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Des gilets jaunes partout

samedi 24 novembre 2018 par ingirumimus

Le mouvement des gilets jaunes est exemplaire à plus d’un titre. D’abord parce qu’il est complètement spontané et que personne ne peut plus le contrôler, quelles que soient les intentions des uns et des autres. Les efforts de journalistes, notamment de Libération et de BFM, pour faire passer ce mouvement pour un ramassis de fachos, islamophobes, violents et homophobes auront fait long feu. On commence à comprendre que la hausse de la taxe sur le carburant est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Depuis que Macron s’est installé à l’Élysée, réforme après réforme, c’est le pouvoir d’achat qui fout le camp, tandis que les plus riches ont vu leurs revenus augmenter considérablement. Cette politique de classe, Macron et Philippe, le lobbyiste d’Areva, la payent dans les sondages.

Ils ont une telle mauvaise image dans l’opinion – menteurs, arrogants, bêtes et méchants – que quoi qu’ils fassent ils ne remonteront plus. Si Macron est encore plus bas que Philippe, c’est aussi parce qu’il parle plus souvent, et qu’il semble vraiment à avoir perdu la tête. C’est ce qui le différencie probablement de ces deux prédécesseurs qui n’étaient pas aimés, mais que personne ne songeait à définir comme des fous furieux.

La crise est tellement profonde, l’exaspération est tellement générale, que les Français ont maintenant une folle envie de renverser l’ensemble du système. C’est le premier président a être ouvertement le soutien du grand capital et l’ennemi des travailleurs et des pauvres. Ses prédécesseurs faisaient un peu la même chose, mais d’une manière plus sournoise, ce qui atténuait un peu les difficultés. Cette droite extrême aux manettes a au moins le mérite de nous faire revenir à la bonne vieille lutte des classes, le travail contre le capital.

Les députés LREM qui vivent maintenant en permanence sous la protection de la police parce qu’ils se sentent physiquement menacés [1], se sont plaints de ce qu’il n’y ait pas d’interlocuteurs dans ce mouvement des gilets jaunes, quelque leader à circonvenir si on veut [2]. Ils avouent que le gouvernement a fait fi des corps intermédiaires, cette bureaucratie qui détourne sans cesse le peuple des véritables solutions. Mais il est vrai que les syndicats ont tellement insisté pour se désolidariser de ce mouvement qu’ils ont désigné, toute honte bue, comme un mouvement populiste, qu’il n’y a plus guère de possibilité de dialogue.

Philippe Martinez peut se couvrir la tête de cendres, tellement il a manque à ses devoirs, je ne parle même pas des débris de la gauche comme Hamon ou du PCF qui ne savent plus que dire, ni que faire. Les appareils bureaucratiques qui sont coupés des réalités les plus basiques, n’ont pas supporté qu’un mouvement social d’un nouveau genre les déborde. C’est du reste ce qui s’était passé déjà en 1968. Certes la logique n’est pas tout à fait la même, c’était à l’époque une jeunesse insouciante, et le contexte économique était différent. Mais le principe reste le même, dans la lignée de Mai 68, le peuple reprend son destin en main en agissant et en trouvant des formes nouvelles de contestation. Comme en Mai 68, c’est aussi une révolte contre une forme de modernité dont personne ne veut, tant elle s’apparente à une régression sociale et politique.

Beaucoup ont souligné que c’était la France périphérique qui se révoltait. En vérité, elle vient rejoindre une France qui a plus l’habitude de se manifester et qui est du reste très solidaire du mouvement des gilets jaunes. Près de 80% des Français soutiennent le mouvement [3]. C’est un des taux les plus élevés enregistrés pour une mobilisation. 80% ça veut dire la quasi-totalité des Français, sauf les nantis. Gauche, droite, Macron a réussi l’impensable, réunir les électeurs de la France insoumise et ceux du Rassemblement national, sans compter ceux qui se disent sans affiliation partisane ou syndicale [4].

C’est sans doute là le danger pour Macron, la France périphérique qui rejoint celle des grandes villes. Car plus le mouvement dure et plus ceux qui y participent y prennent goût. On l’a dit, Martinez s’est déconsidéré au plus haut point en relayant la propagande macroniste sur le caractère supposé fasciste de cette manifestation. Mais il s’est déconsidéré aussi auprès des membres de son syndicat qui ont engagé un blocage des dépôts de carburant. On en arrive à une situation ubuesque où la hiérarchie de la CGT dit ne pas avoir rejoint le mouvement, mais où sa base bloque les dépôts. C’est un désaveu de cette bureaucratie sans vergogne [5]. Martinez fera tout comme Berger pour casser le mouvement qui lui échappe, quitte à venir pour cela au secours de Macron, et quitte à s’opposer à sa base.

La raffinerie de la Mède dans les Bouches du Rhône, les ouvriers CGT grévistes se sont joint aux gilets jaunes pour bloquer la raffinerie, et les agriculteurs viennent de les rejoindre. [6]

Un autre aspect du mouvement des gilets jaunes est encore un peu passé inaperçu. C’est un mouvement très féminisé ! Les femmes sont en première ligne. Bien qu’elles soient moins encartées que les hommes, les femmes n’en font pas moins de la politique. Et une des rares figures qui se détache de ce mouvement est Jacline Mouraud. Cette évolution inattendue doit être prise très au sérieux. D’abord parce qu’en général le pouvoir aime à faire pression sur les femmes pour qu’elles incitent les hommes à rentrer dans le rang, or là c’est l’inverse qui se passe manifestement, les femmes au contraire pousse les hommes à s’engager !

Ensuite parce que les femmes sont souvent dans ce genre de mouvement plus entêtées que les hommes, et ça c’est un très mauvais signe pour Macron et sa bande de fainéants. Ceci me fait dire que quelles que soient les formes que mettra Macron, il capitulera. Déjà il a commencé à reculer en disant qu’il allait faire quelque chose pour les plus pauvres, pour réaliser un accompagnement social de cette mesure détestable [7].

Le problème est que derrière cette revendication, il va y en avoir bien d’autres à venir. Le caractère inorganisé de ce mouvement ressemble également à Nuit debout, non que les publics soient les mêmes, mais parce que les manifestants ne se reconnaissent dans aucun parti, ni dans aucun leader, ce qui va rendre la récupération impossible, sans savoir si cela débouchera sur un nouveau parti politique.

De quelques pistes à explorer pour la transition écologique

Il devient de plus en plus évident au fur et à mesure que le temps passe que les gilets jaunes ne condamnent pas seulement une hausse programmée du prix des carburants. C’est l’ensemble de la politique de Macron qui est jugée très négativement. Les Français veulent sa démission. Même un soutien pourtant peu regardant comme Franz-Olivier Giesbert avouait que Macron était une vraie tête à claques [8] ! On ne lui donnera pas tort sur ce point. Mais au-delà du ressentiment qu’on peut éprouver à supporter à longueur de temps sa figure et son sourire aussi idiot que coincé, il y a que les Français rejettent massivement sa politique fiscale qui aggrave selon eux les inégalités sociales et créent le chaos [9].

Macron qui est assez ignorant en général et particulièrement de l’histoire de la France, sous-estime le caractère français qui s’est forgé dans un idéal de justice sociale et de recherche de l’égalité. En allant plus loin, on pourrait dire que Macron c’est l’anti-France, quand il ne vend pas un aéroport aux Chinois, il brade notre armée [10] et notre souveraineté à l’Allemagne [11]. Tout ça sous le regard bienveillant de Bruxelles.

Plus Macron continue dans la voie d’un entêtement imbécile, et plus en réalité il travaille pour une sortie de l’Union européenne. Les gilets jaunes ont bien compris que la taxe sur les carburants n’avait aucun rapport avec la lutte contre le réchauffement climatique, que c’était là qu’une manière de tuer un peu plus le pouvoir d’achat selon les désirs de la Commission européenne. La propagande macronienne qui flatte le fait que la France se réindustrialise ou attire de nouveau des capitaux étrangers, butera nécessairement sur la baisse du pouvoir d’achat des plus pauvres.

Hulot a tenté de venir maladroitement au secours de Macron en disant approuver la hausse du prix des carburants et en se disputant avec un gilet jaune [12]. Le positionnement d’Hulot est doublement erroné. D’abord parce qu’il sait très bien que le produit de cette taxe supplémentaire ne servira en rien à transition écologique, mais plutôt à combler le déficit budgétaire. Le volume attendu de cette taxe nouvelle est à peu près équivalent à la suppression de l’ISF, et donc il vient facilement à l’esprit qu’on a transféré un impôt sur les propriétaires et les très riches directement sur les classes les plus pauvres et les classes moyennes.

On aurait pu tout aussi bien taxer le capital pour financer la transition écologique, bien qu’on ne sache pas très bien ce que c’est vraiment.

Le second point est que si nous supposons que la politique de Macron relance l’économie fortement – on ne voit pas pourquoi, mais admettons cette hypothèse – une hausse du pouvoir d’achat annulerait cette taxe, et donc prouverait par là qu’une taxe ne changerait rien en termes d’émission de CO2. En outre Nicolas Hulot ne connait pas son sujet, sinon il aurait compris que les dépenses de carburant ne sont pas fantaisistes, mais sont contraintes. 70% des français utilisent leur voiture pour aller au travail [13]. S’ils le font c’est que les transports en commun ne sont pas adaptés à la réalité de l’espace français. Partons de la réalité.

L’espace économique a été organisé sciemment pour la voiture. Cela a démarré clairement avec la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Pour des raisons d’économie on a éloigné les zones d’emplois et les zones de résidence, on a organisé aussi des zones de chalandise à l’extérieur des villes. On n’a jamais demande leur avis aux français d’ailleurs. Cette politique au long cours a transformé les usages de l’espace.

Regardons les cartes ci-dessous. Nous voyons clairement que le réseau de la SNCF a été rationalisé autour des lignes rentables et au détriment de ce qu’on peut appeler les services publics. Pendant 40 on a détruit la cohérence du réseau et ensuite on s’en plaint. Évidemment la privatisation programmée par Macron de la SNCF n’arrangera rien. Cette évolution dans la forme des réseaux non seulement a forcé les populations à se tourner vers l’automobile, mais en outre elle as contribué à la désertification d’une partie du territoire.

Outre la trame du réseau, il y a aussi le fait qu’on a voulu transférer une grande partie du transport des marchandises du ferroviaire vers la route.

C’est ce qu’on voit dans le graphique suivant : dans un marché du fret en croissance sur les trente dernières années, le ferroviaire a reculé fortement. C’est une politique délibérée, or nous savons que pour chaque tonne kilomètre transportée, le fret par route est bien plus polluant que par le chemin de fer. C’est d’ailleurs un débat qui a eu lieu il y a un peu plus de trente ans, de nombreux écologistes défendaient le train et réclamer des investissements en termes de ferroutage.

Ces idées n’ont pas été suivies, ni même envisagées, parce que l’État regardait le fonctionnement de la SNCF du point de vue d’une entreprise normale dont il fallait limiter les coûts pour en extraire des profits, sans voir que même en présentant des pertes monétaires, les effets externes engendrés par cette entreprise valaient le coup d’être financées et d’autant plus qu’il faut lutter contre la pollution.

Mais à côté de cette transformation que refusent les gens comme Macron, il y a bien d’autres pistes pour décarboner l’atmosphère. Toutes en reviennent aux moyens de limiter les déplacements. Par exemple interdire aux camions étrangers de traverser la France autrement que par ferroutage. Mettre une taxe sur les camions étrangers, sortir de l’Europe pour raccourcir les circuits de distribution. Reformuler les plans d’aménagement du territoire et les plans d’urbanisme pour rapprocher les lieux de vie, les lieux de travail et les zones de chalandise.

Les taxes qui punissent les ménages les moins bien dotés d’un point de vue économique, sont hors sujet. Il est vrai que toutes ces solutions vont prendre du temps pour être mises en œuvre, mais enfin il faut bien commencer un jour. Il n’y a pas d’autre solution pour lutter contre le réchauffement climatique que de transformer le modèle de production et de consommation. Comme je l’ai dit un peu plus haut, les frais de carburant font partie des dépenses contraintes dont l’élasticité par rapport aux prix est quasi nulle.

Et évidemment ce sont toujours les plus pauvres qui ont proportionnellement plus de dépenses contraintes que les plus riches. Dans le graphique suivant publié par Le monde du 24 novembre on voit combien pèse les dépenses contraintes, mais là-dedans on n’a pas compté les frais de transport et donc de carburant. On voit combien leur marge est étroite, et dès qu’on déplace un peu le curseur à la baisse, ça tangue dangereusement. C’est encore sans doute plus vrai en dehors des grandes villes où les déplacements en transports en commun sont plus compliqués encore.

Sortie de crise ?

Bref comme on le voit Macron va avoir bien du mal à combler son déficit de popularité, et seulement à avancer quelques mesurettes qui vont y changer quelque chose. 90% des Français n’y croient pas, et pensent que le mouvement va continuer même si les hausses sont annulées, car comme on le sait si le mouvement est parti de la hausse des taxes, c’est seulement la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

En outre il n’y a pas d’interlocuteur capable de calmer les choses et de représenter ce mouvement [14]. Laurent Berger toujours à la recherche d’une canaillerie s’est proposer pour mettre en place une table ronde qui réunirait le gouvernement et des partenaires sociaux et des « associations » [15]. On voit bien le sens de la manœuvre, exclure purement et simplement les gilets jaunes d’une pseudo-négociation. Mais vu l’image de vendu qu’il se trimballe en tant que patron de la centrale syndicale très jaune, la CFDT, il y a très peu de chance que ce projet loufoque aboutisse.

Seuls les journalistes du Monde semblent vouloir y croire. En vérité pour se sortir d’affaire Macron devrait abandonner ses idées sur le budget 2019, et revenir sur ses arbitrages en faveur des plus riches, mais il ne le fera que si le mouvement dure longtemps et que le pays est paralysé.

Les députés LREM qui rasent de plus en plus les murs pensent qu’il faut faire de la pédagogie ! Mais ce n’est pas bien nécessaire, si les Français se révoltent, c’est justement parce qu’ils savent encore compter ! L’un d’entre eux, peut-être un peu plus lucide que les autres avoue : « Quand on commence à dire qu’on va faire "de la pédagogie", s’inquiète un député LREM, c’est qu’on est vraiment au bord de l’abîme. » [16].

On ne le lui fait pas dire !


Voir en ligne : http://in-girum-imus.blogg.org/des-...


Nous vous proposons cet article afin d’élargir notre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici.


[6NDLR

   

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