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Mort des partis (saisonIII) : le roi gribouille et ses sujets

Après le 17 novembre

dimanche 18 novembre 2018 par Francis Arzalier

Depuis des mois, le président-monarque Macron poursuit son entreprise de destruction des conquêtes populaires au détriment de l’immense majorité des citoyens français, tout à ses rêves libéraux d’un pays où tout serait privatisé, ou rien ne relèverait plus du service public.
Plus de retraités par répartition, qui assurent la solidarité entre salariés aisés et pauvres, des retraites par points qui seront fortes ou misérables suivant qu’on était bien payé ou pas durant la vie active.

Plus de transports ferroviaires, aériens, routiers, publics, mais des entreprises privées concurrentes, capables enfin de rapporter de juteux dividendes aux actionnaires, quitte à entasser les salariés de retour du travail comme des bestiaux allant à l’abattoir.

Même largage aux capitalistes des hôpitaux, de la Sécurité sociale peu à peu dévitalisée au profit d’assurances privées,etc..
Et éradication progressive de la législation sociale et du droit du travail, arrachés par les salariés grâce aux luttes du siècle dernier, de1936 et 1945.
Tabassage fiscal des salariés obligés de se rendre à leur travail, aux centres commerciaux, en voiture individuelle...

Il est normal, dans ces conditions, que la grande majorité des Français qui ne sont pas de la petite frange de privilégiés du CAC40 soient ulcérés par ces "réformes" libérales qui les touchent directement. Le mécontentement est aujourd’hui massif, et généralisé chez presque tous les salariés, y compris ceux qui se jugent "de classes moyennes ".

Les prix des carburants, alourdis démesurément de taxes prétextant hypocritement le dérèglement climatique, furent à la veille de l’hiver 2018 une goutte de trop. Telle est la cause profonde du 17 novembre et de ses "gilets jaunes ",un ras le bol réel, justifié, de millions de Françaises et Français, qui n’avaient parfois jusque là rien dit, rien fait, lors des mouvements sociaux du printemps dernier.

Monsieur Philippe, Premier Ministre viril qui apprend au pays l’argot des OPEX guerroyant au Sahel, l’a qualifié, méprisant, de "Bolobo" : certains de ses prédécesseurs, moins obscurs, eussent dit " le Bordel ".

"Un mouvement social atypique et connecté"

Il l’est déjà par ses affirmations d’apolitisme, son refus délibéré d’affiliation a quelque organisation que ce soit, parti politique ou syndicat. Ses concepteurs, par le biais des "réseaux sociaux", ont, pour la plupart, voté contre la concurrente FN de Macron, où se sont abstenus, et ont ainsi permis au Président actuel d’être élu sans représenter la majorité des Français.

Ils ne saisissent pas vraiment le lien entre le Capital qui enserre la France, et les politiciens Macroniens qui le servent dévotement, Ministres de Philippe, Députés LREM, idéologues libéraux qui colonisent les médias, responsables économiques et sociaux divers qui émargent aux dividendes et autres profits nés du travail des autres. Mieux, les communicants chargés par ces privilégiés de manipuler l’opinion ont réussi à les persuader de cette maxime imbécile : " la politique est le mal, tous ceux qui en font sont pourris, ma seule issue est de ne pas en faire".

Ils reflètent le discrédit persistant des partis politiques, des syndicats, en fait de toutes les organisations structurées, qui furent la colonne vertébrale de l’histoire progressiste de la France. Les " gilets jaunes ", persuadés de devoir refuser toute allégeance, craignant comme la peste toute forme d’organisation démocratique, sont d’autant plus susceptibles d’être manipulés.

Localement, Droite et Extrême-Droite n’ ont pas manqué de l’essayer. A tel point que la plupart des militants politiques ou syndicaux anticapitalistes n’ont pas voulu se joindre au mouvement. Les dirigeants du PCF, englués dans la préparation d’un congrès à l’issue incertaine, ceux de la CGT, fort divisés tactiquement, et même les animateurs de la France Insoumise, pourtant un" mouvement" qui se dit allergique aux partis, ont réagi à l’annonce de ce 17 novembre incongru par un mutisme renfrogné.

Heureusement, des militants communistes, FI, ou CGT, plus lucides vis à vis de cet "informel" qui envahit les mouvements sociaux contemporains, ont jugé que le meilleur moyen d’empêcher Droite et extrême-droite d’utiliser à leur profit ce mécontentement, était de s’y joindre, en toute clarté, et sans cacher leur appartenance. Nous devons même, disaient ils, en profiter pour faire connaître nos analyses et nos perspectives, chaque fois que ce sera possible, car une partie des Gilets jaunes, ancrés dans leur rejet de "la politique", s’y refusent.

Ceux de nos militants que nous y aurons amené y côtoieront parfois des citoyens qui n’ont pas leurs repères, et peut être même de Droite ou d’extrême-droite. Quelle importance si les revendications sont justes ? Lors du référendum au sujet du Traité de Maastricht, nous savions bien qu’il y aurait dans les urnes des NON signés Front National. Était ce une raison pour ne pas assurer le succès de ce refus de classe ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : les gilets jaunes du 17 novembre étaient l’émanation de la France abonnée aux fins de mois difficiles.

La France n’inaugure pas ces mouvements populaires rassemblés sans l’aval de partis ou syndicats organisés, essentiellement à l’appel d’individus, grâce aux "réseaux sociaux".

Ce fut, par exemple, le cas de ce que les médias baptisèrent Révolutions arabes ou de couleur, en Tunisie, Égypte, ou Ukraine. Et tous avaient aussi la même désorganisation, les mêmes risques de dérives et de manipulation politicienne.

Ce fut surtout le cas à Kiev, ou l’insurrection populaire au départ a abouti grâce aux ingérences de l’Occident, à une prise du pouvoir par l’Extrême-Droite Nationaliste et fascisante. Ce fut heureusement plus conflictuel en Égypte ou en Tunisie.

En tant que militants, nous ne pouvons en aucun cas sous-estimer ces dangers de manipulation, mais nier la réalité de ces insurrections populaires, et le potentiel transformateur qu’elles incluent serait absurde politiquement. On peut rêver d’une nation structurée comme il y a 50 ans par des partis de classe structures et des syndicats de lutte, aspirer à leur résurrection. Mais on ne peut développer les combats nécessaires qu’à partir du réel, et rien que du réel.

Cette "réalité têtue" inclut aujourd’hui des millions de travailleurs exaspérés par leur vie quotidienne, mais qui ont perdu tout espoir en "la politique" et ceux qui en font profession ; rétifs aux disciplines collectives des organisations classiques, imprégnés de l’individualisme et de la foi aveugle en la technologie contemporaine, ils expriment leurs colères subites au travers de "réseaux sociaux", devenus exutoires du mal-être et ersatz de sociabilité politique. A nous de les hisser aux contraintes rationnelles de la lutte contre le Capitalisme et ses tenants, a un projet construit de société du service public.

Quand le monarque est nu

Cette explosion populaire du 17 novembre a une autre vertu, Elle a révélé des faiblesses inavouées jusque là d’un régime que rien ne semblait jusque là pouvoir dévier de ses dogmes, Jupiter méprisant, assuré du soutien indéfectible d’une majorité parlementaire En Marche, et du verbiage assourdissant d’un troupeau de communicants à sa botte dans les médias. Certes l’édifice du Pouvoir est depuis des mois fissuré, le départ successif de ministres en est preuve.

Mais la grande contre-offensive avait été lancée de l’Olympe élyséen, qui devait reconquérir en quelques mois un petit peuple de sujets : ce fut d’abord l’érection par les trompettes médiatiques à son service d’un Macron auto-proclame chevalier blanc défenseur du climat et de l a démocratie Européenne, contre un méchant Trump, grossier personnage, beauf raciste et anti-écolo. Une caricature simpliste qui devait suffire à assurer le score des candidats Macroniens en 2019.

Et pour les anciennes générations de Français, un peu trop préoccupés de leurs retraites, Macron s’est inventé un "circuit mémoriel" autour du souvenir de la Guerre d’il y a 100 ans, apte à flatter les petits fils de Poilus morts la fleur au fusil, quitte pour cela à célébrer les Maréchaux, dont un certain Pétain, qui traînèrent jusqu’au massacre des millions d’hommes entre 1914 et 18.

Ce fut peine perdue, et la tournée qui devait rétablir le dialogue entre le ROI et ses sujets s’est révélée aux yeux de tous calamiteuse, les sondages ont encore chute en novembre. Tous les observateurs non-rétribués en conviennent, Macron n’est plus cru, quoiqu’il dise, le ROI que l’on affirmait vêtu de soie et de brocard se révèle tout nu, maitre et désemparé devant l’intempérie qui vient.

On ne croyait pas d’abord à l’Élysée à cette mobilisation impromptue du 17 novembre. Et les premières allusions ministérielles une semaine avant furent bêtement insultantes, annonçant les années de prison qui guettait le moindre gilet jaune. L’ampleur qui se révéla peu à peu fut un coup de massue pour l’entourage élyséen. Durant la journée du 17, quand les chaines télé d’infos montraient en continu les foules jusqu’au pied de l’Élysée criant " Macron, démission !", le monarque, penaud, était aux abonnés absents, muet.

On ne pouvait s’empêcher de penser à Louis XVI, qui le jour où la foule à Paris assiégeait la Bastille, n’avait trouvé à marquer sur son agenda quotidien : " 14 juillet. Chasse, et grand vent.."

Ses ministres semblent, eux aussi, déconnectés de la réalité, qui multiplient les annonces contradictoires : défendant les 60 pour cent de taxes sur les carburants au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, ils multiplient les aides à l’achat de nouvelles automobiles, qui ne pourront qu’accroître encombrements et pollution, même si elles sont pour les plus chères électriques, d’autant que la plupart seront importées.

Jupiter est devenu le Roi Gribouille ! [1] Malheureusement, face à lui, qui n’est plus grand chose, il n’existe pas d’issue politique crédible. Le combat militant, pédagogique, pour éclairer la perspective vers une société égalitaire, de service public, ce chemin est encore long.


[1Georges Sand : Histoire du véritable Gribouille ou Comment Gribouille se jeta dans la rivière par
crainte de se mouiller
.

   

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