l’eau » au milieu des civils.

Il est temps de faire lire à tous les policiers la lettre du préfet Grimaud.

Théophraste R (Juge des conciliations Police/peuple).

Lettre du préfet Maurice Grimaud aux fonctionnaires de police

Dans la longue histoire insurrectionnelle de la France, les violences des forces de l’ordre ne sont pas un phénomène nouveau. En mai 1968, le préfet de police de Paris, Maurice Grimaud, prend l’initiative d’écrire une lettre à ses 25 000 hommes à ce sujet. Le préfet reconnaît les difficultés auxquelles sont parfois confrontés les policiers lors de leur mission quotidienne. Il leur rappelle néanmoins que, s’ils ont le « monopole de la violence légitime », c’est dans le but d’empêcher l’escalade de la violence sur le territoire…

Je m’adresse aujourd’hui à toute la Maison : aux gardiens comme aux gradés, aux officiers comme aux patrons, et je veux leur parler d’un sujet que nous n’avons pas le droit de passer sous silence : c’est celui des excès dans l’emploi de la force.

Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation.

Je sais, pour en avoir parlé avec beaucoup d’entre vous, que, dans votre immense majorité, vous condamnez certaines méthodes. Je sais aussi, et vous le savez avec moi, que des faits se sont produits que personne ne peut accepter. Bien entendu, il est déplorable que, trop souvent, la presse fasse le procès de la police en citant ces faits séparés de leur contexte et ne dise pas, dans le même temps, tout ce que la même police a subi d’outrages et de coups en gardant son calme et en faisant simplement son devoir.

Je suis allé toutes les fois que je l’ai pu au chevet de nos blessés, et c’est en témoin que je pourrais dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu’au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement. Tout cela est tristement vrai et chacun de nous en a eu connaissance.

C’est pour cela que je comprends que lorsque des hommes ainsi assaillis pendant de longs moments reçoivent l’ordre de dégager la rue, leur action soit souvent violente. Mais là où nous devons bien être tous d’accord, c’est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu’il s’agit de repousser, les hommes d’ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise.

Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés. Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.

Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répèterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.

Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites. Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.

Nous nous souviendrons, pour terminer, qu’être policier n’est pas un métier comme les autres ; quand on l’a choisi, on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur.

Je sais les épreuves que connaissent beaucoup d’entre vous. Je sais votre amertume devant les réflexions désobligeantes ou les brimades qui s’adressent à vous ou à votre famille, mais la seule façon de redresser cet état d’esprit déplorable d’une partie de la population, c’est de vous montrer constamment sous votre vrai visage et de faire une guerre impitoyable à tous ceux, heureusement très peu nombreux, qui par leurs actes inconsidérés accréditeraient précisément cette image déplaisante que l’on cherche à donner de nous.

Je vous redis toute ma confiance et toute mon admiration pour vous avoir vus à l’œuvre pendant vingt-cinq journées exceptionnelles, et je sais que les hommes de cœur que vous êtes me soutiendront totalement dans ce que j’entreprends et qui n’a d’autre but que de défendre la police dans son honneur et devant la nation.

Benalla et l’arc d’extrême droite

L’affaire Benalla, c’est la police qui en parle le mieux. « Nous avons le sentiment que d’une affaire Benalla, on est en train de faire une affaire de police [2] », déclare un syndicaliste policier. Précisément.

Et d’ajouter dans un éclair de lucidité dévastatrice : « Ce n’est pas ça la police. Il a ruiné notre image. » Bien sûr, avant d’être dévastatrice, cette lucidité est paradoxale puisqu’elle prend la forme retournée de la dénégation, ce tour du psychisme qui fait dire la vérité mais en énonçant le contraire de la vérité. En lieu et place de « ça n’est pas ça la police » et « il a ruiné notre image », le lecteur attentif aura évidemment rectifié de lui-même pour entendre « la police, c’est tout à fait ça (si ça n’est pas bien pire) » et « il a mis en pleine lumière ce que nous sommes ».

Suite de l’article Ici.


Voir en ligne : https://www.legrandsoir.info/


[1Autrefois appelés Gardiens de la Paix. Ceci explique sans doute cela. NDLR

[2Jean-Paul Megret, secrétaire national du Syndicat indépendant des commissaires de police, entretien : « Affaire Benalla : “Ce ne sont pas les barbouzes qui doivent assurer la sécurité de l’Elysée” », Le Monde, 21 juillet 2018.

   

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