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De Bamako à Port au Prince et Marseille, l’état en déshérence

lundi 25 mars 2024 par Francis Arzalier (ANC)

Des états déficients au Sahel

La France fut une grande puissance coloniale, durant des siècles, jusqu’aux années qui ont suivi la défaite Nazie de 1945. Dans le nouveau rapport de forces de cette « Libération » des peuples occupés d’Europe et d’Asie, les mouvements de Libération Nationale ont fleuri de l’Indochine à l’Afrique, et permis au Maghreb et au Vietnam d’arracher leur indépendance aux colonialistes français.

Dans l’Empire africain de la France, les partis (RDA) et les syndicats exigeant la libération nationale avaient connu un tel essor après 1950 que le maître de la France coloniale Charles De Gaulle s’est senti obligé d’octroyer en 1960 l’indépendance aux États du Sahel, golfe de Guinée et Madagascar, mais une indépendance nominale corsetée par des « accords » économiques, financiers, militaires, qui assuraient le maintien de la sujétion du Pouvoir français sur les jeunes États. Mali, Côté d’Ivoire, Sénégal, etc… entamèrent alors des décennies de « néo-colonialisme », sous l’égide de dirigeants impuissants ou corrompus.

Démunis d’industries et de services publics, endettés, ces « jeunes Nations » fourmillaient de jeunes diplômés contraints à l’émigration pour survivre. Cette déliquescence des États africains incapables de répondre aux besoins essentiels de leurs citoyens, a finalement abouti à la prolifération de groupes armés séparatistes ou djihadistes, seuls capables de procurer à des jeunes gens sans emploi ni revenus un salaire et des armes, leur permettant de tirer profit de trafics, de drogue, de migrants, et de mettre en coupe réglée les villages et les paysans. Une insécurité qui persiste encore aujourd’hui, du Nigéria au Burkina, malgré l’intervention sans résultats de l’armée française, et qui a déjà déstabilisé les régimes civils décriés des pays du Sahel, de Bamako à Niamey et Ouagadougou, avant d’autres peut-être dans les mois à venir.

Un état déficient à Marseille ?

Évidemment, dans la vision couramment propagée en France, notre -vieille » et puissante Nation n’a rien à voir avec ces « jeunes » pays africains, confrontés à tous les maux conséquences directes d’États en faillite, quand le nôtre, hérité des siècles passés, de la Monarchie absolue et des Républiques successives, est à même d’assurer la sécurité et la vie quotidienne des citoyens.

Et si ce clivage facile devenait un mythe effondré peu à peu ?

Macron, toujours en quête de quelques points de plus dans des sondages en berne, est allé sans prévenir les intéressés, passer sa journée du 20 mars à la Castellane à Marseille, qualifié par lui, avec quelque mépris, l’exemple même de quartier occupé indument par les trafiquants de drogue qui l’occupent. Notre Communiquant en chef et son cortège de ministres nous a durant une journée inondé d’images de lui-même, signant à tour de bras les cahiers de correspondance des élèves sortant de leur collège, et chassant de ce fait les dealers du quartier.

Rassurez-vous, braves nigauds, ils sont revenus depuis !

Car ces coups de menton télévisés, comme l’ont fait remarquer le député LFI du quartier, mais aussi des magistrats et policiers, qui adorent être pris pour des incapables, ne résout rien : il ne touche pas aux causes de ce désastre social.
En effet, dans une bonne partie des villes, petites ou grandes, de France, et pas seulement à Marseille, « la guerre est d’ores et déjà perdue contre la drogue », comme l’a avoué un juge du secteur, qui, lui, sait de quoi il parle, contrairement à la bande à Macron.

D’abord parce que notre société que le Capitalisme a transformé en jungle individualiste et un enfer sans espoir pour des millions d’individus, le besoin de fuir dans l’euphorie artificielle avec l’addiction à la clé, a amené des millions d’hommes, de femmes et d’enfants, à consommer quotidiennement ces poisons : il est si facile d’en trouver au bas de la rue et par internet, et la multiplication des quantités présentes malgré l’interdiction théorique, fait que c’est à portée même des plus pauvres, quitte à se prostituer pour payer.
Le temps est loin où les « paradis artificiels » étaient réservés à une élite bourgeoise. Il y a aujourd’hui en France plusieurs millions de consommateurs quotidiens de cannabis, et surtout des centaines de milliers d’accros à la cocaïne, souvent mélangée à diverses saletés chimiques qui peuvent être mortelles à l’occasion.

Les gouvernements successifs depuis la fin du siècle vingt, ont tous laissé se dégrades les services affectés à la répression des trafics, police de proximité et magistrature, etc… mais surtout ont activement aidé au besoin de drogue, par le chômage et les bas salaires, par la démolition des conditions de vie dans des quartiers populaires ou même des villages péri-urbains dépourvus des services publics les plus élémentaires. Et cela pas seulement à Marseille et à la Castellane, comme le suggèrent nos médias : tout au plus, peut-on constater que Marseille est plus touchée que les Beaux Quartiers de Paris ou Bordeaux, parce qu’elle a su rester majoritairement populaire, ce qui est tout à son honneur.

Car le cœur du problème posé par les trafics de drogue en France est la destruction progressive en milieux populaires du rôle de l’État qu’on disait avec exagération « Providence », qui depuis 1945, disait avoir pour but d’assurer au plus grand nombre une vie quotidienne correcte, par le biais de services publics, de santé, de sécurité, de protection des plus faibles et plus démunis.

Mais depuis les dernières décennies du siècle dernier, sous les Présidences successives de Mitterrand, Sarkozy, Hollande, et Macron, l’objectif (avoué par le CNPF) est celui libéral des bourgeoisies dirigeantes, détricoter les réformes de 1945 : Retraites, Sécurité sociale, Services publics, mesures de Protection sociale, tout y passe, tout est grignoté peu à peu, et le macronisme est en la matière un achèvement, dessinant une société ou la seule règle se veut la loi du Marché-Roi.

C’est dans ce contexte que les trafics de drogue sont devenus en France un exemple parfait de Marché capitaliste, réunissant en pyramide les financiers qui le contrôlent depuis les sources internationales des produits, et qui en tirent des profits mirifiques, grâce à une main d’œuvre illégale estimée pour la France à plus de 21 000 personnes (convoyeurs, vendeurs, service d’ordre et « guetteurs ») : un véritable empire commercial illégal, dont le soubassement est constitué par les centaines de milliers de consommateurs.

Faut-il citer d’autres similitudes ?

Sur les trottoirs maliens où ils survivent de petits boulots « informels », les bandes armées djihado-délinquantes n’ont aucun mal à recruter, en offrant un modique salaire et une arme à de jeunes désœuvrés promis aux dangers aléatoires de l’émigration.

Sur ceux de la Castellane à Marseille, où des cités de Nîmes, des banlieues lyonnaises ou franciliennes, d’autres trafiquants n’ont aucune difficulté à convaincre des gamins dépourvus d’encadrement familial ou social et sans avenir professionnel évident de jouer les guetteurs pour prévenir les dealers de l’arrivée d’une voiture de police, contre quelques dizaines d’euros. Et tant pis si de temps à autre, un passant récolte une balle égarée lors d’une dispute de territoire de vente.
Car le trafic d’armes de guerre est le corollaire de celui des stupéfiants.

Des similitudes telles de disparition de l’État démocratique qu’on pourrait suggérer à Macron, Darmanin et Lecornu de demander à l’armée malienne de venir mener leur guerre contre les bandes armées dans nos villes. Qui n’auraient pas plus de succès que les soldats français de Barkhane aux portes du Sahara, ou ceux kenyans parrainés par les États Unis dans le chaos haïtiens livré aux délinquants armés ?

La Nation française va-t-elle continuer dans cette marche à l’abime ultra-libérale ?

   

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