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« Reprendre une grande négociation avec l’Iran »

mardi 16 avril 2024 par Renaud Girard

Pour info, la vision de Renaud Girard du Figaro, obligé d’utiliser le mantra du 7 octobre pour être entendu. « Les Occidentaux doivent tout faire pour éteindre les mèches de guerre, pour des raisons évidentes d’humanité »

Cette fois, il y a eu plus de peur que de mal. La brusque montée de tension au Moyen-Orient, ouverte par le bombardement israélien du consulat iranien de Damas (7 officiels iraniens tués) le 1er avril 2024 et par la riposte iranienne sur le territoire israélien treize jours plus tard (un blessé), ne s’est pas transformée en guerre régionale généralisée. Pour le moment du moins.

Mais le Moyen-Orient demeure un baril de poudre, duquel se rapprochent toutes sortes de mèches, qu’elles soient allumées par des désirs de vengeance, des fanatismes religieux, des ambitions personnelles, des erreurs de calcul géopolitiques. Les Occidentaux doivent tout faire pour éteindre ces mèches, pour des raisons évidentes d’humanité, mais aussi pour éviter une envolée des prix du pétrole, laquelle pourrait gravement impacter leurs économies, déjà fragilisées par la guerre en Ukraine.

On doit comprendre que le pogrom, perpétré le 7 octobre 2023 par les Frères musulmans du Hamas, contre les kibboutzim pacifiques du sud d’Israël, a provoqué chez lui un traumatisme encore supérieur à celui ressenti aux États-Unis après les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Ces attaques contre New York et Washington avaient engendré une surréaction américaine aux conséquences planétaires. Les Américains ne s’étaient pas contentés de se venger sur l’Afghanistan des talibans. Ils avaient également, dans une seconde phase, envahi l’Irak de Saddam Hussein (qui n’avait pourtant rien à voir avec les crimes du 11 Septembre), provoquant en Mésopotamie un immense désordre, qui n’est toujours pas résorbé.

Israël a également surréagi après le 7 octobre 2023, détruisant plus des deux tiers des habitations et des infrastructures de Gaza, tuant des milliers d’innocents, sans avancer d’un iota vers une solution politique de la question palestinienne. Il n’est pas impossible que Benyamin Netanyahou, qui n’a pas réussi à s’emparer des chefs militaires du Hamas à Gaza, cherche désormais le succès du côté de l’Iran - à l’image de l’Amérique, qui s’était précipitée sur l’Irak en mars 2003, alors qu’elle n’avait pas vraiment achevé la mission qu’elle s’était donnée en Afghanistan.

Le premier ministre israélien a toujours dit que si la grande puissance théocratique chiite parvenait à se doter de l’arme atomique, cela créerait une menace existentielle pour l’État hébreu. Comme Donald Trump s’est retiré en 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien de juillet 2015 qu’avait signé son prédécesseur Obama, et comme les Iraniens ne se sentent plus en conséquence liés par les clauses de l’accord, la Perse a vraisemblablement repris sa course à l’arme atomique. Netanyahou pourrait être tenté de saisir le prétexte du raid aérien iranien du 13 avril pour ordonner demain le bombardement des installations iraniennes d’enrichissement d’uranium. Cela ne réussirait pas obligatoirement, mais cela provoquerait très certainement une longue guerre dans l’ensemble du Moyen-Orient, aux conséquences incalculables.
Risques d’une conflagration nucléaire

Voici pourquoi les Occidentaux, à commencer par la France, devraient proposer à l’Iran une grande négociation sur tous les sujets sécuritaires, à l’image de ce que Téhéran avait proposé en vain à l’Occident en 2003, après les invasions américaines de l’Afghanistan et de l’Irak (on utilisait à l’époque l’expression anglo-saxonne de grand bargain). Quand la guerre menace, la moindre des choses est de tenter la voie diplomatique.

Contrairement à ce que pensent les néoconservateurs occidentaux, toujours prêts à lancer des guerres au nom de leurs idéaux irréalistes de démocratie, la diplomatie n’est pas l’art des faibles. C’est l’art des sages.

C’est l’art des leaders qui saisissent que, sans dialogue, on ne comprendra jamais ce qu’il y a réellement dans la tête des dirigeants apparemment hostiles à l’Occident. Dans son discours du 14 février 2003 à l’ONU, Dominique de Villepin avait tenté, en vain, de convaincre les Anglo-Saxons de continuer à discuter avec l’Irak de Saddam Hussein. L’histoire a, depuis, entièrement donné raison au ministre des Affaires étrangères de la République française.

Les Iraniens veulent la bombe atomique car, lorsqu’ils furent attaqués en 1980 par les Irakiens (secrètement aidés par les Français et les Américains), le Conseil de sécurité de l’Onu refusa non seulement de condamner Bagdad, mais même de constater l’agression, qui était pourtant évidente. L’Iran veut l’arme nucléaire, car il est entouré de pays dotés (au nord, la Russie ; à l’est, le Pakistan ; à l’ouest, Israël ; au sud, les bases américaines et françaises du golfe Persique). Mais nous, Occidentaux, ne voulons pas que l’Iran ait la bombe. Pourquoi ? Parce que s’il l’acquérait, il serait immédiatement suivi, ne serait-ce que pour des raisons de prestige, par ces autres puissances moyen-orientales que sont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Turquie, l’Égypte.

L’Occident a raison d’essayer à tout prix d’empêcher la prolifération nucléaire au Moyen-Orient. Car, sur un théâtre, l’augmentation du nombre des détenteurs de l’arme atomique, accroît de manière exponentielle les risques d’une conflagration nucléaire, par simple méprise des intentions des voisins.

Lors de la crise de Cuba de 1962, sur le théâtre Atlantique, le jeu ne se faisait qu’entre deux acteurs étatiques, qui de surcroît ne voulaient pas se faire la guerre : l’Amérique de Kennedy et l’URSS de Khrouchtchev. Malgré cela, l’humanité est passée à deux doigts de l’apocalypse nucléaire. Heureusement qu’il y eut, à cette époque, sur le sol des États-Unis, des hommes, américains et russes, diplomates de métier ou improvisés, prêts à faire de la diplomatie secrète.
Les deux grands eurent rétrospectivement tellement peur qu’ils décidèrent ensuite d’instituer, entre la Maison-Blanche et le Kremlin, une ligne de communication directe (le fameux téléphone rouge). Il est indispensable que les Occidentaux aillent s’enquérir de ce que recherchent réellement les Iraniens, en discutant avec eux. L’accord de 2015 impulsé par Obama et négocié par Kerry était un bijou de diplomatie. Les Iraniens renonçaient à l’arme nucléaire et se soumettaient aux contrôles internationaux inopinés ; en échange, ils obtenaient la levée progressive des sanctions, ce qui leur permettait de redevenir une grande puissance commerciale.

Il devient urgent de bâtir une architecture de sécurité solide au Moyen-Orient, qui résolve une fois pour toutes la question palestinienne, et qui mette fin à l’ingérence iranienne chez ses voisins. Le fait que nous n’apprécions pas le caractère théocratique du régime des ayatollahs, ne devrait pas nous empêcher de parler avec les Iraniens. Dialoguer ne signifie pas se courber. Souvenons-nous qu’en géopolitique la valeur suprême ce n’est pas la démocratie, c’est la paix.


Voir en ligne : https://www.lefigaro.fr/vox/monde/r...

   

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